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Michel Guerdjikov (1877-1947)

mardi 19 décembre 2023, par Georges Balkanski (CC by-nc-sa)

Homme public, révolutionnaire et organisateur du mouvement libertaire.

Michel Guerdjikov fut l’un des premiers et des plus actifs révolutionnaires libertaires en Bulgarie. Il se distingua, non seulement comme orateur talentueux et propagandiste publiciste du mouvement libertaire, mais aussi comme homme public de grande envergure sur un large terrain social, en tant que révolutionnaire pour la libération nationale de la Macédoine et de la Thrace. Pour ses activités sur ce terrain, il eut la reconnaissance de l’histoire officielle aussi bien sous l’ancien régime que sous celui d’aujourd’hui.

Par ses capacités particulières de reconnaître rapidement les qualités des hommes, il aurait pu s’élever au rang de fondateur d’un grand parti politique, si telles avaient été ses ambitions.

Fils d’une famille aisée et distinguée par sa culture, de Koprivtchitsa (son père était directeur de la Banque Nationale de Roumerie Orientale et homme public bien connu), Michel Guerdjikov naquit à Plovdiv, le 26 janvier 1877. Il suivit son instruction primaire et secondaire au lycée français à Plovdiv, où, enfant encore, il apprit la langue française et ensuite au lycée bulgare de la même ville et à celui de Kazanlik.

En Roumélie Orientale, restée protectorat turc, après la libération nationale (1878), mais relativement libre, trouvaient refuge, à l’époque, des émigrés politiques, dont Degaborv Mokrievitch, un Ukrainien, disciple de Bakounine, évadé de Sibérie où il avait été déporté à perpétuité, le docteur Roussel Soudzilovski, autre disciple de Bakounine, camarade d’Odessa et ami personnel de Christo Botev, la famille libertaire espagnole Aslan, père et deux fils, etc. Ce furent eux, notamment, qui exercèrent une influence directe sur le futur homme public et révolutionnaire libertaire.

Autour de Michel Guerdjikov se forma un groupe de lycéens qui s’initia à la propagande anarchiste. Exclu du lycée à cause de cette activité, il s’inscrivit au lycée de Kazanlik où il forma aussi, avec d’autres lycéens de Kazanlik et quelques ouvriers, un groupe anarchiste.

Parti en Suisse, en 1897, pour y faire des études de droit, il fréquenta des émigrés russes et suivit avec assiduité les célèbres polémiques entre Tcherkezov et Plekhanov, achevant ainsi sa formation idéologique d’anarchiste-communiste.

Débordant de dynamisme et d’idéalisme, Guerdjikov ne pouvait se satisfaire des études calmes de droit. Une importante organisation, connue sous le nom de « Cénacle de Genève », se constitua sous son influence. Elle lança deux journaux : Vengeance, organe des terroristes macédoniens, dont le rédacteur responsable fut Petar Mandjoukov et Voix du comité clandestin révolutionnaire macédonien, dont le directeur était Michel Guerdjikov. Ces deux journaux turent imprimés clandestinement. Les adhérents de cette organisation prirent la décision de se rendre en Macédoine et de combattre pour sa libération nationale du joug turc.

Michel s’établit à Bitolia sous un faux nom et se fit nommer professeur de français au lycée bulgare. Il participa en même temps à la propagande et à l’organisation révolutionnaire clandestine.

A partir de ce moment, quelques dizaines de libertaires de Bulgarie adhérèrent au mouvement national-révolutionnaire de Macédoine. La participation active de Guerdjikov à ce mouvement dura jusqu’à l’insurrection d’Ilinden et de Preobrajenié. Par la suite, il se retira et s’occupa entièrement de la propagande proprement anarchiste, en Bulgarie. Il lança, en 1907, avec d’autres camarades, le premier journal véritablement anarchiste en langue bulgare Société Libre.

Mobilisé à la déclaration de la guerre balkanique, en 1912, Guerdjikov proposa à l’état-major de l’armée l’organisation des milices pour mener les combats partisans contre l’armée turque. Cette proposition fut acceptée et sa compagnie joua un rôle important reconnu par l’histoire [1].

Michel Gerdjikov, officier, Première Guerre mondiale.

En 1912, Guerdjikov publia aussi un deuxième journal libertaire, Réveil, mieux présenté que le premier.

Après la grande guerre et la fondation de la fédération des anarchistes-communistes de Bulgarie (F.A.C.B.) en 1919, le même titre Réveil fut repris pour l’organe de cette fédération qui fut publié durant les années 1919-1920. Après le coup d’État de juin 1923, Guerdjikov se vit obligé de se réfugier en Turquie où il travailla comme journaliste-correspondant des journaux étrangers.

Revenu en Bulgarie, vers 1930-1931, il se sentait quelque peu coupé du mouvement libertaire et ne maintint des rapports qu’avec certains de ses anciens amis a Sofia et quelques jeunes militants. Il gagna sa vie comme journaliste, d’abord, et comme retraité, ensuite.

Un projet sérieux de publication d’un quotidien d’informations avec une vague orientation libertaire ayant échoué en 1932, Guerdjikov continua à rester isolé du mouvement libertaire jusqu’à l’arrivée des communistes au pouvoir (1944).

Le parti communiste avant ressenti le besoin d’hommes publics prestigieux, afin d’affermir son pouvoir, tenta de le « récupérer », en lui proposant une retraite de révolutionnaire, une aide financière importante et des honneurs. Il refusa catégoriquement et ce geste l’entraîna à collaborer au journal de la F.A.C.B. Pensée ouvrière où il exprima son attitude défavorable au régime.

Mais il était déjà très malade depuis un certain temps et ne pouvait pas même écrire ses mémoires que le mouvement lui demandait avec insistance. Décédé le 18 mars 1947, son enterrement donna l’occasion d’une grande manifestation, la dernière, des anarchistes bulgares sous la dictature bolchevique.

Les funérailles de Michel Guerdjikov, 20 mars 1947, Sofia

[1Pour les données biographiques plus complètes et les activités des militants libertaires bulgares dans le mouvement révolutionnaire macédonien, voir Balkanski : Libération nationale et révolution sociale, éditions « Notre route », Paris 1969 (en bulgare).