En 1949 l’affaire Gary Davis oppose Lecoin à la Fédération Anarchiste. Gary Davis, ancien militaire, a répudié la nationalité américaine et se déclare citoyen du monde. Il lance un journal et un mouvement réclamant la formation d’un gouvernement mondial afin d’éviter une nouvelle guerre. La FA apporte un soutien critique à l’initiative mais trouve que Gary Davis ne va pas assez loin et considère que seule la FA est pacifiste parce que seule elle est révolutionnaire
[1]. A l’occasion de l’arrestation, pour désertion, d’un jeune conscrit catholique, Gary Davis fait l’apologie de l’objection de conscience. Il multiplie les actes de protestation afin de le faire libérer. Il est emprisonné à plusieurs reprises. Lecoin crée et anime le « Comité Gary Davis ». Le 13 octobre 1949, au cours d’un meeting présidé par Lecoin, André Breton amené par des militants de la FA attaque Gary Davis. A tel point que Lecoin l’interrompt, ce qui entraîne un important chahut dans la salle. Dans le compte-rendu de la réunion Lecoin dénonce l’attitude de la FA. Il s’en prend particulièrement à Fontaine (celui qui a critiqué dans Le Libertaire, le premier numéro de Défense de l’Homme) : Je ne sais si Défense de l’Homme n’est pas particulièrement anarchiste, ce que je sais, par exemple, camarade Fontaine, c’est que ton discours, particulièrement, ne l’était pas du tout
[2]. La polémique comme la campagne s’arrête là, Gary Davis ayant été expulsé de France et vite oublié.
Un mois plus tard, toujours dans sa revue, Lecoin reproche à la FA de parler beaucoup contre Franco mais de ne rien opposer de concret. La Fédération lui demande d’exposer ses projets d’action. Trois rencontres ont lieu entre le secrétariat de la FA et Lecoin. Un comité de défense sociale est créé, mais n’a jamais eu d’existence réelle. Sans doute à cause de la faiblesse du mouvement libertaire français.
Le congrès de Bordeaux de mai-juin 1952 marque le début de l’éclatement de la FA La tendance plateformiste menée par Fontenis prend le contrôle de l’organisation et exclut un certain nombre de militants.
Lecoin exhorte les anarchistes à l’unité en rappelant le temps perdu à cause de querelles entre individualistes et anarcho-communistes dans les années 1930 [3]. Il propose à la FA de lancer, en commun avec Défense de l’Homme, une série de conférences sur l’anarchisme pour renforcer le mouvement libertaire. Il se déclare prêt à adhérer à la FA [4]. Mais la proposition n’est pas retenue et Défense de l’Homme organise, seul, quelques réunions. Le refus de la FA vient, sans doute, de la profonde divergence entre elle et Lecoin concernant les guerres d’Indochine et du Maroc. La FA soutient les mouvements de libération nationale des deux pays ; Lecoin fidèle à son pacifisme critique très sévèrement cette attitude, contraire selon lui, à l’éthique libertaire [5]. Parallèlement, la librairie de la FA refuse de diffuser Défense de l’Homme et De prison en prison sous prétexte que Lecoin ne serait qu’un « marchand de papier » doublé d’un ancien collaborateur. L’accusation est grave car elle n’est pas nouvelle. Certaines personnes assimilant le strict neutralisme de Lecoin pendant la guerre à un soutien à l’occupant. Piqué au vif Lecoin réplique par ces mots : Je mets au défi le plus malintentionné à mon égard de produire une ligne, une parole démontrant ma collaboration. A la collaboration je n’ai pas donné une pensée. Du début à la fin je n’ai eu qu’un seul souci la paix
[6]. A la suite de cette mise au point, Lecoin n’a plus aucun rapport avec la FA devenue Fédération Communiste Libertaire (FCL) en décembre 1953. La FCL disparaît après une participation malheureuse aux élections du 2 janvier 1956.