Maximov, une des grandes figures de l’anarchisme et surtout de l’anarcho-syndicalisme russe, fut le collaborateur le plus productif du journal Golos Trouda (la Voix du travail) dans les années 1917 et 1918. Il fut expulsé de Russie avec Voline et l’accompagna dans l’exil, d’abord à Berlin, puis pendant quelque temps à Paris.
Né le 10 novembre 1893 dans le village de Mitsoutchino près de Smolensk, Grigorï Petrovitch Maximov fut envoyé par ses parents, encore enfant, au séminaire orthodoxe de Vladimir. Quelques années après, il rompt avec la religion et commence des études d’agronomie à Saint-Pétersbourg. Ayant trouvé deux livres de Bakounine dans une bibliothèque de province, il en fut profondément influencé et se déclara anarchiste dès l’âge de 17 ou 18 ans. A partir de 1912, il essaya de propager ses idées. En 1915, il fut diplômé comme agronome et, tout de suite après, dut rejoindre l’armée russe. Opposé à la guerre, il en profita pour y faire de la propagande révolutionnaire.
Il retourne en 1917 à Saint-Pétersbourg, où il participe activement aux grèves de février qui amenèrent la chute du tsar. En août, il devient membre de la rédaction de Golos Trouda, qui reparaît ce même mois. Le journal était l’organe de l’Union pour la propagande anarcho-syndicaliste, l’organisation que les syndicalistes avaient établie en opposition à la Fédération anarchiste communiste de Petrograd. Maximov se distingua bientôt comme le critique le plus sévère des anarchistes communistes qu’il appelait des visionnaires romantiques, ignorant les forces complexes qui agissent dans le monde moderne et rêvant d’une utopie pastorale
. En août 1918, après la suppression de Golos Trouda, il fut —avec Nikolaï Dolenko, un des « leaders » du Nabat (Tocsin), et Efim Iartchouk— rédacteur du nouveau journal Volny Golos Trouda (la Voix libre du travail). Le deuxième congrès des anarcho-syndicalistes russes, qui se tint à Moscou en novembre 1918, le nomma secrétaire du bureau chargé d’organiser la Confédération anarchosyndicaliste de Russie.
Il rencontra plusieurs délégués anarchistes et anarcho-syndicalistes (entre autres Augustin Souchy, Armando Borghi, Ángel Pestaña, Lepetit) venus à Moscou pour participer au deuxième congrès de l’international communiste juillet-août 1920). Au cours de plusieurs réunions, il essaya de les informer de la persécution en Russie des anarchistes, des sociaux-révolutionnaires et des dissidents communistes. Après leur départ, la répression envers les anarchistes s’intensifia et Maximov rencontra Alfred Rosmer —en tant que représentant de l’Internationale communiste— à plusieurs reprises pour lui transmettre des lettres de protestation, cela sans résultat [1]. Après l’arrestation de la majorité des membres du Nabat à Kharkov (dont Iartchouk, A. Baron, M. Mratchny et Voline), Maximov fut également incarcéré le 8 mars 1921 (avec Iartchouk qui avait été relâché entre-temps) et put rejoindre ses camarades à la prison Taganka.
Ils furent libérés au cours de l’automne 1921, après le congrès de l’Internationale syndicale rouge (Profintern) et une grève de la faim à laquelle participèrent, outre Maximov, Voline, Iartchouk, Mratchny... Ils furent finalement expulsés de Russie et se rendirent à Berlin [2] où Maximov participa à la fondation de l’AIT et du Comité élargi pour la défense des révolutionnaires emprisonnés en Russie (Joint Committee for the Defense of Revolutionists imprisoned in Russia, 1923-1926, continué plus tard à Paris). Il y créa aussi (avec Iartchouk et Alexandre Schapiro) la revue anarcho-syndicaliste Rabochii Pout’, imprimée comme celle de Voline et d’Archinov (Anarkhitcheskii Vestnik) sur les presses du journal des anarcho-syndicalistes allemands, Der Syndikalist.
Il part pour Paris en 1924 et, un an plus tard, émigre aux États-Unis où il s’installe à Chicago. Travaillant comme tapissier dans la journée, il rédige un journal syndicaliste (IWW) le soir, Golos Troujenika (la Voix du travailleur). Après le départ d’Archinov pour l’Union soviétique, il fut élu rédacteur de Dielo Trouda, dont le siège est transféré de Paris à Chicago. Le journal fusionna en 1940 avec Proboujde nie, une revue anarchiste publiée auparavant à Detroit, mais Maximov en resta le rédacteur principal. Il essaya sans cesse pendant les années 30 et 40 de réconcilier les anarcho-syndicalistes et les autres anarchistes russes, depuis longtemps préoccupés par des querelles internes qu’il pensait être essentiellement des conséquences de problèmes personnels sans justification idéologique réelle. En 1940, il publie un grand livre sur les persécutions et la terreur en Union soviétique, The Guillotine at Work (La Guillotine au travail). Il mourra subitement d’une crise cardiaque le 16 mars 1950 à Chicago et l’on publia après sa mort, en 1952, un recueil de ses écrits sous le titre Constructive Anarchism, représentatif de sa pensée. C’est seulement en 1953 que fut finalement édité un choix d’écrits de Bakounine, classés par thèmes, qu’il avait préparé depuis les années 20.
Sources : Rapport de Maximov, in Letters from Russian Prisons, op. cit. Rudolf Rocker, « Grigori Petrovitch Maximoff » , in Die freie Gesellschaft (Darmstadt-Land), 1re a., n°8, juin 1950, pp. 7-11 (pp. 235-239) ; réimpr. dans Rudolf Rocker, Aufsatzsammlung (collection d’articles), tome 2 : 1949-1953, Frankfurt/Main, Verlag Freie Gesellschaft (1980), pp. 28-32 ; également en russe dans Dielo Trouda-Proboujdenie, n°33, juillet-août 1950, pp. 1-6. George Woodcock, introduction à Maximov, Constructive Anarchism, Chicago, 1952. Paul Avrich, The Russian Anarchists, W. W. Norton, New York, 1978 (d’abord Princeton, Princeton University Press, 1967 ; traduction française : Les Anarchistes russes, Paris, Maspero). Anthony D’Agostino, Marxisrn and the Russian Anarchists (San Francisco, Cal.), Germinal Press, 1977 (pp. 156-194, chap. 5 : « G.P. Maksimov and the Problem of the Forms of Freedom »). |