Afin de promouvoir l’action sociale dans les directions que nous avons ainsi sommairement indiquées, nous, anarchistes, nous efforçons d’accomplir, chaque jour, dans tous les milieux, une œuvre éducative qui pénètre aussi profondément qu’il est possible.
L’anarchisme n’est pas l’utopique songe de « fins » imaginaires, nouvelles formes sociales selon les faciles schémas intellectuels des politiciens.
Au contraire, c’est essentiellement une méthode pour la vie quotidienne. C’est l’orientation de la vie quotidienne — dans le travail, dans la discussion, dans la pensée, dans l’amour, dans l’amitié, dans la lutte, dans toutes les multiples activités qui font la journée humaine — dans un sens résolument libertaire.
Nous sommes donc, par tempérament, surtout des éducateurs. Nous faisons confiance aux hommes et aux femmes qui constituent notre prochain, parce que nous avons confiance en nous-mêmes. Nous savons que nous ne sommes pas meilleurs que quiconque. Les lacunes et les défauts du voleur, de la prostituée, de l’autoritaire, comme les aptitudes du studieux, du combattant ou de l’ascète, nous les sentons sourdre tous également de motifs profonds qui sont vifs en chacun de nous. Nous voulons éduquer parce que nous avons en nous-mêmes l’expérience de la possibilité d’éduquer.
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Mais nous ne dissimulons pas que ce n’est pas par cette voie qu’on pourra arriver à la véritable construction de la liberté. L’ambiance forme l’homme de même que l’homme forme l’ambiance. Pour que l’œuvre créatrice de l’homme puisse se développer il faut donc changer complètement les conditions présentes de la vie sociale. Et sur cette route s’érige, obstacle énorme, l’État, dans l’action duquel rien de décisif n’est possible sinon par voie de révolution.
C’est pour cela que nous sommes, radicalement, des révolutionnaires, même quand nous nous posons en éducateurs.
C’est pour cela que, tout en étant les ennemis les plus acharnés de la violence par laquelle s’affirment les autoritaires, les dominateurs, nous nous honorons de compter au nombre des nôtres ceux qui osent, dans les heures de crise sociale, exprimer à eux seuls, les souffrances et les volontés des multitudes opprimées.
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Tous ceux qui parlent d’émancipation prolétarienne, des droits des masses, des grandes injustices à supprimer, doivent nécessairement se placer, comme nous, sur le terrain des solutions révolutionnaires s’ils veulent vraiment que leur action aboutisse.
Celui qui ne se décide pas, celui qui pense encore à des réalisations possibles par l’action réformiste de l’État ou par la conquête intégrale de l’État, après les décisives expériences négatives que nous offrent — dans les deux conceptions — les vingt-cinq années passées, celui-là est, à notre avis, ou un illuminé qui n’ose pas regarder le fond de la réalité ou un ambitieux qui aspire au pouvoir.
Nous avons confiance seulement dans la volonté et dans l’action directe de ceux qui souffrent aujourd’hui de la servitude. Nous affirmons la valeur de l’éducation. Mais seulement en ce que, compagne de la lutte, elle conduit les hommes à vouloir et à agir, à conquérir leur liberté et non pas en espérant que, par les voies pacifiques de l’éducation et du consentement, on puisse détruire les privilèges sociaux, nés et maintenus des méthodes héritées de la barbarie.
Nous voyons qu’il est inévitable de recourir à la révolution, qui détruit toutes les formes sociales et en crée de nouvelles. Et nous sommes adversaires de tous les politiciens qui, par le jeu soporifique des élections, demandent au peuple des délégations de pouvoir, lui faisant croire que par cette renonciation à agir il pourra également construire, par effet de miracle, un nouvel ordre social.
Nous répétons avec Pisacane : La propagande de l’idée est une chimère, l’éducation du peuple est une absurdité. Le peuple ne sera pas libre quand il sera éduqué, mais il sera éduqué quand il sera libre. La seule œuvre que puisse accomplir un citoyen pour servir son pays est de coopérer à la révolution matérielle. Et l’éclair de la baïonnette de Milan fut une propagande plus efficace que mille volumes écrits par les doctrinaires, qui sont la vraie peste de notre pays.