Né à Bobochevo, district de Kustendil, le 18 février 1893, Alexandre Sapoundjiev demeura, à la fin de sa vie, à Biala, district de Varna, comme exploitant agricole (petit viticulteur) et militant coopérateur.
La vie et les activités de Sapoundjiev, comme libertaire, sont étroitement liées au développement tout entier et aux luttes du mouvement anarchiste organisé en Bulgarie. Il occupa maintes fois le poste de directeur et de rédacteur responsable des journaux et des revues du mouvement. Auteur d’innombrables articles, surtout éditoriaux, il contribua grandement à la bonne orientation organisatrice des anarchistes bulgares. A cet égard, son apport personnel est particulièrement important, en comparaison avec les autres militants du mouvement.
Sapoundjiev prit connaissance des idées libertaires et adhéra au mouvement en 1911, comme lycéen à Kustendil, où il participa au groupe d’écoliers et donna sa première conférence publique sur « l’idéal anarchiste ».
De 1913 à 1916, il fut étudiant en philosophie à Sofia. En terminant ses études, il fut nommé instituteur à la campagne, mais il continua à maintenir des rapports réguliers avec ses camarades de Kustendil et de Sofia. La guerre déjà déclarée en 1915, il ne tarda pas à être mobilisé. Après la démobilisation, il étudia et termina ses études de droit. Mais Sapoundjiev n’a jamais voulu exercer la profession de juriste, considérant qu’elle est en contradiction avec ses conceptions d’anarchiste.
Il vécut un certain temps à Kustendil avec son père, ancien instituteur en retraite, homme intelligent et libéral, avec qui il s’entendait bien. Pour gagner sa vie, il s’occupait d’arboriculture. C’est à cette époque que Sapoundjiev se consacra pour la première fois à une intense activité libertaire. Le 1er mai 1919, les anarchistes de Kustendil organisèrent un grand meeting. Sapoundjiev était l’un des orateurs remarqué.
En juin de la même année, il prit part au congrès constitutif de la Fédération Anarchiste Communiste de Bulgarie (F.A.C.B.) comme délégué de Kustendil. A partir de ce moment, Sapoundjiev participa à tous les congrès, rencontres et conférences nationales du mouvement, jusqu’à la fin de sa vie. (Cette participation active fut, à notre demande, décrite en détails, dans ses mémoires, malheureusement confisqués lors d’une perquisition. Espérons qu’ils seront conservés dans les archives de l’État.)
La même année (1919), après une manifestation de rues, Sapoundjiev fut arrêté et jugé. Ce fut son premier « baptême ».
Adversaire des « expropriateurs » et du terrorisme, bien qu’il ait été proche et bon ami d’lkonomov, Alexandre Sapoundjiev insista obstinément et sans cesse sur la nécessité d’un travail d’éducation intense, d’activités largement et foncièrement sociales et publiques et d’organisation permanente des forces libertaires.
Il était de nouveau instituteur en 1921, mais n’interrompit pas ses activités libertaires. Ainsi, il participa au congrès clandestin de la F.A.C.B. à Mal-Tépé, dans la montagne de Kazanlik. De retour, il fut arrêté avec dix-huit autres militants, à la suite de quoi il fut définitivement exclu de l’enseignement. Il prit part à la publication du journal clandestin Anarchiste et il était chargé ensuite de la direction de la revue hebdomadaire, organe de la F.A.C.B., Pensée Ouvrière.
Il était présent à la grande réunion de Sofia, le 30 avril 1922, à la veille des manifestations du 1er mai. Arrêté avec cinquante militants par ordre du gouvernement de Stamboliyski, il fut interné. La rédaction de Pensée Ouvrière fut déplacée provisoirement à Kustendil et c’est Dimitar Panov qui fut chargé de sa direction.
Délégué au Ve congrès de la F.A.C.B. à Yambol, au début de 1923, il présenta un rapport important et prit une part très active à la rédaction des motions. Le 1er mai 1923 commença à paraître la revue mensuelle idéologique Société Libre. Sa direction fut confiée par la suite à Sapoundjiev.
Après le coup d’État du 9 juin 1923, la publication de Pensée Ouvrière fut suspendue par ordre du nouveau gouvernement. Sapoundjiev fut arrêté et interné à lskrets.
Pendant l’insurrection de septembre 1923, il fut de nouveau arrêté. A sa libération, il était déjà tuberculeux et dut passer quelques mois à l’hôpital universitaire d’Alexandre à Sofia, dont le directeur était le camarade professeur Paraskev Stoyanov et, ensuite, au sanatorium d’Iskrets. Rétabli quelque peu, il retourna de nouveau à Sofia en août 1924, où, encore une fois, il s’occupa de la publication de la revue Société Libre. Sapoundjiev n’approuvait pas l’attentat de la cathédrale de Sofia, en avril 1925, et il n’eut rien de commun avec cette action terroriste, comme d’ailleurs l’ensemble du mouvement anarchiste. Mais les autorités trouvèrent le prétexte excellent pour les répressions qui se déchaînèrent contre les anarchistes. Il fut arrêté et assigné à résidence surveillée par les bandes, macédoniennes mercenaires. Prévenu du danger d’être assassiné, il se réfugia en Yougoslavie.
En 1927 et 1928, les libertaires réfugiés à Veliki-Beckerek commencèrent à se déplacer vers les pays occidentaux, traversant clandestinement la frontière autrichienne. Sapoundjiev partit le dernier. Arrivant en France, il s’arrêta provisoirement à Paris, mais s’installa ensuite à Toulouse, sous le faux nom de Nicolas Tenev et travailla comme manœuvre à l’usine d’engrais chimique Lonia.
Il y avait à cette époque un groupe anarchiste bulgare important à Toulouse constitué d’étudiants et d’ouvriers qui entretenaient des rapports réguliers avec les libertaires français et les réfugiés espagnols. Ce groupe s’était consacré à un travail d’études idéologiques et tactiques approfondies, qui se prolongèrent durant trois à quatre ans. Sapoundjiev y trouva sa bonne place.
Après l’amnistie générale, Sapoundjiev retourna en Bulgarie (1930-31) et mit toutes ses connaissances, toutes ses forces et son expérience d’ancien militant au service du mouvement.
Après avoir publié une épaisse brochure sur L’Organisation Anarchiste, dans laquelle il développait les conceptions précisées à la suite des études et des discussions collectives au groupe de Toulouse, il a parcouru le pays pour organiser et unir les groupes dispersés de la F.A.C.B. et du mouvement libertaire en général.
Grâce à ses efforts et à la collaboration de quelques camarades partageant les mêmes conceptions, le mouvement renaît.
L’ancien hebdomadaire de la F.A.C.B. Pensée Ouvrière reparut, suivi de peu par la revue mensuelle idéologique Société Libre et d’autres publications et initiatives d’éditions de livres et de brochures de propagande libertaire. Un nouvel essor de l’anarchisme en Bulgarie marque cette époque. Pour ses activités, Sapoundjiev fut encore poursuivi et passa même quelques mois en prison pour la traduction et la publication d’une brochure de Sébastien Faure. Et, pendant tout ce temps, il gagna sa vie, en dépit de ses études universitaires, par le dur et sale travail de ramoneur.
Son existence et son séjour à Sofia devenus insupportables, après le deuxième coup d’État profasciste du 19 mai 1934, il se retira au village de Biala, département de Varna, où il se consacra à la viticulture et aux activités de militant coopérateur. Mais il ne rompit jamais ses relations avec le mouvement libertaire.
En 1942, la police perquisitionna dans sa maison, l’arrêta et l’interna à résidence surveillée pour six mois à Goliamo-Pechténé, district de Vrasta. Le régime policier actuel ne l’oublia pas non plus. Lors des grandes répressions contre les anarchistes, en décembre 1948, il fut arrêté et interné dans le camp de concentration de Beléné, mais la coopérative de Biala, dont il était un militant estimé, intervint et il fut libéré.
Resté fidèle à son idéal, actif et infatigable militant de la F.A.C.B., Alexandre Sapoundjiev est décédé le 6 juillet 1975, à l’âge de 82 ans.