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Actualité de Saint-Simon - Le parti industriel

mercredi 19 juin 2024, par Jean Barrué (CC by-nc-sa)

Classe industrielle, parti industriel : ces termes reviennent sans cesse dans l’œuvre de Saint-Simon. Si l’on, en croit Enfantin, c’est en 1817 que Saint-Simon a créé ce vocable d’industriel qui depuis a connu la fortune que l’on sait. Quels sont les producteurs ? Saint-Simon entend par industriels tous ceux qui travaillent et qui concourent à toutes les formes de la production : paysans, ouvriers, artisans, fabricants, commerçants. Chefs d’entreprises et ouvriers sont également — puisqu’ils travaillent — des industriels. Il importe peu, dans cette définition, qu’on soit ou non propriétaire des instruments de travail pourvu qu’on participe à l’œuvre collective de pro­duction. Les banquiers font partie des industriels, ce sont même les industriels généraux. Leur rôle éminent est la répartition du crédit aux plus actifs ; ils favorisent les initiatives, ils sont les moteurs de l’économie ; la banque est destinée à devenir l’économat du genre humain. Cette formule de Proudhon pour­rait être signée de Saint-Simon.

Les savants font partie des producteurs : Saint-Simon les qualifie d’industriels de la théorie et en fait les auxiliaires de l’industrie. Les savants sont subordonnés aux industriels car ils en reçoivent l’existence et il ne faut pas oublier que la classe industrielle est la classe nourricière de la société.

Ainsi la société industrielle, la seule rationnelle, confie le pouvoir temporel à l’industrie, le pouvoir spirituel à la science. Les organismes directeurs comprendront un Conseil suprême de l’industrie et un Conseil suprême des savants, le second étant subordonné au premier. Dans une telle société où l’économie a absorbé la politique, l’État traditionnel a cessé d’exister. Dans le régime féodal ou militaire, l’État était un instrument d’oppression par lequel les chefs militaires s’assu­raient la soumission des industriels qui les faisaient vivre. Les pouvoirs gouvernementaux, les pouvoirs politiques servaient avant tout à entraver les progrès des sciences positives et à empêcher l’expansion de l’industrie : ils étaient non seulement inutiles, mais nuisibles à une activité collective. Dans la société industrielle les organismes chargés de la direction et du contrôle ne seront pas des instruments d’oppression. A la notion du pouvoir — arbitraire et autoritaire —, se substitue la notion de capacité — légitime et utile. Dans une société qui a pour fin le développement de la production dans l’intérêt de tous et où l’administration des choses succède au gouvernement des hommes, l’autorité d’un État politique étranger à l’économie devient superflue.

A plusieurs reprises et sous des formes différentes, Saint­-Simon a précisé la composition et le fonctionnement futurs des organismes régulateurs de la société industrielle, de ce qu’on peut appeler son gouvernement. Ces anticipations qui relèvent de l’utopie ne présentent pas grand intérêt. Aussi bien dans la société industrielle la forme de gouvernement importe peu et dans la société transitoire — celle des années vingt — les industriels n’ont pas à s’intéresser aux questions de la politique traditionnelle : ils n’ont point d’opinion ni de parti politique propre. Les querelles et les passions politiques font perdre de vue l’essentiel qui est l’organisation de l’économie et de la production. Toute une fraction du mouvement ouvrier devait, plus tard, montrer la même méfiance à l’égard des jeux de la politique, souligner combien il est dérisoire de rechercher le parti idéal ou le gouvernement idéal, et refuser — contrairement aux marxistes — d’assigner comme but à la classe ouvrière la conquête du pouvoir politique.


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