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[01] Augustin Souchy - 1920 : Russie soviétique, la Révolution dégénérée

samedi 11 avril 2020, par Augustin Souchy (CC by-nc-sa)

1920 : Russie soviétique, la Révolution dégénérée

Tout comme la Révolution française à la fin du XVIIIe siècle, la Révolution russe fut l’événement qui ébranla le monde dans la deuxième décennie du XXe siècle. Ce fut la grande passion qui nous enthousiasma tous. A l’Est se levait - du moins croyait-on - le soleil de la liberté. Nous espérions que les prophéties des théoriciens et idéologues socialistes du XIXe siècle s’accompliraient. Le capitalisme, malédiction de l’époque, allait être aboli et avec lui prendraient fin l’oppression et l’exploitation. Le socialisme, cette société tant attendue de la liberté, du bien-être et du bonheur pour tous, était en train de naître. Bas les pattes de la Russie soviétique, pas d’intervention au pays de la Révolution et du socialisme naissant ! criions-nous aux pouvoirs du monde entier. Avec enthousiasme, nous nous levions pour la défense du pays qui, le premier, avait déployé l’étendard de la révolution sociale.

Mais, en l’espace de deux ans, les événements au pays de la Révolution avaient pris une tournure qui nous inquiétait. Les bolcheviks étaient sortis vainqueurs des rivalités entre fractions révolutionnaires et avaient établi un pouvoir sans partage. Dans son livre L’État et la révolution (1917), Lénine expliquait que la dictature du prolétariat était la période de transition obligée vers la réalisation du socialisme, afin d’anéantir définitivement les ennemis de la révolution. Mais il se révélait que la dictature mise en place par lui ne visait pas seulement les ennemis de la révolution mais aussi ses amis et pionniers, qui avaient d’autres conceptions que lui sur les moyens d’arriver au socialisme.

Dans un opuscule publié en 1919 en Suède, Diktatur och Socialism (« Dictature et socialisme »), j’avais pris position sur ce problème dans le sens du socialisme libertaire. Je me déclarais pour le socialisme, mais contre la dictature. Il m’était cependant clair qu’un jugement réaliste sur la Révolution russe n’était pas possible sans la connaissance des conditions réelles en Russie même. C’est pourquoi je décidai de faire un voyage d’étude au pays de la Révolution controversée. Je partis comme délégué mandaté par la Freien Arbeiter Union Deutschlands (FAUD : Union des travailleurs libres d’Allemagne) anarcho-syndicaliste.