En Argentine, Malatesta avait rencontré des Italiens et des Espagnols, communistes comme lui-même, ainsi que des collectivistes ; il rentra en Europe en 1889 et fit immédiatement preuve d’une grande activité ; il exposa ses plans dans les plus beaux documents anarchistes de l’époque, dans l’Appel de Nice (IX, 1889, en italien et en espagnol), dans le programme de son Associazione journal de Nice et de Londres (10. X. 89 à 23. I. 90) ; il essaya de reconstituer l’Internationale sous forme d’un parti international socialo-anarchisto-révolutionnaire, effort que les anti-organisateurs réussirent à frustrer comme ils avaient déjà rendu impossible l’Internationale qui devait sortir du Congrès de Londres en 1881. De même, son effort de former un parti d’action en Italie (Congrès de Capolago, I. 91 ; mouvement du 1er mai 90 à Paris) fut rendu stérile. A cette dernière date, il était prêt à se battre ; puis de Paris, il se rendit en Italie qu’il parcourut pour coordonner de nouvelles forces, il passa ensuite en Espagne (XI. 91 à I. 92) pour préparer un 1er mai de grève générale et de combat pour 92 (la révolte agraire et locale de Jerez de la Frontera dérangea ces plans et le refoula en Angleterre) ; il observait les occasions qui pourraient aboutir à une grève générale politique en Belgique en 93 ; il se tenait prêt en Italie quand la révolte, partant de la Sicile, fut sur le point d’éclater durant l’hiver 1893-94 ; mais toutes ces tentatives furent vaines. Partout, où il mettait la main à la pâte, les anti-organisateurs poussaient des hauts cris, se prétendaient violentés et étaient fiers comme des triomphateurs quand ils avaient fait échouer un nouveau projet de Malatesta pour coordonner les éléments anarchistes et révolutionnaires. Il proposa de nouveau une Federazione internazionale fra socialisti anarchici-revoluzionari en II. 95, et je ne pense pas que ç’ait été là son dernier effort de ce genre.
Ne rencontrant pas de vrais éléments prêts à l’action collective, il ne négligea ni de stimuler l’action syndicaliste caractérisée — témoin son effort avec Fernand Pelloutier, A. Hamon, Cornelissen et des camarades espagnols (j’ai pu tout récemment consulter des documents qui se rapportent à ce mouvement) — pour organiser l’opposition anti-parlementaire et syndicaliste aux Marxistes du Congrès socialiste international de Londres en 96, pour faire à nouveau une large propagande anarchiste en Italie. Il se fixa à Ancône, d’abord secrètement, et rédigea L’Agitazione, hebdomadaire (14-III-97 au 17-I-98, jour où il fut arrêté). Condamné en avril, il fut déporté à Ustica, puis à Lampedusa, mais, durant une tempête, il s’évada avec quatre camarades, et nous le retrouvons à Londres en mai 99, d’où il se rendit bientôt aux États-Unis.
De cette époque date sa brochure clandestine : Contro la Monarchia. A partir de septembre, il rédige La Questione sociale de Paterson, New-Jersey, et parcourt le pays en faisant des conférences dans tous les milieux italiens (un camarade d’opinion différente exprima son désaccord en tirant sur lui un coup de feu). Je crois que les périodiques italiens de Londres, Cause ed Effetti (IX, 1900, un numéro), L’Internazionale (12-I-01 au 5 V, 4 n°), La Revoluzione sociale (4-X-02, 9 n°) correspondent à son point de vue. De même il résuma alors ses idées dans II nostro programma, d’abord publié à Paterson en 03 (31 pages, in-16°). Il est à peine utile de rappeler ses fameuses brochures : Entre Paysans et autres, dont la première parut en IX 84. Elles furent traduites dans toutes les langues et corrigées et augmentées à différentes reprises, de sorte que les multiples versions ne présentent que rarement un type vraiment définitif. Rappelons encore les brochures de 1890-91 (Londres) : La politica partementare nel movimento socialista, In tempo di elezioni, L’Anarchia, III 91, et Un peu de théorie, tiré de l’En-dehors, numéro du 21- VIII-92 ; une polémique avec Émile Henry, Bruxelles, 1899.
Nous retrouvons Malatesta en pleine vigueur au Congrès anarchiste international tenu à Amsterdam en 1907. Il y eut une explication avec les adhérents du Syndicalisme se suffisant à lui-même, contre lesquels il défendait l’organisation ouvrière inspirée de l’idée et de la volonté libertaires et révolutionnaires. Ce Congrès fonda une nouvelle Internationale que Malatesta salua avec beaucoup d’espoir et dans le bureau de laquelle il fut un des plus actifs, comme il avait été l’âme du bureau de 1881-82. Mais placé entre les anti-organisateurs et les syndicalistes purs, cette Internationale anarchiste n’eut qu’une existence nominale, et la guerre empêcha tout effort de la ressusciter par un nouveau Congrès qui aurait dû avoir lieu à Londres. D’Amsterdam, Malatesta se rendit à Anvers où les ouvriers du port étaient en grève violente. Il prit ensuite part à une réunion anti-militariste tenue à Amsterdam.