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[18] Augustin Souchy - 1921 : en France, au pays de la Commune

mardi 28 avril 2020, par Augustin Souchy (CC by-nc-sa)

Il n’est guère étonnant que dans la patrie des théories socialistes, le mouvement socialiste servit très tôt de voie d’accès aux fonctions ministérielles, notamment pour les avocats. En 1885, l’avocat Millerand fut élu au Parlement en tant que candidat des socialistes. Après avoir obtenu à plusieurs reprises un portefeuille ministériel, il considéra que le socialisme était son valet. L’avocat Aristide Briand écrivit dans sa jeunesse une brochure pour la défense de la grève générale. Une fois arrivé au Parlement — également en tant que candidat socialiste — il changea de parti et devint ministre. Il n’était cependant pas le pire. Il obtint le prix Nobel de la paix, conjointement avec Stresemann, ministre allemand des Affaires étrangères, pour l’accord franco-allemand qu’ils signèrent tous les deux à Locarno. L’avocat Pierre Laval entra lui aussi au Parlement en tant que socialiste et devint plus tard président du conseil. Lorsqu’il pactisa avec Hitler, les patriotes français se détournèrent de lui. Après la Seconde Guerre mondiale, il fut condamné à mort et exécuté.

C’est peut-être de tels comportements qu’est tiré le dicton français : anarchiste à vingt ans, socialiste trente, démocrate à quarante, libéral à cinquante et conservateur à soixante. La dégénérescence du socialisme en « ministérialisme » contribua à discréditer le parti socialiste et profita aux communistes. L’Humanité, quotidien socialiste fondé par Jean Jaurès, passa aux mains des communistes. Léon Blum, Paul Faure et d’autres militants restèrent certes fidèles au parti, mais Marcel Cachin (que j’avais rencontré en 1920 à Moscou) se retira et fonda le Parti communiste français, qui devait plus tard surpasser le parti socialiste mère. Je fréquentais les réunions des deux partis à Paris, pour m’informer, mais non pour adhérer à l’un d’eux !

Seuls quelques-uns des vétérans anarchistes du siècle passé étaient encore en vie. Jean Grave, le successeur de Kropotkine à la rédaction du Révolté (devenu Les temps nouveaux, vieux et vivant retiré dans un faubourg parisien, me conta les luttes des décennies passées, et me parla plus particulièrement de Louise Michel. La « Vierge rouge », comme on l’appelait populairement, fut déportée en Nouvelle-Calédonie pour sa participation à la Commune, mais à son retour elle reprit la lutte contre l’injustice sociale avec une énergie admirable.


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