Précurseur libertaire, éducateur. Né à Lérine (Macédoine) en 1852, de père pope, militant actif du mouvement national-révolutionnaire. Après l’école primaire chez lui, Spiro Goulaptchev s’inscrit à l’école bulgare à Istanbul avec une dizaine d’autres enfants macédoniens dont les plus connus sont Blagoev, le futur fondateur du marxisme bulgare et Traïtcho Kitantchev, devenu le célèbre militant nationaliste macédonien. Le but de cette école est la préparation des instituteurs dans les villages bulgares autour d’lstanbul, centre spirituel des Bulgares à cette époque. Hors de l’école bulgare, il y avait là l’Église, une maison de la culture, une imprimerie importante. Le directeur de l’école fut le célèbre écrivain P.R. Slaveïkov.
Le nationalisme et l’idée de la libération nationale rendent Goulaptchev enthousiaste. C’est à son initiative que l’association d’élèves « Amour Fraternel » est créée près de l’école. Ses membres font la propagande parmi les jardiniers macédoniens dans les environs d’Istanbul.
P.R. Slaveïkov, militant actif de l’aile libérale du mouvement de libération nationale, partisan des moyens de lutte pacifiques, est le premier maître à penser de Goulaptchev en tant que démocrate, ennemi des riches et des autoritaires et féministe.
En août 1874, à la demande de l’Exarchat (Administration supérieure de l’Église bulgare). P.R. Slaveïkov ouvre à Andrinopole un lycée bulgare dont Goulaptchev, Blagoev et quatre à cinq autres élèves sont le noyau constituant. Sans eux, écrit Slaveïkov, mes mains seraient liées. J’en ai besoin pour la propagande au milieu des adultes et pour ouvrir des écoles hebdomadaires desquelles je ne peux pas m’occuper.
Calomnié et dénoncé par les Grecs. Slaveïkov est arrêté et le lycée fermé. Goulaptchev est parti à Plovdiv où il termine son instruction secondaire. A l’automne de 1878, il est étudiant à Moscou où il suit pendant deux ans les cours du séminaire, un an ceux de la Faculté de Droit et enfin, passe à la Faculté d’Histoire et de Philologie de Kiev.
Lorsque la guerre serbo-bulgare (1885) est déclarée, il retourne en Bulgarie pour y participer. En 1886, il revient de nouveau en Russie, avec une mission secrète des révolutionnaires russes réfugiés en Suisse. A la frontière, la police saisit sa valise contenant, sous le double-fond, de la littérature révolutionnaire. Emprisonné, il attend la déportation en Sibérie. Mais l’intervention de l’opinion publique bulgare, grâce aux démarches de ses amis, demandant sa libération, il est expulsé et retourne en Bulgarie [1].
A Moscou et à Kiev, Goulaptchev fait partie de la jeunesse révolutionnaire où il forme sa vision du monde. Il lit les ouvrages de Pissarev, Dobrolubov, Terchernichevsky, Belnskv, Bakounine, Proudhon, Tolstoï, les classiques de la littérature russe. En Ukraine, il maintient des rapports avec les militants du parti social révolutionnaire, inspiré du fédéralisme de Dragomanov et de Ivan Franco. Chargé d’une mission secrète par ces derniers, il se rend en Galicie en 1885 et se met en rapport avec les radicaux-socialistes Mikhaïl, Paulik et d’autres. Comme étudiant à Kiev, il crée l’association « Amour Fraternel » et publie des brochures populaires. Après son extradition en 1886, il s’installe définitivement en Bulgarie et se consacre entièrement à l’enseignement. Il est nommé d’abord professeur au lycée de Gabrovo où il entreprend une vaste propagande socialiste. Avec l’auréole de combattant et de martyr, il gagne vite les sympathies de la jeunesse, des professeurs et des ouvriers. Ainsi, il réussit à fonder un club et une bibliothèque.
Au lycée éclate une révolte contre le régime réactionnaire de Stambolov. C’est Goulaptchev qui en est l’instigateur. Des élèves sont arrêtés et envoyés à la caserne. Goulaptchev est déplacé à Varna. Il n’arrête pas sa propagande et crée une autre association, une bibliothèque et une école du soir. De nouveau déplacé à Tirnovo, il y retrouve ses élèves expulsés de l’école de Gabrovo.
Partout où Goulaptchev passe, il laisse des traces de ses activités de propagandiste et d’éducateur. Elles s’étendent à travers le pays tout entier (des associations surgissent partout) à Sevliévo, à Kazanlik, à Sofia, à Plovdiv, à Triavna, à Popovo...
Goulaptchev est le fondateur du premier mouvement socialiste en Bulgarie. Dimitri Blagoev, le premier marxiste bulgare, et son adversaire par la suite, écrit à son sujet : Ce fut un courant entrainant une grande partie de la jeunesse des lycées, toute la jeunesse mécontente du passé et avide d’un nouvel idéal.
Goulaptchev organise une grande conférence nationale qui eut le caractère de premier congrès socialiste en Bulgarie. Elle tient ses séances durant quatre jours, discute un programme, organise des traductions et jette les bases de la première imprimerie socialiste à Roussé, la première librairie socialiste qui fait venir la littérature et de la presse socialiste de Genève, Londres, Paris. Goulaptchev crée une bibliothèque qui prête des livres contre des versements minimes.
Le mouvement fondé par Goulaptchev porte le nom de « Siromakhomilatvo ». Une scission intervient dans ce mouvement en 1891 : des groupes marxistes prennent naissance et jettent les bases d’un parti politique, d’autres membres adhèrent aux partis démocratiques bourgeois, la troisième partie, restée fidèle à Goulaptchev, jette les fondements du mouvement libertaire en Bulgarie.
Goulaptchev restait fidèle aux idées de Proudhon, Bakounine. Kropotkine, Tolstoï. Le fédéralisme était le principe fondamental de son idéologie. Il y a plus de 90 ans, Goulaptchev exprimait des conceptions justes sur le salariat, la classe ouvrière, etc. Les socialistes en Bulgarie entendent pour la première fois la « critique socialiste » de l’ordre bourgeois.
En 1903, son imprimerie a été vendue aux enchères pour régler ses dettes. Il déménagea à Sofia et travailla à la Direction de la Statistique jusqu’à la fin de sa vie (1918) et paiera les dettes de la première imprimerie socialiste, prix de son idéalisme sans bornes et de son attachement au mouvement socialiste qu’il créa vers les années quatre-vingt du siècle dernier.