Un peu plus tard, en gare de Stockholm, entra un train venu de Russie avec des prisonniers de guerre allemands, blessés ou malades, qui étaient en cours d’échange et devaient depuis ici poursuivre leur voyage pour l’Allemagne. La presse avait annoncé cet échange de prisonniers et l’arrivée de ce train à Stockholm. Je décidai de rédiger un texte en langue allemande. En voici le texte :
Pourquoi ? D’innombrables victimes ont été sacrifiées au Moloch « Guerre ». Une inexprimable désolation pèse sur des millions de familles ; des mères, des sœurs se demandent pourquoi nos fils, nos époux, nos frères doivent-ils tuer et se faire tuer ?
La misère augmente, les dettes des États belligérants s’accentuent de plus en plus. Bientôt l’Europe sera économiquement dépendante des États-Unis. Pourquoi tout cela A quoi sert toute cette destruction sans limites de vies humaines et de valeurs matérielles ? Il est temps pour nous, ouvriers et paysans allemands, de nous poser ces questions. Au bout du compte, C’est bien nous qui portons les plus lourdes charges, pendant et après la guerre. Les dettes monstrueuses, les redevances, l’entretien des veuves et invalides, tout sera gratté sur le dos du peuple travailleur. En revanche, les dix mille qui nous dominent gagnent de l’argent tant et plus à cause de la guerre.
En 1912, Bertha Krupp n’avait pas moins de 21 millions de revenus annuels ! Le kaiser Wilhelm II, le plus gros actionnaire de la firme Krupp, tirait de plus grosses recettes encore de cette source ! Ne serait-ce pas par hasard à cause de cela qu’il a tenu ses discours belliqueux Pourquoi la firme Krupp a-t-elle donné de fortes sommes à la presse française pour qu’elle publie des articles incitant à la guerre ? N’est-il pas douteux l’amour de la patrie, quand les « Deutshen Waffen und Munitionsfabriken » (Usines allemandes d’armes et de munitions) créent en France une « Société française pour la fabrication de roulements à billes », dans laquelle sont produites des machines utilisées contre « l’ennemi héréditaire » ? La même firme livra 50% de sa production à la Russie et 200 000 fusils à la Serbie ! Ainsi, dans cette guerre, des ouvriers et des paysans allemands se font tuer par des armes fabriquées en Allemagne. Le grand industriel Thyssen ne dit-il pas que les discours belliqueux du kaiser servaient à inciter le Parlement à voter de nouvelles commandes à la firme Krupp ? Plus fort est l’arme-ment, plus grand sont les profits. Pendant la guerre, la firme Krupp a augmenté son capital-action de 180 à 250 millions de marks. La guerre coûte cher chaque soldat qui tombe coûte 50 000 marks !
On nous dit que cette guerre est, une guerre défensive. Chaque État prétend être l’agressé. Qui et où, est donc l’agresseur s’ils sont tous les agressés ? Si nous devons nous entre-tuer pour nous défendre les uns des autres, il faudrait avant tout se poser la question sommes-nous vraiment ennemis ? L’ouvrier et le paysan français, russes et anglais ne veulent-ils pas tout comme nous accomplir en paix leur travail à l’atelier ou aux champs ? Non, nous ne sommes pas ennemis ! Si cela dépendait de nous, il n’y aurait pas de guerre.
Nous qui devons faire tous les sacrifices avons le droit de faire entendre notre voix. Nous demandons : que veut et qu’envisage le gouvernement ? Les frontières de notre pays sont libres de tout ennemi pourquoi continue-t-on la guerre ? Nous ne voulons pas d’une guerre de conquête. Si un pays peut faire des offres de paix, c’est bien l’Allemagne.
Il est grand temps d’arrêter ce massacre insensé. Les travailleurs de tous les pays aspirent à la paix. Nous ne voulons pas être plus longtemps les victimes d’une politique criminelle, les jouets des dominants qui avec notre sang se couvrent d’argent, d’honneur et de gloire. Nous, peuples travailleurs de l’Europe et du monde entier, ne sommes pas ennemis. Nous voulons la paix, la liberté, la justice et l’humanisme et nous pensons que nous les atteindrons par le socialisme, dans une société libre. Au combat pour la paix et la liberté !
Guerre à la guerre !
Un groupe de jeunes travailleurs allemands