Les soldats rentrant en Allemagne ne furent pas les seuls à lire le tract. Les membres de l’ambassade allemande, qui étaient venus saluer leurs compatriotes le reçurent aussi... Dans le Parti des jeunes socialistes signataire de ce tract, j’étais le seul Allemand. La police le savait. Je fus arrêté et expulsé de Suède.
Un agent de police m’escorta par le train jusqu’à la frontière norvégienne, où il me libéra. Ma liberté ne devait cependant durer que quelques heures. A la gare de Christiana, l’actuelle Oslo, trois messieurs très sérieux se proposèrent pour m’accompagner. A la police, où ils me conduisirent, je fus présenté à cinquante agents en civil avant d’être conduit en cellule. Aucune explication. La gardien de service me laissa entendre que je devais être expulsé vers Copenhague. Je dus attendre un bateau pendant une semaine, en prison.
A Copenhague, l’entrée me fut interdite. La police danoise me mit sur le bac pour la Suède. Au débarquement à Malmö, il y avait deux sorties, l’une pour les scandinaves, l’autre pour les étrangers non scandinaves. Je remarquai que les scandinaves n’avaient pas à présenter de papiers : j’utilisai donc leur sortie. Svensk ?
, me demanda un contrôleur. Jaha !
, répondis-je. Je passai haut la main. Mais je ne pouvais rester en Suède, d’où j’avais été expulsé huit jours auparavant. Mes compagnons du journal libre-penseur de Malmö Nya Folkviljan me conseillèrent de profiter du week-end pour retourner au Danemark. Beaucoup de Suédois partaient le samedi vers le Danemark pour faire la noce à l’aquavit danoise, car la Suède avait instauré une stricte prohibition. On ne demandait en général pas de papiers à ces excursionnistes. Je pris le train jusqu’à Helsingborg, puis le bac pour traverser le détroit jusqu’à Helsingör, sur la rive danoise.