Nous avons cité longuement. Mais nous n’aurions pu, mieux que Cipriani lui-même, rendre toute l’atrocité des tortures qu’on lui infligea et de l’existence qu’il dut mener. Les Italiens, cependant, étaient convaincus de l’innocence de cet homme. Ils engagèrent une lutte de tous les jours contre le gouvernement. Ils s’efforcèrent par tous les moyens de lui arracher sa victime. Neuf fois Cipriani fut élu député dans les provinces de Forli et de Ravenne. Cinquante-sept circonscriptions le portèrent comme candidat. La monarchie dut céder. Les preuves de l’innocence de Cipriani furent établies. On le libéra.
Tout n’était pas dit, cependant. A peine libre, Cipriani fut de nouveau poursuivi. On l’accusa d’avoir déserté, vingt-neuf ans auparavant. Une nouvelle condamnation n’aurait pas manqué de l’atteindre. Mais Cipriani en avait assez des geôles italiennes. Il passa la frontière et vint se réfugier à Paris.
A Paris, il continua la bataille pour la cause révolutionnaire. Il fonde d’abord l’Union des peuples latins et dirige un hebdomadaire : Guerre à la Guerre. En même temps, il prépare le Comité de la paix de 1889, à Milan. En 1890, il organise un Congrès à Capo-Lago, en Suisse, et préconise l’insurrection en Italie. Puis il entreprend une tournée de propagande en Suisse et en Italie. A Rome, en mai 1890, le ministre Nicotera essaie de le faire assassiner. Blessé, Cipriani est arrêté et condamné à 3 ans de prison. Il revient en France, prend part à différents congrès, notamment à celui de Zurich où il proteste contre les menées réactionnaires des socialistes allemands. Quatre ans après, au moment des bombes anarchistes, la France républicaine veut à son tour l’expulser. Heureusement, la presse entière protesta. Cipriani avait alors cinquante ans. On rappela qu’il avait combattu en 1870-71 dans les rangs de l’armée française. Le gouvernement recula. Cipriani put rester à Paris.