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[17] Augustin Souchy - 1921 : en France, au pays de la Commune

lundi 27 avril 2020, par Augustin Souchy (CC by-nc-sa)

Durant les premières semaines de mon séjour en France, j’avais été hébergé par un compagnon d’idées, le maître cordonnier Morin, non loin du cimetière du Père Lachaise. Mimi, la fille des Morin épousa plus tard Buenaventura Durruti. Quelques jours après la manifestation, alors que je rendais visite aux Morin, madame Morin me dit que deux agents de police étaient venus me chercher le lendemain de mon déménagement, tôt le matin. Pourquoi ? Je n’avais commis aucun délit, ne portais pas d’armes et ne prenais part à aucune conspiration. Je ne souhaitais que du bien au peuple français que j’aimais. Alors pourquoi voulait-on m’arrêter ? Ah, peut-être parce que quelques jours auparavant, dans un rassemblement public, j’avais, avec tous les autres participants accompagnés de la fanfare, chanté l’air révolutionnaire à la toute dernière mode, qui se terminait ainsi : (...) par la raison et par l’action, debout, partout, Révolution ! Mais dans le débat qui avait précédé, je m’étais prononcé en faveur des paroles du célèbre géographe français, Élisée Reclus, dans son livre L’évolution, la révolution et l’idéal anarchique : L’évolution et la révolution sont les deux actes successifs d’un même phénomène, l’évolution précédant la révolution, et celle-ci précédant une évolution nouvelle, mère de révolutions futures.

J’avais beau me creuser la tête, je ne trouvais pas d’explication. Un quelconque mouchard d’occasion avait-il voulu gagner quelques francs d’argent de poche en dénonçant le jeune étranger qui fréquentait les réunions d’extrême gauche et dont le nom apparaissait parfois dans les journaux ? On ne semblait pourtant pas voir en moi un dangereux ennemi de l’État, car je n’ai jamais remarqué par la suite qu’on m’ait particulièrement suivi, bien que je fréquentais toujours les réunions et écrivains de temps à autre dans la presse libertaire.

Ce n’est qu’un an plus tard qui la chose s’éclaircit. Étant entre-temps retourné en Allemagne, et alors que je demandais un visa d’entrée en France, le consulat français à Berlin rejeta ma demande sous le prétexte que j’avais été expulsé de France. Expulsé en mon absence ! Cela faisait maintenant, après la Suède, la Norvège et le Danemark, la quatrième expulsion. Une autre dut s’y ajouter plus tard. En 1933 cependant, on me laissa entrer en France, sans être inquiété, en tant que réfugié anti-hitlérien, et peu après les autorités françaises levèrent leur arrêté d’expulsion.


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