Retracer ici toutes les péripéties de cette existence agitée que fut celle de Sébastien depuis le jour où il se déclara hardiment anarchiste, en 1888, jusqu’au jour où, la bataille pour Dreyfus terminée, il eut presque l’intention de se retirer du mouvement, ce serait trop long. Mentionnons que, dès les débuts, Faure fut arrêté à plusieurs reprises, à Paris, lors de l’enterrement d’Émile Eudes, à Bordeaux, à Toulouse, à Lyon, à Marseille, à Aix, à Nîmes, etc. Condamné tantôt à des mois, tantôt à des années de prison, il n’en continua pas moins sa propagande avec une ardeur inlassable. Entre temps, il écrivait la Douleur universelle, un volume où sont exposées ses conceptions anarchistes. Bientôt l’ère des bombes s’ouvrait. Les libertaires étaient traqués. La bourgeoisie terrorisée, sentant la Révolution prochaine, ouvrait les portes des prisons et des bagnes qu’elle refermait impitoyablement sur les militants.
Tout cela se termina par le célèbre procès des trente où des hommes comme Grave, Fénéon, Pouget, Faure, Matha furent accusés de complicité avec des cambrioleurs et des inculpés de droit commun. Le procès fut retentissant. L’acquittement le fut davantage, et l’un de ceux qui contribuèrent le plus à ce résultat fut certainement Sébastien Faure, qui prononça à cette occasion une merveilleuse plaidoirie, un réquisitoire plutôt contre la société dont s’étonnèrent les journaux bourgeois de l’époque.
Acquitté, Sébastien reprit ses tournées de conférences, fonda le journal le Libertaire, où l’auteur de ces lignes s’honore d’avoir longtemps collaboré. Puis il lançait des brochures comme les Crimes de Dieu, Autorité ou Liberté. Cela le menait jusqu’à l’affaire Dreyfus, terrible bagarre où les anarchistes, Sébastien Faure en tête, se jetèrent avec leur fougue coutumière. On sait quelle fut leur action. On sait avec quelle ardeur ils bataillèrent contre les partis de réaction et avec quel désintéressement ils firent triompher la cause de liberté et de justice.