On connaît moins le fait — il me l’a écrit lui même vers la fin de sa vie— que Malatesta, à la fois théoricien et désireux d’action, se décida à adhérer à l’organisation secrète du parti mazzinien ; il ne fut pas admis, sans doute une enquête des initiés l’avait-elle révélé comme un élément trop indépendant. Bientôt après, le 18 mars et la Commune de Paris le fascinèrent, et, à ce moment, il rencontra un jeune avocat, Carmelo Palladino, membre de l’Internationale à Naples et en relation directe avec Bakounine, très connu à Naples où il avait vécu de 1865 à 1867. Mais la section de Naples, très importante en 1869, était en décadence et déchirée par l’intrigue marxienne. Donc, Malatesta vit que, dans le socialisme également, il y avait des maladies intérieures : la politique et l’autoritarisme, et qu’il fallait lutter contre elles au même titre que contre les ennemis de l’extérieur. Il se libère de l’asservissement intellectuel (religion), politique (État), économique (propriété monopolisée), moral, etc. Dès lors il entame la lutte et trouve le concours de quelques amis universitaires.
Dès qu’il s’en occupe, seconde partie de 1871, nous voyons la section de l’Internationale à Naples reprendre de la vigueur, aussi le gouvernement la dissout-elle en août ; ce fut sans doute la première persécution que Malatesta subit comme socialiste. L’Internationale prit, alors, en Italie, un grand ascendant ; Mazzini l’attaquait ignoblement, ainsi que la Commune de Paris ; Marx et Engels faisaient effort pour mettre la main sur les sections avec l’aide d’hommes de confiance. Cafiero était alors un de ceux-ci et croyait qu’il fallait lutter à tout prix contre Bakounine. On sait, par les lettres de Cafiero d’Italie et celles de Lafargue d’Espagne (publiées par mes soins), comment agissaient ces deux hommes sous l’inspiration d’Engels ; le premier naïf et dupe, le second complice ; leur œuvre, secondée par Outine et autres en d’autres pays, préparait l’assujettissement des sections de l’Internationale au socialisme politique de Marx. Malatesta fut précisément celui qui sut le mieux déciller les yeux de Cafiero, bientôt devenu son ami à vie. Cafiero fut entièrement acquis à la cause anti-autoritaire quand il eut été à Locarno, au printemps 1872, et qu’il eut lu la circulaire d’Engels en mai de la même année.