Fille aînée de Camillo et Giovanna Berneri, Marie-Louise Berneri est née le 1er mars 1918 à Arezzo, près de Florence. Son père, d’abord socialiste, puis devenu anarchiste au début des années 20, avait quitté l’Italie avec sa famille en 1926 pour Paris. La maison familiale devint vite un centre d’activité antifasciste et cette ambiance eut une profonde influence sur Marie-Louise (et sur sa sœur Giliane). C’est là aussi qu’elle rencontre à l’âge de 13 ans le fils d’un autre anarchiste et antifasciste italien, qui deviendra l’ami et le compagnon de sa vie, Vero Recchioni (Vernon Richards), et avec lequel elle jouera un rôle primordial dans le mouvement anarchiste anglais. Après avoir obtenu son baccalauréat, elle commence des études à la Sorbonne et à être active dans le mouvement anarchiste français. Elle part deux fois en Espagne, où son père s’est rendu dès le début de la guerre civile, la seconde fois après son assassinat par des communistes en mai 1937. En 1938, elle fait partie d’un petit groupe qui publie Révision (1938) [1] et, peu après, elle se rend à Londres pour vivre avec Vernon Richards. Déjà, ils avaient collaboré étroitement pour la publication de Spain & the World ( 1936- 1939) [2], poursuivi par Revolt ! ( 1939) [2] et puis, en novembre 1939, War Commentary [2] (qui deviendra, à partir de 1945, Freedom [2]). Après la fin de la guerre civile en Espagne, elle apporte une aide importante aux orphelins et aux réfugiés. Elle perfectionne rapidement son anglais et devient bientôt l’un des principaux auteurs de Freedom et de sa maison d’édition, Freedom Press, sans négliger les tâches quotidiennes et plus fastidieuses comme la vente des périodiques dans les parcs et rues. Elle écrit une partie substantielle de la brochure sur « le mythe russe » (The Russian Myth, publié anonymement en 1942), en partie reproduite dans un petit livre sur les travailleurs en Russie (Workers in Stalin’s Russia, 1944), tous deux très critiques vis-à-vis des bolcheviks et de leur façon d’agir, d’autant plus qu’ils étaient responsables de l’assassinat de son père.
Elle est arrêtée et poursuivie en avril 1945 avec trois autres rédacteurs et collaborateurs de Freedom (dont son mari Vernon Richards) ; mais acquittée et la seule à l’être car la loi anglaise stipulait qu’une épouse ne pouvait pas fomenter une conspiration avec son mari. Lors de l’emprisonnement de Vernon Richards et de ses deux amis, c’est elle et George Woodcock qui continuent le journal, devenu depuis le début des années 40 la publication libertaire en langue anglaise de loin la plus importante, lue bien au-delà du mouvement.
A partir de 1946, elle travaille à un livre sur des utopies à caractère libertaire, mais qui ne sera publié que de façon posthume (Journey through Utopia, 1950). A que la fin de 1948, elle met au monde un bébé qui ne vivra pas longtemps. Affaibli, elle meurt elle-même quelques semaines plus tard à Londres, le 13 avril 1949. Sa mort sera un choc pour ses amis et pour tout le mouvement anarchiste international, mais surtout pour le mouvement anglais pour lequel elle était devenue au cours des années 40 la personne la plus en vue, ayant un rôle qui dépassait de loin celui de simple auteur, rédacteur ou militant. Aidée certainement par sa beauté et son charme, elle arrivait à inspirer un grand nombre de militants, d’artistes et d’intellectuels, et servait souvent de médiatrice dans bien des situations difficiles. Ses amis formèrent un Comité pour la mémoire de Marie-Louise Berneri qui publia, outre le Voyage en Utopia, un petit livre d’images et de souvenirs, et un recueil de ses articles des années 1939 à 1948, Neither East not West (Ni l’Est ni l’Ouest, 1952).