Accueil > Editions & Publications > Itinéraire - Une vie, une pensée > Itinéraire - Une vie, une pensée n°5/6 : « Malatesta » > Malatesta et l’internationalisme

Malatesta et l’internationalisme

Malatesta à la tribune du congrès d’Amsterdam en 1907

jeudi 12 septembre 2024, par Heiner Michael Becker (CC by-nc-sa)

L’internationalisme social et la solidarité des ouvriers de tous les pays sont des idéaux du mouvement ouvrier pratiquement depuis ses débuts. Après presque 150 ans d’expériences, on peut dire que la belle phrase : Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ne s’adresse apparemment pas à tout le monde, ni aux socialistes de toutes les écoles ; elle est plutôt réservée aux seuls jours fériés. Comme Max Nettlau le formula : Les socialistes de toutes tendances ont malheureusement avant tout travaillé en sens contraire, faisant de leurs idées et programmes particuliers, de leurs organisations et partis, des États hostiles l’un à l’autre, des patries irréconciliables. L’idée de l’internationalisme ouvrier, comme opposition fondamentale à la manipulation par les divers « patriotismes » au service du capitalisme, n’a jamais eu de chance réelle dans la lutte des diverses conceptions du socialisme. Ironiquement, d’un point de vue pratique, on peut dire que « l’Internationale des capitalistes », qui après tout n’existe pas comme organisation formelle, fonctionne dans une lutte essentielle : celle contre les socialistes de toutes tendances, bien mieux que tous les efforts des différentes Internationales ouvrières — pourtant des organisations formelles...

La Première Internationale

reproduction d’une célèbre gravure représentant les délégués du Congrès de l’A.I.T (ou Première Internationale) à Bâle, en septembre 1869. Drapeau de la Section de Bâle de l’Internationale. A noter la présence de Bakounine (la tête qui dépasse en bas de l’escalier à droite) et la fantaisie du graveur qui rajouté à la photo originale, deux enfants en train de faire une caricature de Napoléon. Source : Cartoliste

L’histoire de l’Internationale qu’on appelle improprement « la Première » est suffisamment connue, de sa fondation à Londres en 1864 en passant par son IVe congrès à Bâle en septembre 1869 — le dernier où les différentes tendances travaillèrent encore « fraternellement » ensemble —, à celui de La Haye en septembre 1872 où la séparation des tendances autoritaire et antiautoritaire fut pratiquement réalisée. Existence donc de deux courants : l’un, l’Association internationale antiautoritaire (ou fédéraliste), avec des congrès à Saint-Imier (septembre 1872), Genève (septembre 1873), Bruxelles (septembre 1874), Berne (octobre 1876) et Verviers (septembre 1877) ; et l’autre (bien qu’un certain nombre de fédéralistes et d’anti-autoritaires y participèrent) mena au congrès de Gand (1877) où l’on constata froidement l’irréversibilité de la séparation et de l’opposition. Même si on peut être sceptique sur les résultats de l’Internationale des travailleurs (ou des Internationales), quelques centaines d’années — et quelques guerres — plus tard, Malatesta, souvent jugé et non sans raison comme l’un des anarchistes les plus réalistes, la percevait positivement.

Avec l’Internationale fondée sur l’initiative de quelques hommes qui, à cette époque, comprenaient le vrai sens de la question sociale et la nécessité de soustraire les travailleurs à la direction des partis bourgeois, commença une ère nouvelle. Les travailleurs qui avaient toujours été une force matérielle au service d’autres hommes, bien ou mal intentionnés, apparurent alors comme le facteur principal de l’histoire du monde. En luttant pour leur propre émancipation, ils savaient lutter pour le bien de tous, pour le progrès humain, pour la fondation d’une civilisation supérieure.

L’internationale détacha les travailleurs de la suite des partis bourgeois et leur donna une conscience de classe, un programme et une politique propres ; souleva et discuta les questions sociales les plus vitales, élabora tout le socialisme moderne que quelques écrivains prétendirent ensuite être issu de leur cerveau... C’est ainsi que nous vîmes l’Internationale devenir rapidement mutualiste, collectiviste, communiste, révolutionnaire, anarchiste avec une rapidité d’évolution, témoignée par les discussions des congrès et des périodiques, mais qui ne pouvait correspondre à une évolution réelle et simultanée de la grande masse des associés.

Comme il n’y avait pas d’organes distincts pour la lutte économique et la lutte politique et d’idées, et que chaque internationaliste déployait au sein de l’Internationale toute son activité de pensée et d’action, il en résultait nécessairement ou que les individus les plus avancés auraient dû s’abaisser et se maintenir au niveau de la masse arriérée et lente ou, comme il advint, progresser et évoluer avec l’illusion que la masse les comprenait et les suivait.

Les éléments les plus avancés étudièrent, discutèrent, découvrirent les besoins du peuple, formulèrent en programmes concrets les vagues aspirations de la masse, affirmèrent le socialisme, l’anarchisme, prédirent l’avenir et le préparèrent : mais ils tuèrent l’Association. L’épée avait usé le fourreau. [1]

Malatesta participa dès le début, en 1871, à l’Internationale, d’abord au sein de la section de Naples, puis dans l’intimité de Bakounine. Il participa au congrès de Saint-Imier (15-16 septembre 1872) et au VIIIe congrès général tenu à Berne du 26 au 30 octobre 1876. A Saint-Imier il représentait, avec Bakounine, Carlo Cafiero, Andrea Costa, Giuseppe Fanelli et Ludovico Nabruzzi, la Fédération italienne. Auparavant, au congrès de Rimini de la Fédération italienne (4-8 août), les délégués avaient reçu le mandat impératif de rompre dès à présent et d’une façon complète avec le conseil général.

On ne connaît pas les contributions individuelles de Malatesta, et s’il y en avait. Il décrira ainsi, plus tard, ses débuts dans l’Internationale et dans le mouvement ouvrier, en tant que socialiste et anarchiste : Voilà les faits : dans ma première jeunesse je me disais républicain et peut-être aussi mazzinien, mais il s’agissait certainement d’un républicanisme bien indéterminé. Toujours est-il que j’étais entré en rapport avec des groupes républicains et qu’en 1870 je fis la demande, avec Leone Leoncavallo, le frère aîné du musicien célèbre, pour entrer dans l’organisation mazzinienne l’Alleanza Repubblicana Universale. On nous a dit que notre demande allait être transmise à Mazzini et, après quelques mois, on nous fit savoir qu’elle avait été repoussée parce que nos idées laissaient soupçonner que bientôt nous laisserions les républicains pour entrer dans l’Internationale. Nous ne savions guère à l’époque ce qu’était l’Internationale ; mais, poussés par cette réponse, nous cherchâmes à nous renseigner. Nous rencontrâmes Carmelo Palladino  [2] et d’autres bakouninistes, et le passage fut bientôt fait. Leoncavallo ne resta que très peu de temps dans le mouvement. (Lettre à Max Nettlau, 14 novembre 1928.)

Il précisait, dans la même lettre, pour corriger un malentendu de Nettlau (et de bien d’autres qui le suivirent dans son interprétation) : Surtout vous vous trompez, je crois, en pensant que nous restions, au fond, Italiens dans le sens de Mazzini et que la rupture que Bakounine préconisait nous déplaisait. Je crois que l’anti-patriotisme, le sentiment internationaliste a toujours été une caractéristique bien marquée de tous les internationalistes italiens, comme des espagnols, sauf peut-être quelques vieux comme Gambuzzi [3], qui avaient pris part aux guerres de libération nationale. Ce qui n’empêche pas de rendre justice aux nobles intentions des martyrs du risorgimento italien, au même titre qu’aux lutteurs pour la liberté de n’importe quel pays. Il expliquait aussi la stratégie et les actions des internationalistes italiens du temps où il commença à militer (et, dans un sens, sa propre tactique et façon d’agir pendant toute sa vie) : Je dois m’être exprimé très mal (...) si vous avez pu (...) déduire que nous étions beaucoup moins séparés de Mazzini que ne le fut Bakounine. Les conflits les plus aigus entre mazziniens et internationalistes eurent lieu après que Bakounine n’ait plus d’influence directe en Italie et même après qu’il soit mort. La vérité, je crois, est celle-ci : dans les questions théoriques nous suivions en tout Bakounine ; dans la pratique, comme nous avions en commun avec les mazziniens la haine de la monarchie, le mépris du parlementarisme et surtout le désir d’une insurrection armée, nous nous trouvions souvent en accord. D’autre part, du fait que beaucoup d’internationalistes en Romagne et dans les Marches avaient été dans les organisations mazziniennes, ils étaient traités de tourne-casaque par leurs anciens camarades, alimentant la haine et produisant souvent des rixes sanglantes. Ainsi, les relations entre les deux partis changeaient de lieu en lieu et de moment en moment, selon les humeurs et les projets qui prévalaient à l’instant.

César De Paepe, militant de la Première Internationale.

Au congrès de Berne, en 1876, Malatesta représentait de nouveau (avec Cafiero) la Fédération italienne ; il fut membre de la commission sur la solidarité dans l’action révolutionnaire et de celle sur les rapports à établir entre les individus et les groupes dans la société réorganisée, question sur laquelle il fit un discours lors de la séance du 28 octobre. Le 26, comme rapporteur de la Fédération italienne, il avait déjà fait l’historique de l’activité des internationaux dans ce pays. Le 29 octobre, dans la séance sur la proposition d’un congrès universel des socialistes à tenir en 1877, il se déclara en opposition avec la majorité des délégués car, à notre point de vue, à nous autres Italiens, l’Internationale ne doit pas être une association exclusivement ouvrière ; le but de la révolution sociale, en effet, n’est pas seulement l’émancipation de la classe ouvrière, mais l’émancipation de l’humanité tout entière ; et l’Internationale, qui est l’armée de la révolution, doit regrouper sous son drapeau tous les révolutionnaires, sans distinction de classe. Et il ajouta, remarque qui montre déjà son antagonisme futur avec le syndicalisme comme seul moyen de salut des ouvriers : (...) je tiens à déclarer que les trade-unions, telles qu’on les trouve en Angleterre et telles que De Paepe les préconise, sont à mes yeux une institution réactionnaire [4].

Quelques semaines plus tard, il envoie (avec Cafiero) une lettre au Bulletin de la Fédération jurassienne (publiée dans le numéro du 3 décembre 1876, et précédemment dans l’Arbeiter Zeitung, le 26 octobre 1876) pour corriger quelques inexactitudes et quelques omissions dans le compte rendu officiel . Ils déclarent entre autres que la Fédération italienne croit que le fait insurrectionnel, destiné à affirmer par des actes les principes socialistes, est le moyen de propagande le plus efficace et le seul qui, sans tromper et corrompre les masses, puisse pénétrer jusque dans les couches sociales les plus profondes et attirer les forces vives de l’humanité dans la lutte que soutient l’Internationale — point de vue bien dans la tradition du « risorgimento » italien, de Pisacane et formule classique de la « propagande par le fait ». La Fédération italienne considère la propriété collective des produits du travail comme le complément nécessaire au programme collectiviste, le concours de tous pour la satisfaction des besoins de chacun étant l’unique règle de production et de consommation qui réponde au principe de solidarité. C’est la formule du communisme anarchiste quelques années avant celle de Kropotkine (1880). L’année suivante, après l’insurrection du Bénévent, Malatesta était emprisonné quand les congrès de Verviers et de Gand se réunirent. Mais Costa fut envoyé comme délégué de la section du mont Matese à Verviers. L’Internationale s’endormit peu après mais, quelques jours avant le congrès de Verviers en septembre 1877, lors d’une conférence à La Chaux-de-Fonds, fut créée secrètement une « Fraternité internationale » dans la tradition bakouniniste de celle de 1864 ; Kropotkine en fut le secrétaire et Malatesta y adhéra.

Conceptions de Malatesta sur l’Internationale

Johann Most

L’initiative des socialistes (autoritaires) belges pour organiser un congrès dans le but de reconstituer une Internationale, fut suivie par un appel de Johann Most en faveur d’une conférence des délégués de la social-démocratie « révolutionnaire » de tous les pays (Freiheit, 19 juin 1880). Cette proposition fut sévèrement critiquée par Kropotkine. Mais sur l’instigation du Communistischer Arbeiter-Bildungsverein (Club communiste d’instruction des ouvriers) de Londres et de quelques amis de Most à Bruxelles, les sociaux-révolutionnaires (blanquistes) et les anarchistes belges organiseront un congrès social-révolutionnaire international. Ce congrès, tenu du 14 au 20 juillet 1881 à Londres et souvent appelé « anarchiste », était d’abord en réalité un congrès social-révolutionnaire, mais dominé par la force intellectuelle de quelques participants anarchistes : Kropotkine, Malatesta, Merlino et Gustave Brocher en premier lieu. Dès que cette rencontre fut promise au succès, la Fraternité internationale s’en occupa pour la propagation de ses idées et plans.

Les discussions entre les « frères intimes » montrent bien les intentions et les idées que Malatesta avait sur la forme et le but d’une Internationale : Pierre [Kropotkine] nous propose la reconstitution de l’Internationale et, dans celle-ci, de l’organisation secrète, en un mot l’Alliance. Je crois qu’à ces deux organisations, il faut en ajouter une troisième : la Ligue révolutionnaire. Il le faut parce que c’est utile ; et il le faut encore parce qu’elle se fera quand même, sans nous et contre nous. La Ligue révolutionnaire belge qui a pris l’initiative de ce congrès dans le but de se transformer en organisation internationale ne voudra pas y renoncer ; et c’est bien parce que, selon moi, une ligue entre tous ceux qui, tout en ayant des programmes différents, s’accordent sur la nécessité d’en venir à l’affrontement le plus tôt possible, peut être appelée aujourd’hui à rendre de grands services. Mais il ne faut pas faire de confusions et de méli-mélo qui finiraient par achever la désorganisation et nous jeter dans une complète impuissance.

Il faut que chaque fraction conserve son particularisme et son organisation et qu’elle se fédère aux autres pour les buts communs, restant libre de faire ce qu’elle veut pour tout le reste.

Les Belges et surtout les blanquistes viendront probablement avec l’idée de se donner l’accolade, de passer sur les différences qui séparent les uns des autres et former tous une seule armée unie et inséparable.

C’est là une tendance qu’il faut combattre de toutes nos forces : puisque le triomphe de cette tendance serait la stérilité et la mort prochaine de l’organisation qu’on va fonder. Si pour nous unir, nous (les révolutionnaires en général), nous cachons les profondes différences qui nous séparent, bien vite ces différences se feront jour, nous surprendront, engageront guerre entre elles et il en sera fini pour longtemps de l’union et de l’organisation. Si, au contraire, nous nous unissons après avoir constaté nos différences et avoir trouvé utile, malgré ces différences, de nous unir pour une action commune, nous irons ensemble jusqu’à l’accomplissement de cette action...

L’Internationale de 1864 est tombée parce qu’elle devait accomplir le travail de différenciation entre tous ces hommes, aux tendances différentes, qu’un intérêt, une haine ou une aspiration commune avait poussé confusément dans les rangs de la grande association. Tenons compte désormais des différences constatées dans les luttes de la Première Internationale, ou nous en referons l’histoire.

Dans l’article que j’ai envoyé au Bulletin [5] (et que, ne sachant pas ce qu’en feront les Belges, je fais imprimer aussi dans le Grido del Popolo), je développe justement cette idée que le congrès ne doit pas être un congrès de fusion ou de conciliation ; mais une réunion de révolutionnaires, laquelle, après avoir constaté les différences et les ressemblances qu’il y a entre les programmes des différentes fractions, cherchera le moyen pour que chaque fraction puisse travailler ensemble avec les autres pour les buts communs, tandis qu’elle continuera son œuvre spéciale pour la réalisation de ce côté du programme qui la distingue des autres. Chaque fraction gardera son indépendance et réglera ses alliances selon les intérêts de sa cause.

D’accord sur ce point, tout le reste découle naturellement et ne peut pas trouver d’opposition au sein du congrès.

Evidemment, nous sommes tous intéressés par un organisme qui nous permettra d’agir sur les masses ouvrières, tous intéressés à voir se développer dans le peuple l’esprit de révolte, la conscience de ses droits et de sa force, la haine contre la bourgeoisie et contre les gouvernements ; et puisque l’Internationale tant qu’elle est garantie contre le danger de devenir une machine électorale répond à cet intérêt commun à tous ; sans préjuger des autres moyens dont une partie d’entre nous veut se servir, nous pouvons tous accepter l’Internationale comme association de résistance contre le capital, faisant bien de la politique destructive mais complètement étrangère à toute espèce de politique positive, et surtout étrangère à la lutte électorale.

Comment doit être organisée l’Internationale ? Selon moi à peu près comme l’Internationale anarchiste de 1873. Je crois qu’en garantissant la plus complète autonomie à tous les groupes et en laissant à tous le droit de correspondre directement avec tous, aussi bien sur le terrain international que sur le terrain national, je crois qu’on pourrait sans danger et avec beaucoup d’avantages avoir un bureau central de renseignements et de correspondance. Mais il faudra pour cela trouver des individus qui puissent réellement s’en occuper : autrement, il vaut beaucoup mieux ne pas avoir de bureau central.

L’Internationale doit-elle être secrète ou publique ? Selon moi, elle doit être autant que possible publique. L’Internationale, telle que nous la concevons à présent, ne peut pas être secrète sans manquer à la mission qui lui est propre. Puisque nous voulons faire à côté et dans le sein de l’Internationale une association secrète. Si l’Internationale était elle-même secrète, elle ne serait qu’un second nom (parfois très utile) donné à la même et unique chose. En France, par exemple, ce serait déjà un triomphe que de forcer le gouvernement à abolir ou à laisser sans effet la loi contre l’Internationale ; et je pense qu’aujourd’hui il ne serait pas difficile de parvenir à cela en France. Dans les pays où l’Internationale ne pourrait pas apparaître publiquement, il faudra se rattraper en agissant le plus possible au sein de toute sorte d’organisations ouvrières.

Outre le terrain commun de la résistance contre le capital, sur lequel nous pouvons nous rencontrer avec tous les socialistes qui voudront s’obliger à ne pas faire de la politique dans les rangs de l’Internationale, nous aurons avec les révolutionnaires socialistes le terrain commun de l’attaque contre le capital et avec les révolutionnaires politiques celui de l’attaque contre les gouvernements.

Outre l’Internationale, nous pourrons donc dans le congrès traiter la question de la Ligue révolutionnaire. Cette ligue sera possible si, nous engageant tous à provoquer et à prendre part à la lutte matérielle, nous nous réservons la liberté de faire la guerre chacun comme il l’entend et dans le but qui lui est propre.

Faut-il que la Ligue révolutionnaire ait un bureau international ? Je pense que non. Ce serait un organe inutile et gênant et peut-être un danger sérieux. Tout cela se réduit à une question de balance entre ce qu’on risque et ce qu’on gagne en s’alliant avec des adversaires, et ce calcul ne peut se faire que sur le terrain national. Par exemple, aujourd’hui en Italie, je m’allierais avec les républicains parce que je crois que ce serait les socialistes qui l’emporteraient. Il y a quelques années je les aurais laissé faire et j’aurais souhaité le triomphe de la monarchie, à qui les jours sont comptés, plutôt qu’une république qui a beaucoup à vivre. D’ailleurs l’insurrection simultanée dans plusieurs pays est un rêve, c’est là une idée malsaine qui peut faire, comme cela s’est vu, qu’un pays laisse échapper des circonstances favorables pour attendre les autres pays ; quand les autres seront prêts, ce sera lui qui ne pourra pas bouger et ainsi à l’infini. Tout ce que nous pouvons espérer c’est que l’insurrection qui éclatera dans un pays soit suivie par l’insurrection des pays voisins. Et cela est tellement probable aujourd’hui en Europe occidentale que chacun devrait dans l’intérêt même de l’insurrection dans son pays aider de tous ses moyens le pays qui se montrera le premier prêt à l’action. Mais pour cela un bureau central ne peut rien, si ce n’est de livrer tout à la police. Les relations et la solidarité entre les différentes nations seront sauvegardées par la correspondance directe entre les différents organes nationaux et par l’action occulte des groupes secrets homogènes, qui, étant composés de personnes mieux choisies, voulant toutes et en tout la même chose et étant plus à l’abri de la police, peuvent bien travailler sur le terrain international.

En dehors de l’organisation de la nouvelle Internationale et de celle de la Ligue révolutionnaire, ou pour mieux dire en dehors de l’initiative de ces deux organisations... le congrès, tant que le congrès n’aura plus rien à faire. C’est complètement en dehors du congrès que nous, les anarchistes, organiserons notre Alliance, et que les autres fractions organiseront la leur, si elles le veulent...

Si nous nous mettons d’accord sur ce que je vous propose, nous soutiendrons l’organisation, pour ainsi dire, sur trois fronts : 1. les organisations intimes entre ceux qui ont en tout et partout le même programme ; 2. la Ligue entre les révolutionnaires de toutes nuances pour arriver au but immédiat commun à tous, l’insurrection : étant entendu que chaque fraction reste libre de prendre toutes les garanties qu’elle croit utiles pour son programme spécial ; 3. l’organisation ouvrière pour la lutte contre le capital.

De cette dernière, c’est-à-dire l’Internationale, nous pourrons causer publiquement ; nous discuterons des modifications qu’il faudrait apporter aux statuts de l’ancienne Internationale et nous les proposerons à l’acceptation des sections encore existantes de l’Internationale et à tous les groupes qui voudront y adhérer. On devrait charger une fédération encore existante de l’Internationale de communiquer à tout le monde les propositions du congrès de Londres et de recevoir les adhésions. Cette fédération, qui ne pourrait être que la jurassienne, tiendrait provisoirement les fonctions de bureau fédéral, en attendant que l’Internationale reconstituée règle elle-même la situation.

Il faudrait que le congrès fasse un appel à tous les socialistes, en les invitant à se réunir sur le terrain économique, restant libres chacun de traiter, en dehors de l’Internationale, la question politique comme il l’entend.

Quant à la Ligue révolutionnaire, on discutera les principes selon lesquels l’union sera faite, on annoncera au monde dans un manifeste la constitution de cette Ligue et on en restera là, dans le congrès.

Le reste : la constitution de la Ligue, aussi bien que les organisations spéciales à chaque fraction se feront par voie privée, d’homme à homme (...) [6]

Réponses des frères intimes

Adhémar Schwitzguébel
(1875)

Seul Schwitzguébel soutint entièrement les propos de Malatesta, Pindy fut très sceptique et Cafiero répondit le 26 juin : L’agitation ou conspiration que l’on propose ne peut pas tenir, n’amènera à rien du tout et vous fera perdre du temps inutilement. Vous n’avez pas d’argent, et pas la moindre chance d’en avoir ; donc pas de conspiration possible. En effet n’ayant pas d’argent vous êtes obligés d’envoyer cette énorme masse de papier, dont vous pouvez être sûrs que la police a pris connaissance, chez vous certainement. C’est inutile ; pour conspirer aujourd’hui, il faudrait des millions — sinon ce sera toujours un jeu d’enfants. Notre salut est dans l’anarchisme. Il faut nous éparpiller pour nous rendre impalpables et impondérables. Nous ne devons plus nous écrire que pour nous dire bonjour, bonsoir. (...) Enfin, n’étant pas en mesure de développer mon argument et le temps pressant, je vous joins deux articles que je voulais envoyer au Bulletin du congrès.

Je pense que ce sera plus facile pour vous de les envoyer. Ne comptez pas sur moi pour votre conspiration. Ne m’en écrivez pas plus surtout, et retenez qu’aujourd’hui je serai l’apôtre de la cellule ; et tout mon rêve n’est que de pouvoir en trouver ou en créer une dans laquelle je pourrais m’enfermer et disparaître jusqu’au jour du jugement éternel (...).

Et Kropotkine y ajouta, le 30 juin 1881 : (...) Que dire de ton projet de Ligue. Si elle est inévitable, il faudra bien l’adapter, mais je vois d’ici ce qui en arrivera. Les deux organisations ne pourront pas marcher ensemble, et dès que l’Association internationale des travailleurs pourra paraître en France, elle sera envahie par les minimunards [les adhérents au programme « minimaliste » formulé avec la participation de Marx en 1880 à Londres, c’est-à-dire les guesdistes avant tout (N.D.A.)] qui déjà s’en font les champions.

Quant à la Ligue elle est morte-née, et en ceci Charles [Cafiero] a b... [bougrement] raison. Pour faire de la conspiration sérieuse, il faut de l’argent, et nous n’en avons pas. Ce ne sera donc que des badinages comme les boîtes à sardines de la statue de Thiers... Et lors même que la conspiration devient sérieuse, ce n’est pas dans la Ligue internationale, avec ses lettres sans nombre, lues par la police, que la conspiration se fera. Elle se fera par des groupes isolés.

Inutile, elle sera en même temps gênante, puisque n’étant pas une société secrète elle cherchera à attirer des adhérents des sociétés qui pourraient servir de cadres à l’Internationale. Tout ça est fortement triste et décourageant. (...)

Malatesta participa au congrès [Londres, 14 juillet 1881 (N.D.R.)], qui se réunit dans les locaux d’un pub (« The Fitzroy Arms », 42 Cardington Street, Euston Square), comme délégué du groupe communiste anarchiste de Marseille et de la Fédération toscane, des socialistes de la Marche, des cercles ouvriers anarchistes de Turin, Chivasso (Piémont), Naples, Pavie, Alexandrie, Genève, etc., et des Fédérations de Constantinople et égyptienne (si ce n’est pas de l’internationalisme !).

Malatesta, qui prit une part extrêmement active dans les discussions, souligna de nouveau sa vision de l’Internationale. Pour nous organiser, il nous faut chercher le terrain qui nous est commun à tous, et je crois le trouver dans le fait que nous proposons tous de détruire l’ordre social actuel et que nous sommes convaincus qu’il n’y a pas d’autre moyen que la force matérielle.

Nous devons avoir en vue le double but de créer une organisation qui nous mette en relation constante avec les masses et nous donne le moyen de propager nos idées en leur sein, de les pousser à la révolte ; et de créer, d’un autre côté, un instrument puissant pour attaquer violemment la société et défendre les intérêts révolutionnaires. (...) Il faut pourtant que le programme révolutionnaire de cette organisation soit accentué et qu’on donne plus d’importance à ce qu’on appelle le côté politique, c’est-à-dire la lutte contre les gouvernements. L’Internationale en tant qu’organisation s’est généralement occupée, presque exclusivement, de la lutte économique. Je suis loin de méconnaître que l’oppression économique est la cause principale de toute oppression, mais il ne faut pas oublier que l’État est le gardien de la propriété et qu’on n’arrive au propriétaire qu’en passant sur le corps du gendarme [7]. L’Association à laquelle je propose l’adhésion est assez large pour que toutes les organisations qui en acceptent le programme puissent y adhérer sans avoir besoin de changer en quoi que ce soit leur règlement intérieur, ou de se dissoudre afin de se reconstituer sous une forme nouvelle. (...) Certainement le travailleur n’est pas la seule force de la révolution : en Italie surtout, les bourgeois déclassés sont une immense force révolutionnaire. Mais, il ne faut pas oublier, le travailleur est la seule garantie de la révolution. [8].

Sébastien Trunk

Le congrès constitua un bureau international de renseignements, constitué par trois membres et trois suppléants ; les membres les plus actifs de ce bureau seront Malatesta, Sébastien Trunk [9] et Johann Neve [10]. Mais le bureau ne fonctionna pas très bien du fait de la passivité des organisations théoriquement fédérées et s’endormit vers 1884. L’Internationale en tant que telle n’eut une existence qu’aux États-Unis, après que Johann Most s’y soit rendu, en décembre 1882. Autrement dit l’Internationale « noire », comme elle fut souvent appelée plus tard, était plutôt une Internationale « blanche », n’existant que sur le papier.

Participation aux congrès de la IIe Internationale

La fondation de la Seconde Internationale par les sociaux-démocrates et les socialistes parlementaristes à Paris en juillet 1889, après la mise à la porte des anarchistes, avec la prétention de représenter le mouvement socialiste en son entier, provoquera l’opposition véhémente de toutes les tendances libertaires qui ne voulaient pas être exclues de cette façon. Aux congrès de Paris (1889), Bruxelles (1891), Zurich (1893) et Londres (1896), les anarchistes et les antiparlementaristes essayèrent — sans succès — d’y participer. Mais déjà, à Zurich, des réunions parallèles au local du « Plattengarten » (août 1893), que les organisateurs du congrès d’Amsterdam plus tard aimeront appeler « le premier congrès anarchiste international », s’organisèrent ou plutôt s’improvisèrent. Malatesta n’avait participé à aucun de ces congrès. Le congrès socialiste international de Londres (27 juillet-1er août 1896) fut le dernier auquel les anarchistes et autres antiparlementaristes essayèrent avec énergie de participer et c’est aux réunions de préparation des anarchistes pour ce congrès, ainsi qu’aux rencontres qui les ont complétées, que Malatesta prend de nouveau part. L’exil à Londres d’un grand nombre d’anarchistes français, après l’introduction des lois scélérates en 1894, l’avait mis en contact direct avec quelques-uns d’entre eux et, de leurs discussions (surtout entre Malatesta, Augustin Hamon et Emile Pouget), naquit l’initiative de se préparer pour le congrès de 1896 d’une façon plus intensive. De plus, comme il l’écrivit de Londres en juin 1896 à Hamon : Nous avons constitué ici un comité pour défendre le droit des anarchistes de prendre part au prochain congrès international. Ce comité a organisé pour le soir du 28 juillet un grand meeting de bienvenu aux délégués, dans lequel prendront la parole beaucoup de socialistes anarchistes et non anarchistes, d’accord pour soutenir les anarchistes et le droit d’être admis au congrès, pour que le mouvement ouvrier reste largement socialiste, sans être inféodé à aucune école ou parti déterminés [11].

En ce qui concerne l’admission au congrès, ils étaient peu optimistes ou naïfs : Le meeting du mardi 28 prévu initialement pour le 27 changea de date à la suite d’une suggestion de Kropotkine qui pensait que le meeting se tenant avant que le congrès ait décidé sur la question de l’admission, on courait le risque que des camarades peu réfléchis (et il y en a tellement !) engueulent les sociaux-démocrates pour un acte d’intolérance qu’ils n’auraient pas encore. commis. (..) Je ne pense pas pourtant que le meeting soit inutile, peu importe ce qui arrivera dans le congrès. Ça veut dire qu’on réglera le ton des discours selon les circonstances. Au fond, il s’agit d’un meeting de propagande. Au congrès on sera trop nombreux... Quant à un meeting privé entre les délégués antiparlementaristes pour s’entendre sur la ligne de conduite à suivre dans le congrès, c’est convenu (...). Kropotkine était décidé à ne pas intervenir, mais la dernière fois que je l’ai vu, il y a trois ou quatre jours, il m’a paru ébranlé. Il dit qu’il ne veut pas de mandat fictif ; mais je lui fis observer que ses idées sont connues et que, par conséquent, si une corporation ou un groupe lui donne un mandat, c’est qu’on partage ses idées et qu’on aime à lui donner une occasion de les défendre. Il n’y a rien de fictif, là-dedans. De toute façon, il serait bon de lui écrire de Paris et de tenir prêt pour lui un mandat : peut-être se décidera-t-il. Je suis parfaitement d’accord avec vous que ceux qui acceptent des mandats doivent voter selon le désir des mandants. Il y a là, comme vous le dites bien, une question d’honnêteté... J’insisterai sur ce point auprès des délégués [Reece, Branham].

D’autre part, pour mon propre compte, je n’accepterai pas de mandat qui ne soit pas conforme à mes idées (...). (Lettre du 3 juillet 1896.)

Augustin Hamon

Le comité anarchiste et antiparlementaire, dont Malatesta parle, était composé, à part lui, de Hermann Stenzleit [12], Youdah Caplan (un anarchiste juif), William Wess [13], Franck Kitz [14], Max Nettlau [15] et J. Perry [16], ce dernier faisant fonction de secrétaire. En fait, seulement Malatesta, Nettlau et Perry effectuaient le travail. Malatesta s’occupait aussi, avec Augustin Hamon, en contact avec Emile Pouget et Fernand Pelloutier, de procurer des mandats aux anarchistes afin de participer au congrès international ; affaire en elle-même assez difficile : J’attendais une réponse définitive de Kropotkine que je craignais défavorable. En effet je l’ai reçue et je vous la joins pour que vous sachiez que désormais c’est inutile d’insister. Les mandats que j’ai reçus d’Italie, aussi bien que ceux qu’ont reçus d’autres camarades italiens (Cini, Agresti, etc.) n’ont aucune forme. Pas de timbre, papier sans en-tête ; rien qu’un bout de papier avec quelques signatures... De sorte que je crois prudent de garder le mandat d’Amiens [des métallurgistes d’Amiens] pour moi : je suis sûr comme ça de pouvoir entrer au congrès. (Lettre du 17 juillet 1896.) Et il publia un manifeste : Les anarchistes et le congrès socialiste international de Londres [17], dans lequel il essaye d’expliquer quelle est la position des anarchistes vis-à-vis du mouvement ouvrier en général et vis-à-vis de ce congrès en particulier.

Dans le but de nous mettre en suspicion auprès des ouvriers et d’avoir la haute main sur le mouvement, les sociaux-démocrates affirment que les anarchistes ne sont pas des socialistes... Avec bien plus de raison, on pourrait soutenir que nous sommes les socialistes les plus logiques et les plus complets puisque nous réclamons pour chacun non seulement sa part entière dans la richesse sociale, mais encore sa part dans le pouvoir social, c’est-à-dire la faculté réelle de faire sentir, comme tous les autres, son influence dans l’administration des affaires publiques. (...) Par suite, il est clair qu’un congrès dont nous serions exclus ne pourrait pas s’appeler, honnêtement, congrès international socialiste des travailleurs. Il devrait alors prendre le titre particulier du ou des partis qui y seront admis. Ainsi, aucun de nous aurait pensé à se mêler d’un congrès qui se serait nommé congrès social-démocrate ou congrès des socialistes parlementaristes.

Il est de l’intérêt de tous les ennemis de la société capitaliste que les ouvriers soient unis et solidaires dans la lutte contre le capitalisme. Cette lutte est nécessairement de caractère économique. Ce n’est pas que nous méconnaissons l’importance des questions politiques. (...) Mais la politique est naturellement une grande cause de division. (...) Par conséquent, une entente entre les ouvriers, qui luttent pour leur émancipation, ne peut avoir lieu que sur le terrain économique. C’est d’ailleurs ce qui importe le plus... Toute tentative pour imposer une opinion politique unique au mouvement ouvrier aboutirait à la désagrégation du mouvement et empêcherait les progrès de l’organisation économique (...). Nous ne demandons pas — bien loin de là — que les différents partis et écoles renoncent à leur programme et à leur tactique. Nous tenons à nos idées et nous comprenons que les autres tiennent aux leurs.

Nous demandons seulement qu’on ne porte pas la division sur un terrain où elle n’a pas de raison d’être ; nous demandons le droit pour tout travailleur de combattre la bourgeoisie, la main dans la main avec ses frères, sans distinction d’idées politiques (...). Que (...) les travailleurs puissent (...) comprendre et faire triompher la grande parole de Marx : Travailleurs du monde, unissez-vous Malatesta prit part au congrès comme délégué entre autres du syndicat des tailleurs de pierre de Barcelone, comme nombre d’autres anarchistes non pas en leur qualité d’anarchistes mais de syndiqués, délégués de chambre syndicale. Mais les sociaux-démocrates réussirent à faire passer, par toute sorte de manœuvres, des résolutions devenues fameuses et excluant des congrès futurs tous les groupements, même corporatifs, qui se refuseraient à approuver la nécessité du parlementarisme. Dès lors il y avait, selon les mots de Domela Nieuwenhuis deux partis socialistes, l’un gouverné par la liberté, l’autre par l’autorité [18].

Domela Nieuwenhuis

En conséquence, fut organisé en 1900 à Paris (date et lieu du prochain congrès international des parlementaristes) le premier congrès ouvrier révolutionnaire international qui mérite ce nom et qui devait se tenir du 19 au 22 septembre dans le faubourg du Temple. Dans un premier appel en faveur de celui-ci, lancé à l’automne 1898, Ferdinand Domela Nieuwenhuis, Fernand Pelloutier et Emile Pouget le justifiait ainsi : les groupes révolutionnaires de divers pays ont reconnu la nécessité de se séparer de la social-démocratie dont l’intolérance veut imposer à tous les groupements, même syndicaux, la nécessité de l’action législative et parlementaire. Contrairement au congrès des sociaux-démocrates organisé simultanément, il fut interdit par le ministère Waldeck-Rousseau/Millerand (premier socialiste à devenir ministre en France) ; mais quelques réunions secrètes purent avoir lieu à Paris et en banlieue. Malatesta n’y participa pas [19].

Le congrès international anarchiste d’Amsterdam

Plusieurs années s’écoulèrent avant que le vœu de voir s’établir entre les anarchistes des relations internationales (d’une façon organisée) naquit de nouveau. C’est suite à une initiative de la Fédération des communistes libertaires de Hollande à une assemblée tenue le 22 juillet 1906 à Stockel-Bois (Belgique), qu’il fut décidé de réaliser un congrès anarchiste international l’année suivante, à Amsterdam. Les Hollandais prenaient à leur charge l’organisation matérielle du congrès, tandis que les Belges commençaient la publication d’un Bulletin de l’Internationale libertaire [20]. Ce qui fut le premier congrès anarchiste international proprement dit, et qui reste peut-être aussi le plus connu, eut lieu du 25 au 31 août 1907 à Amsterdam. A l’ordre du jour, on trouvait :

1. « L’anarchisme et le syndicalisme » (rapporteurs : Pierre Monatte et John Turner) ;
2. « Grève générale et grève politique » (rapporteurs : Errico Malatesta et Dr Raphaël Friedeberg) ;
3. « Anarchisme et organisation » (rapporteurs : Georges Thonar, Amédée Dunois et H. Croiset) ;
4. « L’antimilitarisme comme tactique de l’anarchisme », et une dizaine d’autres questions comme celles de « L’alcoolisme et de l’anarchisme ».

Luigi Fabbri

Malatesta représentait l’Italie et c’est avant tout grâce à lui que les discussions et délibérations du congrès d’Amsterdam deviendront aussi fondamentales pour l’histoire des idées anarchistes [21]. Les autres délégués italiens étaient Silvio Corio (1875-1954), Luigi Fabbri et un individu du nom d’Ennio Belleli, mouchard de la police italienne, qui — cinq ans plus tard —, dénoncé par Malatesta, lui causa bien des ennuis en Angleterre.

La première clarification eut lieu au cours d’une discussion sur la participation des délégués du IIe congrès de l’Association internationale antimilitariste (organisé par son secrétaire, F. Domela Nieuwenhuis, se tenant en même temps à Amsterdam) et se termina par un vote (acte estimé contraire à l’anarchisme, selon certains, et problème non résolu depuis). On fit observer qu’il ne faut pas confondre deux choses essentiellement différentes, même quand il arrive qu’elles portent le même nom et se manifestent par les mêmes formes extérieures. Le vote que repoussent les anarchistes, qu’ils doivent repousser sous peine de se mettre en contradiction avec eux-mêmes, est le vote par lequel on renonce à sa propre souveraineté, le vote qui donne à la majorité le droit d’imposer sa volonté à la minorité, le vote qui sert à faire et à justifier la loi. Mais le vote qui sert à constater les opinions n’a certainement rien d’antianarchiste, comme n’est pas antianarchiste le vote, quand il n’est qu’un moyen pratique, librement accepté (...). [T.N.]

Plus importante fut la discussion sur l’organisation, où Malatesta apporta aux discussions les remarques essentielles : La querelle entre individualistes et sociétaires n’est qu’une querelle de mots. Tous ceux qui réfléchissent, anarchistes ou non, sont individualistes dans le sens qu’ils savent bien que l’individu est la réalité vivante, dont le bonheur est la seule chose qui importe ; et tous sont sociétaires parce que tous savent que la société, avec ses semblables, est la condition nécessaire du développement, du bonheur, de l’existence même de l’individu humain. Mais il faut distinguer. Il y a l’individualisme de celui qui ne s’occupe que de soi-même, qui veut bien le plus grand développement de son propre individu, mais reste indifférent aux souffrances des autres, ou même en jouit, et c’est l’individualisme de soi, celui des capitalistes, des oppresseurs de tout acabit ; et il y a l’individualisme de ceux qui, pour être heureux, ont besoin de savoir que les autres le sont aussi, de ceux qui veulent la liberté, le bien-être, le développement intégral de tous les individus, et c’est l’individualisme des anarchistes.

Ainsi, il y a le sociétarisme de ceux qui, dans la société, voient un terrain à exploiter, une organisation faite pour mettre les forces de tous au service des intérêts et de la volonté de quelques-uns, et c’est, encore une fois, le sociétarisme des oppresseurs et des autoritaires ; et il y a le sociétarisme des anarchistes qui veulent organiser la société de telle façon que chaque individu y trouve non pas des entraves à son activité, à l’expansion de sa personnalité...

Et si l’on regarde bien, il n’y en a pas, ou du moins il n’y a pas essentiel désaccord sur la question pratique de l’organisation. Aussi, ici, il y a équivoque, qui n’aurait pas duré si longtemps si on s’était rencontré plus souvent, et avec des intentions plus conciliatrices que dans le passé. [T. N.] On parle beaucoup d’autorité, d’autoritarisme. Mais là-dessus il faudrait s’entendre. Contre l’autorité incarnée par l’État et n’ayant d’autre but que de maintenir l’esclavage économique au sein de la société, nous nous élevons de toute notre âme et ne cesserons pas de nous révolter. Mais il y a cette autorité purement morale qui découle de l’expérience, de l’intelligence ou du talent et, tout anarchistes que nous sommes, il n’est personne d’entre nous qui ne respecte cette autorité-là.

C’est un tort de représenter les organisationnels, les fédéralistes, comme des autoritaires ; et c’est un autre, non moins grave, que de se figurer les anti-organisationnels, les individualistes, comme se condamnant délibérément à l’isolement.

Pour moi, je le répète, la querelle entre individualistes et organisationnels est une pure querelle de mots, qui ne tient pas devant l’examen attentif des faits. Dans la réalité pratique, que voyons-nous donc ? C’est que les individualistes sont parfois mieux organisés que les organisationnels pour la raison que ces derniers se bornent trop souvent à prêcher l’organisation sans la pratiquer. (...) Autrement dit, organisationnels et anti-organisationnels, tous s’organisent. Il n’y a que ceux qui ne font rien ou pas grand-chose qui peuvent vivre dans l’isolement et s’y complaire. Voilà la vérité ; pourquoi ne pas la reconnaître ? [C. R.] Quant à moi, je crois qu’il est de toute urgence, pour des raisons morales aussi bien que matérielles, que nous multiplions entre nous les relations et que nous nous mettions en condition de pouvoir rapidement faire appel à la solidarité de tous les nôtres, toutes les fois qu’il y en aura besoin, soit pour résister à la réaction internationale, soir pour faire œuvre d’initiative révolutionnaire. [T.N.]

Le débat sur le syndicalisme

Mais c’est la discussion entre Malatesta et Pierre Monatte sur le syndicalisme et la grève générale qui est la plus connue du congrès, même si on ne partage pas le point de vue qu’elle était aussi la plus importante, ce qui est vrai peut-être au niveau des questions d’intérêt pratique et immédiat.

Monatte, dans son remarquable rapport (...) finit par dire que le syndicalisme se suffit à lui-même comme moyen pour accomplir la révolution sociale et réaliser l’anarchie. Contre cette dernière affirmation, je m’élèverai avec énergie. Le syndicalisme, même s’il se pare de l’adjectif révolutionnaire, ne peut être qu’un mouvement légal, un mouvement qui lutte contre le capitalisme dans le milieu économique et politique que le capitalisme et l’État lui imposent. Il n’a donc pas d’issue et ne pourra rien obtenir de permanent et de général, si ce n’est en cessant d’être le syndicalisme, et en s’attachant non plus à l’amélioration des conditions des salariés et à la conquête de quelques libertés, mais à l’expropriation de la richesse et à la destruction radicale de l’organisation étatiste.

Je reconnais toute l’utilité, la nécessité même, de la participation active des anarchistes au mouvement ouvrier... Mais cela n’est utile qu’a la condition que nous restions anarchistes avant tout, et que nous ne cessions de considérer le reste au point de vue de la propagande et de l’action anarchistes. Je ne demande pas que les syndicats adoptent un programme anarchiste et ne soient composés que par des anarchistes (...). [T.N.] Que l’action syndicale comporte des dangers, c’est ce qu’il ne faut plus songer à nier. Le plus grand de ces dangers est certainement dans l’acceptation par le militant de fonctions syndicales, surtout quand celles-ci sont rémunérées. Règle générale : l’anarchiste qui accepte d’être le fonctionnaire permanent et salarié d’un syndicat est perdu pour la propagande, perdu pour l’anarchisme !  [22] Il devient désormais l’obligé de ceux qui le rétribuent et, comme ceux-ci ne sont pas anarchistes, le fonctionnaire salarié placé désormais entre sa conscience et son intérêt, ou bien suivra sa conscience et perdra son poste, ou bien suivra son intérêt et alors, adieu l’anarchisme !

Le fonctionnaire est dans le mouvement ouvrier un danger qui n’est comparable qu’au parlementarisme : l’un et l’autre mènent à la corruption et de la corruption à la mort, il n’y a pas loin ! [C.R.] J’engage mes amis les anarchistes à y réfléchir, et à étudier les positions respectives du socialiste qui devient député et de l’anarchiste qui devient fonctionnaire d’un syndicat : peut-être la comparaison ne sera pas inutile. [T.N.] Je déplorais jadis que les compagnons s’isolassent du mouvement ouvrier. Aujourd’hui je déplore que beaucoup d’entre nous, tombant dans l’excès contraire, se laissent absorber par ce même mouvement. Encore une fois, l’organisation ouvrière, la grève, la grève générale, l’action directe, le boycottage, le sabotage et l’insurrection elle-même, ce ne sont là que des moyens. L’anarchie est le but. La révolution anarchiste que nous voulons dépasse de beaucoup les intérêts d’une classe : elle se propose la libération complète de l’humanité actuellement asservie, au triple point de vue économique, politique et moral. [C.R.]

Alexander Schapiro

Mais finalement on retourna aux questions pratiques et simples, et un bureau international de correspondance fut nommé, avec Londres comme siège [23], composé de Rudolf Rocker, Errico Malatesta, Alexander Schapiro, Jean-Baptiste Wilquet et John Turner [24]. Le bureau publia un Bulletin de l’Internationale anarchiste (dont 13 numéros parurent entre le 31 janvier 1908 et avril 1910), essaya de soutenir les contacts internationaux et de préparer le prochain congrès international. Le travail de ce bureau était surtout fait par Schapiro, Rocker et Malatesta ; Turner n’y participa presque pas, et Wilquet se consacra plutôt aux souscriptions internationales telles que celle au profit des victimes du soulèvement de Barcelone en 1909.

Comme le remarquaient déjà les secrétaires dans le premier numéro du Bulletin, l’initiative de fonder une Internationale anarchiste n’avait pas été reçue avec une égale faveur par tous les anarchistes, formule qui est encore un euphémisme pour la réaction bien critique, parfois même ouvertement hostile, de certains individus et groupes anarchistes. L’Internationale n’arriva jamais à se développer vraiment, comme le montre bien le sort du IIe congrès projeté pour septembre 1909, puis ajourné d’un an. En réponse à un dernier appel, en mars 1909, signé aussi par Malatesta, le bureau reçut des réponses guère encourageantes : Une organisation internationale, dans le sens le plus large du mot, est, pour le moment, une impossibilité (Zadruha, de Bohème) ; Si cette Internationale avait eu au moins quelque chose à faire et pouvait vivre, aurait-on eu besoin de ces appels aux armes ? (...) N’est-ce pas triste de constater qu’il faut éveiller ceux qui auraient dû, eux-mêmes, réveiller les autres ? (Freie Arbeiter Stimme, de New York) ; Le Bulletin de l’Internationale anarchiste publie un dernier appel en faveur de l’organisation d’un congrès anarchiste, nous demandant de le reproduire. La place nous manque. Et puis, un congrès ! (Jean Grave, bien sûr, dans Les Temps Nouveaux).

Thomas Keell

Fin janvier 1911, Schapiro écrivait dans une lettre à Thomas Keell, le rédacteur de Freedom, que le bureau s’était dissous ; ce qui était probablement plutôt un ajournement des séances pour une période indéterminée car Rocker, plus tard, rappela à plusieurs reprises qu’il était membre du bureau jusqu’au moment de son internement (2 décembre 1914). Dès 1913, en tout cas, on prépara de nouveau un IIe congrès anarchiste international (circulaires et appels, entre autres, dans Umanità Nova de 1913-1914) qui aurait dû se réunir du 28 août au 5 septembre à Londres, mais cela fut rendu impossible par la guerre. En attendant, les syndicalistes révolutionnaires avaient tenu, du 27 septembre au 2 octobre 1913, un congrès international à Londres, avec pour but la création d’une Internationale syndicale et comme résultat un bureau international — un pas de plus dans le morcellement du mouvement socialiste et ouvrier. Malatesta ne participa pas aux efforts de Rocker et d’autres anarchistes pour créer une Internationale anarcho-syndicaliste en 1921-1922 dont le résultat fut l’A.I.T. Quand Luigi Bertoni et d’autres amis discutèrent des plans pour une Union anarchiste internationale au cours de l’année 1922, Malatesta s’abstint, semble-t-il, bien qu’il conserva ses idées sur le sujet :

Une nouvelle Internationale (je parle d’une association des travailleurs réunis en tant que travailleurs, et non d’associations fondées sur une communauté d’idées et de buts révolutionnaires), une nouvelle Internationale des travailleurs où le plus possible de travailleurs, sans distinction d’opinions sociales, politiques ou religieuses, pour la lutte contre le capitalisme... A cet effet, elle ne sera ni individualiste, ni collectiviste, ni communiste. Elle ne devra être ni monarchiste, ni républicaine, ni anarchiste, ni religieuse, ni irreligieuse. Unique idée commune, unique condition d’admission : vouloir combattre les patrons. La haine du patron est le commencement du salut. [25]

Gagliardi, Malatesta et Bertoni

[1Première partie de son discours prononcé au cinquantenaire du congrès de Saint-Imier, publiée sous le titre « La Première Internationale », Le Réveil (Genève), n°599, 14 octobre 1922.

[2Carmelo Palladino, 1842-1896 ; avocat, comme bien d’autres internationalistes et anarchistes italiens de « la première génération » ; un des amis napolitains les plus proches de Bakounine ; cofondateur de la première section italienne de l’Internationale ; ami proche de Cafiero et de Malatesta. Il se retira du mouvement au cours des années 1880 pour se dédier à l’agriculture et aux études classiques et fut férocement assassiné le 19 janvier 1896 ; les historiens se contentent de dire que la cause et les auteurs du délit ne furent jamais identifiés. Malatesta en savait plus : il a été tué par un paysan pour une question de femme (lettre inédite à Max Nettlau, 1er juillet 1899).

[3Carlo Gambuzzi (1837-1902), avocat, intime de Bakounine, membre de l’Alliance et de la Fraternité. Il est supposé être le père des enfants du mariage de Bakounine et de Antonia Kwiatowska ; se maria avec cette dernière après la mort de Bakounine.

[4Association internationale des travailleurs, compte rendu officiel du VIIIe congrès général tenu à Berne, du 26 au 30 octobre 1876.

[5« Les Elements du congrès de Londres », Bulletin du congrès de Londres (Bruxelles), n° 2, 22 juin 1881.

[6Lettre circulaire, non datée mais certainement de la fin juin 1881, de Malatesta aux autres membres de la Fraternité, c’est-à-dire Kropotkine. Cafiero, Adhémar Schwitzguébel et Louis Pindy, en réponse à une lettre de leur secrétaire (Kropotkine). Inédite en français, ainsi que les lettres suivantes, I.I.H.S., Amsterdam, fonds Max Nettlau.

[7Réflexion qui ressort quelque vingt années plus tard dans sa critique du syndicalisme organisé.

[8Le Révolté, 3e année, n°12, 6 août 1881, compte rendu de Kropotkine.

[9Sébastien Trunk (né en 1846 à Amorbach en Bavière), anarchiste allemand « de la première génération », actif déjà en Suisse au milieu des années 1870, puis à Paris d’où il fut expulsé en 1880. A Londres, il fut l’un des amis les plus proches de Johann Most et milita dans les cercles anarchistes de Londres jusqu’au début de ce siècle. Emigra en Nouvelle-Zélande vers 1905.

[10Johann Neve (1844-1896) fut l’un des plus dévoués anarchistes allemands à Londres et en Belgique jusqu’en 1887 ll fut dénoncé à la police allemande, arrêté et condamné à 15 ans de travaux forcés. Cf. « Johann Neve (1844-1898) », Heiner Becker, The Raven n°2, août 1987.

[11Lettre inédite du 30 juin 1896, provenant comme les autres correspondances citées ci-après du fonds Hamon, Institut international d’histoire sociale (I.I.H.S.), Amsterdam.

[12Hermann Stenzleit (1848-1933), social-démocrate anarchisant, ami de J. Most depuis les années 1870 à Berlin ; à son domicile Louise Michel fonda vers 1890 l’École internationale anarchiste.

[13William Wess (1862-1946), anarchiste juif, rédacteur de l’Arbeiter Freund.

[14Frank Kitz (1849-1923), social-révolutionnaire et anarchiste anglais, il fut l’un des plus actifs militants du mouvement libertaire à Londres depuis les années 1870. Vers 1890, il s’en retira à cause de querelles personnelles.

[15Max Nettlau (Vienne, 30 avril 1865-Amsterdam, 23 juillet 1944), études de philosophie dans différentes villes allemandes ; passionné dès son adolescence par les luttes des révolutionnaires russes, il adhère au mouvement socialiste, puis anarchiste. Surnommé l’« Hérodote de l’anarchie », polyglotte, il devint un spécialiste de Bakounine et du mouvement libertaire international, écrivant de nombreux ouvrages historiques. Cf., entre autres, M. Nettlau, Histoire de l’anarchie, éditions Les dossiers de l’histoire, Paris, 1983 (préface, biographie et bibliographie de Martin Zemliak) [N.D.R.].

[16J. Perry (ou Presbery). De son vrai nom Joseph Presbury, né vers 1874, mort en 1901 ; anarchiste depuis sa jeunesse dans la Socialist League, membre du groupe éditeur de Freedom depuis 1895 ; il organisa avec M. Nettlau toutes les activités du Comité contre les atrocités en Espagne, 1897-1898.

[17Manifeste contresigné par Augustin Hamon, mais écrit par Malatesta ; le manuscrit se trouve dans le fonds Hamon (I.I.H.S., « Le parti ouvrier », 17 juillet 1896). Cf. A. Hamon, Le socialisme et le congrès de Londres, Paris, 1897, pp. 219-222.

[18Sur l’attitude des anarchiste à l’encontre du congrès de Londres et sur les relations socialisme/anarchisme, on peut se référer outre l’ouvrage de Hamon déjà cité aux articles des divers auteurs publiés dans Les Temps Nouveaux, période août-septembre 1896. Cf plus particulièrement articles de Kropotkine, « Les congrès internationaux et le congrès de Londres », Les Temps Nouveaux, 2, année, n°16 (15-21 août) et n° 24 (10-16 octobre 1896), et ceux de Pouget dans La Sociale, 2e année, n° 65-66-67-68, 2-30 août 1896.

[19C’est une erreur de Nettlau d’indiquer dans ses diverses biographies de Malatesta que celui-ci envoya un rapport au congrès. Les publications qu’il cite se réfèrent au congrès de Londres en 1896. Les rapports de celui de Paris furent publiés dans le supplément littéraire des Temps Nouveaux, vol. 3 (1900-1902), et constituent le compte rendu le plus substantiel et le plus long d’un congrès anarchiste quelconque.

[20Le principal rédacteur de ce bulletin fut Henri Fuss (Amore), faute de fonds seulement cinq numéros parurent d’octobre 1906 à août 1907.

[21Malatesta a lui-même donné ce qu’il appelle une idée synthétique des résultats du congrès et une analyse dans une série d’articles : « Le congrès d’Amsterdam », Les Temps Nouveaux, 13e année, n° 21-22-23, 21 septembre-5 octobre 1907. Les citations reproduites sont empruntées à ces articles [T. N.] ou au compte rendu semi-officiel [C.R.] d’Amédée Dunois et Paul Delesalle, Congrès anarchiste tenu à Amsterdam, août 1907, Paris, La Publication sociale, 1908.

[22A l’époque de ce congrès, ce n’est pas seulement les « initiés » qui savaient que cela s’adressait en premier lieu, non à Monatte, mais à de vieux amis tel Emile Pouget qui, quelques années plus tard, quittera ses fonctions syndicales pour les raisons impliquées dans les remarques de Malatesta.

[23Très exactement Maison Dustan où habitaient Rocker, Schapiro et toute une communauté d’anarchistes. Cf reproduction de ce bâtiment, inn° 4 d’Itinéraire, p.16.

[24Jean-Baptiste Wilquet (1866-1940), cf.Itinéraire n° 4, p. 10. John Turner (1864-1934), anarchiste et trade-unioniste anglais, cf. Heiner Becker, « John Turner, 1864-1934 », Freedom Centenary edition, octobre 1986 [N.D.R.].

[25Malatesta, discours au cinquantenaire du congrès de Saint-Imier, op. cit.