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Les Hommes du jour n°18

Sébastien Faure (1858-1942) [4]

mercredi 18 décembre 2019, par Victor Méric - Flax (Domaine public)

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Il passa d’abord par le socialisme. Mais les joutes électorales, la comédie politique l’eurent vivement dégoûté. D’autre part, la formule collectiviste, étroite et autoritaire, ne convenait pas à cet enthousiaste, amoureux de la liberté jusqu’à l’absolu, de la liberté sans rivages, comme disait Jules Vallès.

Son premier acte d’anarchiste date de 1888, au Congrès de Bordeaux. De ce moment, commence sa carrière de conférencier ambulant, parcourant les villes et les campagnes, semant les paroles de vérité partout où l’hypocrisie et la lâcheté humaines ne le traquaient pas. Les débuts furent pénibles. Sébastien partait avec quelques camarades, sans un sou en poche, couchant au petit bonheur, tantôt sur le revers d’un fossé, au clair de lune, tantôt sur une meule de foin ; quémandant une grange, un hangar, une salle de café où il pourrait parler un instant Dure, mais féconde propagande. On écrira un jour l’histoire ignorée de cette époque de dévouement où les premiers anarchistes, pareils aux premiers chrétiens, luttaient contre la Société entière, avec un mépris superbe de l’argent et une soif de sacrifice insensée. À ce moment-là , ils ne raisonnaient pas, les anarchistes ; ils agissaient ; ils croyaient la Révolution possible immédiatement et il s’employaient, de toute leur énergie, à hâter son avènement.

On peut affirmer que les anarchistes de cette période furent un danger véritable pour la société bourgeoise qu’ils menaçaient de chambarder de fond en comble. Il y avait parmi eux d’ailleurs des tempéraments, des valeurs. En dehors de Sébastien Faure, il y avait Jean Grave, un théoricien dont nous aurons à nous occuper bientôt ; Charles Malato, un batailleur impénitent et chevaleresque ; Émile Gautier, le futur chroniqueur scientifique à la mode, et comme parrains, on comptait des savants et des idéologues tels que Reclus ou Kropotkine. Aussi ce fut bientôt une magnifique floraison. Les enthousiasmes s’éveillèrent. Le jour où le Gouvernement ému et la police étonnée menacèrent, ce fut la lutte sans merci, les bombes, Ravachol, Vaillant, Émile Henry, Caserio, les lois scélérates, les arrestations en masse, les visites domiciliaires, les perquisitions, les dénonciations, la frousse bourgeoise, tout cela aboutissant à ce fameux procès des trente, qui fut comme le couronnement et l’apogée du mouvement anarchiste.

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