Accueil > Editions & Publications > Itinéraire - Une vie, une pensée > Itinéraire - Une vie, une pensée n°3 : « Kropotkine » > Kropotkine et la guerre

Kropotkine et la guerre

mardi 11 juillet 2023, par Georges Host (CC by-nc-sa)

Si grands qu’ils soient, les hom­mes ne sont que des hommes, ils peu­vent avoir des périodes de faiblesse, de manque ou d’absence de clairvoyance sur un problème capital, ou particuliè­rement ardu. Alors semble s’écrouler l’échafaudage qu’au prix de mille diffi­cultés et sacrifices ils avaient ingénieu­sement construit. Fernand Planche et Jean Delphy [1].

Le 31 juillet 1914, le leader socialiste Jean Jaurès est assassiné à Paris. Le lendemain, l’ordre de mobilisation générale est placardée sur les murs de France. Plutôt que d’enclencher le pro­cessus d’une grève générale, menace si souvent brandie, les leaders syndicalistes et socialistes s’empressent de reprendre les arguments de la bourgeoisie et, le 5 août, sur la tombe du tribun socialiste, Léon Jouhaux rallie officiellement la CGT à l’Union
sacrée.

La guerre est là

Au même titre que les autres compo­santes du mouvement ouvrier, les anarchistes seront surpris et dépassés par les événements, par le déferlement du nationalisme et du patriotisme. Impuissance, désarroi furent les senti­ments qui prédominèrent. Nous
avons été vaincus avant même de nous battre
, constate Luigi Fabbri. Cependant, dès décembre 1914, le pre­mier à réagir en France est Sébastien Faure qui imprime un « Appel aux socialistes, syndicalistes, révolution­naires et anarchistes », intitulé Vers la
paix
.

En février 1915, dans un manifeste publié à Londres en français, anglais et allemand, et titré L’Internationale anarchiste et la guerre, l’opposition antimilitariste des anarchistes est réaf­firmée par trente-six compagnons parmi lesquels figurent des noms aussi connus que L. Bertoni, A. Berkman, E.GoJdman, E. Malatesta, F.D. Nieu­wenhuist, A. Schapiro, P. Vallina. Rejetant comme fallacieuse toute dis­tinction entre guerre offensive et guerre défensive, les signataires estimè­rent que le rôle des anarchistes n’était pas de soutenir l’une ou l’autres des parties en présence mais de conti­nuer à proclamer qu’il n’y a qu’une seule guerre de libération : celle qui est menée par les opprimés contre les oppresseurs. D’appeler à la révolte des esclaves contre les maîtres  [2].

Mais la lutte des anarchistes (sans oublier les autres révolutionnaires) qui s’opposèrent à la guerre n’est pas le thème de cet article. Qu’il soit seule­ment dit que nous n’avons pas à rougir de l’attitude majoritairement antimili­tariste de ceux qui nous ont précédé et que le lecteur peut se référer à bien des ouvrages [3]. Hélas ! le virus patrioti­que n’épargna pas tous les libertaires et l’on vit des militants (non des moin­dres) apporter une caution aux massa­cres décidés par les bourgeoisies natio­nales.

Charles Malato s’écriera, dès le 5 août 1914, dans La Bataille syndicaliste devenu l’organe des militants ouvriers ralliés à l’Union sacrée : Debout, pour la liberté univer­selle ! et ne cessera d’exalter le rôle des soldats de l’Entente qui, à la pointe de leur baïonnettes apportent la liberté aux peuple éveillés. Un Charles Albert affirme à ceux qui rejoignent le front : Partez sans amertume, partez sans regret, camara­des ouvriers qu’on appelle aux frontiè­res pour défendre la terre française (...), c’est bien pour la révolution que vous allez combattre. James Guil­laume en Suisse, Ricardo Melia en Espagne, Jean Grave en France, et sur­tout Pierre Kropotkine à Londres pri­rent eux aussi position en faveur des alliés.

Comment et pourquoi l’auteur du chapitre « La Guerre » (dans La science moderne et l’anarchie) ne réfuta-t-il pas les arguments du Kro­potkine du Manifeste des Seize  ? Que peut-on ajouter, aujourd’hui encore, à la démonstration que ce sont toujours des rivalités pour des marchés et pour le droit à l’exploitation de nations sous-industrialisées qui sont la cause des guerres modernes ? En Russie, comme en Angleterre, en Allemagne comme en France, on ne se bat plus pour le bon plaisir des rois ; on se bat pour l’intégrité des revenus et l’accrois­sement des richesses de messieurs les Très Puissants Rothschild, Schneider, compagnie d’Anzin, pour l’engraisse­ment des barons de la haute finance et
de l’industrie.

Le 14 mars 1916 paraît dans La Bataille syndicaliste un manifeste dit des Seize —bien que n’étant signé que par quinze militants car une confusion fit prendre le nom d’une ville pour celui d’un signataire—, daté du 28 février et approuvé, entre autres, par Jean Grave, Kropotkine, A. Laisant, C. Cornelissen, C. Malato, P. Reclus, Ichikawa et W. Tcherkesoff. Ce texte s’élève contre les tentatives ou projets de paix [4] et prône une attitude milita­riste jusqu’au-boutiste : Parler de paix, tant que le parti (pangermaniste, NDA) qui, pendant quarante-cinq ans, a fait de l’Europe un vaste camp retranché, est à même de dicter ses conditions, serait l’erreur la plus désas­treuse que l’on puisse commettre. Résister et faire échouer ses plans, c’est préparer la voie à la population alle­mande, restée saine, et lui donner les moyens de se débarrasser de ce parti.

Le « Manifeste des Seize »

Jean Grave revendique le titre de promoteur de ce manifeste [5], mais sans aucun doute Kropotkine en est l’inspirateur réel et le rédacteur. En effet s’il s’agit d’un revirement surpre­nant en ce qui concerne la plupart des militants signataires, il en est bien autrement pour Kropotkine qui avait depuis longtemps développé de telles thèses. Le 2 septembre 1914, il écrivait à Jean Grave : Dans quel monde d’illusions vivez-vous pour parler de paix ? Mais pensez donc d’abord... à reconquérir la Belgique, livrée à feu et à sang, à défendre Paris... Ne laissez pas ces atroces conquérants de nou­veau écraser la civilisation latine et le peuple français... Ne laissez pas impo­ser à l’Europe un siècle de militarisme... il faudra se défendre comme des bêtes féroces [6].

Dire que ce manifeste constitua un traumatisme pour le mouvement liber­taire français et, dans une moindre mesure, pour le mouvement interna­tional, demeure en-dessous de la réa­lité. De nombreux compagnons y répli­quèrent et, le premier, Malatesta (par un article paru dans Freedom, puis en brochure sous le titre Anarchistes de gouvernement) [7]. Vous pourrez lire ci-après les passages essentiels de cette réponse qui développe la nécessaire attitude antimilitariste des anarchistes. Nous n’aurons donc pas la prétention de faire mieux pour réfuter les thèses des signataires du Manifeste des Seize et essaierons plutôt d’expliquer et de comprendre leurs raisons.

Dès 1905, à la suite d’un article paru dans Le Temps, Kropotkine avait développé ses positions« bellicistes » : Si les Allemands viennent envahir la France, marchant, comme ils sont sûrs de le faire, à la tête d’une forte coali­tion (...), alors la grève des conscrits ne suffira pas. Il faudra faire comme fai­saient les sans-culottes en 1792, lorsqu’ils constituèrent dans leurs sec­tions la commune révolutionnaire du 10 août, culbutèrent la royauté et l’aristocratie, levèrent l’impôt forcé sur les riches, forcèrent la Législative de faire les premiers décrets effectifs sur l’abolition des droits féodaux et la reprise par les paysans des terres com­munales, et ils marchèrent défendre le sol de France tout en continuant la Révolution. C’est aussi ce que Bakou­nine et ses amis essayèrent de faire à Lyon et à Marseille en 1871 [8].

Ces phrases, quelques onze ans plus tôt, contiennent l’essentiel des motiva­tions de ceux qui signèrent le Manifeste des Seize : échec du mouvement ouvrier pour s’opposer à la guerre déclenchée ; références déphasées à la révolution de 1789, à la Première Internationale et à la Commune de Paris ; mirage du moindre mal ; pri­mauté de la question nationale sur la question sociale.

En effet, si la Première Guerre mon­diale était prévisible, si l’on avait beau­coup parlé des moyens d’y faire face, concrètement et d’un point de vue international peu de choses avait été envisagé : l’ensemble des antimilitaris­tes se trouvèrent donc, le jour venu, désemparés. Pour la famille anar­chiste, comme pour les autres familles socialistes, la résistance à la guerre ne fut à l’origine que le fait d’isolés et c’est l’ensemble, masses et militants, qui se rallia... ou se tut [9]. La même situation se retrouvera en 1939, et ris­que de se reproduire à l’avenir.

Tentatives d’explications

Dans ces conditions, quoi d’éton­nant à ce que certains se tournent vers la politique du moindre mal : choisir le camp le plus démocratique, celui qui offre une illusion de liberté plus grande. Luigi Fabbri concluait ainsi le problème : Le moindre mal sera tou­jours aussi néfaste pour les peuples, pour le prolétariat, pour fa liberté, et gros des mêmes horribles conséquences pour l’avenir ; et aussi pour laisser toute leur responsabilité aux gouver­nants et aux classes dominantes, évi­tant tout acte de complicité, avec ceux­-là ou celles-ci, et tâchant au contraire, de nous préparer et d’être en situation de tirer le meilleur parti des événe­ments pour notre cause révolution­naire.

Il ne s’agit pas de se situer au-dessus de la mêlée pour atten­dre des jours meilleurs mais, au con­traire, de construire les opportunités qui vont dans un sens révolutionnaire campagne défaitiste, insurrection, maquis... (cf. l’exemple de la « makhnovtchina »). Ainsi se retourne l’argu­ment de Marie Goldsmith [10] : Si la participation (à la guerre) viole les principes pacifistes et antimilitaristes, la non-résistance aux armées d’invasion constitue une violation au moins aussi grande du principe primordial de la résistance à l’oppression, un aban­don au moins aussi grand de l’esprit de révolte.

Le mirage du moindre mal, c’est également choisir les alliés et l’hypo­thétique développement du socialisme libertaire contre la victoire de l’Alle­magne et du socialisme autoritaire. En tant qu’ancien adhérent de la Première Internationale, de militant révolution­naire russe, Kropotkine se souvient de l’influence allemande dans le dévelop­pement du marxisme et la perpétuation de l’autocratisme russe. Par la pré­sence de ses armées elle (l’Allemagne) avait mis obstacle au libre développe­ment en France de la tendance liber­taire ; elle avait été l’aide et la pro­tection principale de la réaction dans l’Europe orientale et principalement en Russie. Il était fermement con­vaincu qu’il y aurait après la guerre des changements importants en Russie, et c’était là l’une des principales raisons qu’il avait de lui donner son appui. Il ne se trompait pas ; les changements vinrent, nous le verrons, sous l’impul­sion de la guerre ; mais en réaction contre elle. [11].

Les dirigeants bolcheviks, quant à eux, furent heureux d’en tirer parti contre les anarchistes pris dans leur ensemble, en attaquant leur chef égaré. Citons Lénine, pour ses anarchistes-patriotes et ses anarchistes-chauvins [12], le vieux fou de Staline et le sénile anar­chiste Kropotkine de Trotsky [13]. Ils auraient dû pourtant, simple question de convenance, se souvenir des écrits de Marx et de sa célèbre lettre à Engels du 20 juillet 1870 : Les Français ont besoin d’être rossés. Si les Prussiens sont victorieux, la centralisation du pouvoir d’État sera utile à la centrali­sation de la classe ouvrière allemande. (...) La prépondérance, sur le théâtre du monde, de la classe ouvrière alle­mande sur la française, signifierait du même coup la prépondérance de notre théorie sur celle de Proudhon [14]. Le patriotisme et le nationalisme sont véritablement les choses les mieux par­tagées au monde !

Les continuelles références de Kro­potkine à la guerre de 1870 révèlent bien que son analyse est faussée par la comparaison avec une situation qui n’est pas semblable et Jean Maitron, fort justement, insiste sur ce point : Sans vouloir solliciter abusivement les âges, on peut dire que les tenants de l’union sacrée étaient, dans leur ensemble, tant par leur âge que par leur filiation idéologique, plus proches de la Commune de Paris et de la Pre­mière Internationale antiautori­taire que les résistants à la guerre.

Ces influences se ressentent égale­ment lorsque Kropotkine déclare que la tâche essentielle du moment est de chasser les envahisseurs de la Belgique et de la France, après seulement pour­rait commencer l’attaque contre les maux essentiels : le capitalisme et l’État. Ce choix stratégique lui fait abandonner l’antimilitarisme parce qu’il estime que les questions nationa­les doivent être résolues avant la ques­tion sociale. Aujourd’hui encore, dans les milieux libertaires, peut-on dire que le problème est tranché ? Pour notre part, nous rejoindrons Malatesta : Quant au droit des petites nationali­tés à conserver, si elles le veulent, leur langue et leurs coutumes, cela est sim­plement une question de liberté et n’obtiendra une solution réelle et défi­nitive que lorsque, les États étant détruits, tout être humain, que dis-je ? tout individu aura le droit de s’associer avec tout groupe, et de s’en séparer. [15]

Pour conclure, nous citerons Plan­che et J. Delphy : Toutefois, pas un signataire du manifeste, bien que cette position leur eût ouvert toutes les por­tes, ne renia son passé. Le Manifeste des Seize fut, selon nous, une erreur psychologique, ce ne fut pas une trahi­son. Reconstitué, le mouvement anar­chiste, bien que cette séparation fut au plus haut point douloureuse, ne réad­mit pas ces camarades dans le sein de son organisation. Ce qui eût pu être un schisme redoutable, une division mor­telle de la doctrine et du mouvement, s’éteignit comme une flamme légère qui n’a pas d’aliment et meurt aussitôt née [16]. Que cet épisode « tour­menté » de la grande histoire du mou­vement anarchiste nous serve d’avertis­sement et d’exemple !


« Anarchistes de gouvernement »

( ... ) La bonne foi et les bonnes intentions de ceux qui ont signé le manifeste sont au-delà de toute ques­tion. Mais si pénible qu’il soit d’être en désaccord avec de vieux amis qui ont rendu tant de services à ce qui, dans le passé, était notre cause commune, la sincérité et l’intérêt de notre mouve­ment d’émancipation nous font un devoir de nous dissocier de camarades qui se croient capables de réconcilier les idées anarchistes et la collaboration avec les gouvernements et les classes capitalistes de certaines nations dans leur lutte contre les capitalistes et les gouvernements de certaines autres nations.

Durant la présente guerre, nous avons vu des républicains se mettre au service des rois, des socialistes faire cause commune avec la classe diri­geante, des travaillistes servir les inté­rêts des capitalistes ; mais en réalité tous ces hommes sont, à des degrés divers, des conservateurs croyant à la mission de l’État, et leur hésitation peut se comprendre quand le seul remède dont on dispose réside dans la destruction de toute chaîne gouverne­mentale et le déchaînement de la révolution sociale. Mais une de la telle hésitation est incompréhensible de la part d’anar­chistes. (...)

Même en supposant — ce qui est loin d’être la vérité — que l’Allemagne porte seule la responsabilité de la guerre présente, il est prouvé que, aussi longtemps qu’on s’en tient aux méthodes gouvernementales, on ne peut résister à l’Allemagne qu’en supprimant toute liberté et en revivifiant la puissance de toutes les forces de réaction. La révolution populaire exceptée, il n’y a pas d’autre façon de résister à la menace d’une armée disciplinée que d’essayer d’avoir une armée plus forte et plus disciplinée, de sorte que les antimilitaristes les plus résolus, s’ils ne sont pas anarchistes et craignent la destruction de l’État, sont inévitablement conduits à devenir d’ardents militaristes. En fait, dans l’espoir problématique de détruire le militarisme prussien, ils ont renoncé à toutes les traditions de liberté ; ils ont prussianisé l’Angleterre et la France ; ils se sont soumis au tsarisme ; ils ont restauré le prestige du trône branlant d’Italie.

Les anarchistes peuvent-ils accepter cet état de choses un seul instant sans renoncer à tout droit de s’appeler anarchistes ? Pour moi, même la domination étrangère subie de force et conduisant à la révolte est préférable à l’oppression intérieure volontairement acceptée — presque avec gratitude, — dans la croyance que, par ce moyen, nous serons préservés d’un plus grand mal. (...)

S’il est nécessaire aujourd’hui de travailler en harmonie avec le gouvernement et les capitalistes pour nous défendre nous-mêmes contre « la menace allemande », cela sera nécessaire après, aussi bien que durant la guerre.

Si grande que puisse être la défaite de l’armée allemande — s’il est vrai qu’elle sera battue — il ne sera jamais possible d’empêcher les patriotes allemands de penser à une revanche et de la préparer ; et les patriotes des autres pays, très raisonnablement, de leur point de vue, voudront eux-mêmes se tenir prêts de façon à n’être pas surpris par une attaque. Cela signifie que le militarisme prussien deviendra une institution permanente et régulière dans tous les pays. Que diront alors ces anarchistes qui veulent aujourd’hui la victoire d’un des groupes de belligérants ? Recommenceront-ils à s’appeler antimilitaristes, à prêcher le désarmement, le refus du service militaire et le sabotage de la défense nationale, pour redevenir, à la première menace de guerre, les sergents recruteurs des gouvernements qu’ils auront tenté de désarmer et de paralyser ?

On dira que ces choses prendront fin quand les Allemands se seront débarrassés de leurs tyrans et auront cessé d’être une menace pour l’Europe en détruisant le militarisme chez eux. Mais s’il en est ainsi, les Allemands qui pensent avec raison que la domination anglaise et française (pour ne rien dire de la Russie tsariste), ne serait pas plus agréable aux Allemands que la domination allemande ne le serait aux Français et aux Anglais, voudront d’abord attendre que les Russes et les autres aient détruit leur propre militarisme et, en attendant, ils contribueront à accroître l’armée de leur pays.

Et alors combien de temps la Révolution sera-t-elle différée ? Combien de temps l’anarchie ? Devons-nous toujours attendre que les autres commencent ? La ligne de conduite des anarchistes est clairement tracée par la logique même de leurs aspirations. La guerre aurait dû être empêchée par la Révolution, ou au moins en inspirant aux gouvernements la peur de la Révolution. La force ou l’audace nécessaire a manqué. La paix doit être imposée par la Révolution ou, au moins, par la menace de la faire. Jusqu’à présent, la force ou la volonté fait défaut.

Eh bien ! il n’y a qu’un remède ; faire mieux à l’avenir. Plus que jamais nous devons éviter les compromis, creuser le fossé entre les capitalistes et les serfs du salariat, entre les gouvernants et les gouvernés ; prêcher l’expropriation de la propriété individuelle et la destruction des États, comme les seuls moyens de garantir la fraternité entre les peuples et la justice et la liberté pour tous ; et nous devons nous préparer à accomplir ces choses.

En attendant, il me semble qu’il est criminel de faire quoi que ce soit qui tende à prolonger la guerre, ce massacre d’hommes, qui détruit la richesse collective et paralyse toute reprise de la lutte pour l’émancipation. Il me semble que prêcher « la guerre jusqu’au bout » c’est faire réellement le jeu des dirigeants allemands qui trompent leur peuple et l’excitent au combat en le persuadant que leurs adversaires veulent écraser et asservir le peuple allemand.

Aujourd’hui, comme toujours, que ceci soit notre devise : « À bas les capitalistes et les gouvernements, tous les capitalistes et tous les gouvernements ».

Vivent les peuples, tous les peuples !

Errico Malatesta.

Les signataires initiaux du Manifeste des Seize

Christiaan Cornelissen, Henri Fuss, Jean Grave, Jacques Guérin, Pierre Alexeiévitch Kropotkine, Charles-Ange Laisant, François Le Levé (de Lorient), Charles Malato, Jules Moineau (de Liège), Antoine Orfila (de Hussein Dey en Algérie), Hussein Dey (signature mal interprétée), Marc Pierrot, Paul Reclus, Ph. Richard (en Algérie), Sanshirō Ishikawa (石川三四郎, Japon), Varlam Tcherkezichvili.


De l’autocratie tsariste à la dictature bolchevique   Kropotkine - 1789-1793 : La Grande révolution


Portfolio


[1F. Planche et J. Delphy, Kropotkine, Edi­tions SLIM, Paris, 1948, p. 125.

[2Gaetano Manfredonia, « Les anarchistes dans la tourmente » in Magazine libertaire n° 4, « Les libertaires face à l’armée et à la guerre ».

[3Citons entre autres : « Malatesta et la Pre­mière Guerre mondiale », double page réalisée par G. Manfredonia in le Monde libertaire ; Louis Lecoin, Le cours d’une vie, édition de l’auteur, 1965 ; Jean Maitron, Le mouvement anarchiste en France, tome II, pp. 9-23 ; Michel Auvray, Objecteurs, insoumis, déserteurs, chap. 6, pp. 147-165. Cf également les rapports de police consacrés à l’activité des militants anarchistes pendant la guerre : « Le comité d’action internationale » (B.N., A.N. F7/13371), « Les anarchistes et la paix » (B.N., A.N. F7/13371 ), « Dans les milieux anarchistes » (B.N., A.N. F7/13372).

[4Conférence de Zimmerwald mais, égale­ ment, toute l’activité pacifiste des militants anarchistes.

[5Il raconte lui-même, dans son livre Quarante ans de propagande anarchiste (Flammarion, 1973, réédition du titre original Le mouvement libertaire sous la IIIe République), comment il obtint à force d’insistance, la signature de Kro­potkine : la première objection de celui-ci était, dit-il, que trop vieux pour aller combattre, il ne nous convenait pas d’avoir l’air d’y pousser les autres.

[6J. Maitron, Pierre Kropotkine et le Manifeste des Seize, Actes du 76e congrès national des Sociétés savantes, Rennes, 1951.

[7Signalons également le texte des internationalistes parisiens, Un désaccord. Nos explica­tions ; la parution le 2 avril 1916 du premier numéro de C.Q.F.D., fondé pas S. Faure et Mauricius, journal d’union sacrée en vue de la libération de tous les asservis et de tous les exploités, qui eu un succès notable malgré les efforts de Dame Censure.

[8(8) J. Maitron, Actes du 76e congrès, op. cit.

[9Le mouvement anarchiste en France, op. cit.

[10Amie de jeunesse de Pierrot, collaboratrice de Plus loin, fondé en 1925 par les partisans du manifeste.

[11G. Woodkock et I. Avakoumovitch, Pierre Kropotkine, le prince anarchiste, Editions Calmann-Lévy, Paris, 1953.

[12Lénine, « Les tâches de l’opposition en France », ln Marx, Engels, Lénine. Sur l’anarchisme et l’anarcho-syndicalisme, Editions du Progrès, Moscou, 1982, p. 287.

[13Le prince anarchiste, op. cit., pp. 288-289.

[14Marx/Bakounine, Socialisme autoritaire ou libertaire, 10/18, tome 1, pp. 156-157.

[15Le prince anarchiste, op. cit., p. 290.

[16Kropotkine, op. cit., p. 142.