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Préludes à la Révolution

mardi 4 juillet 2023, par Abel Paz (CC by-nc-sa)

Quelques données pour mieux comprendre les antécédents de la guerre sociale en Espagne (1931-1936).

Les causes qui créèrent les condi­tions de la réalisation d’une pro­fonde révolution sociale en Espa­gne étaient le produit d’un proces­sus historique spécifique à ce pays, dans son aspect social, éco­nomique, politique et culturel.

Une situation générale critique ren­dait indispensable le fait d’entre­prendre des réformes pour modifier le caractère semi-féodal de l’appa­reil d’État, tout comme la structure économique du pays, et qui régé­nèrent les classes dirigeantes.

Un homme politique monarchiste, tel que Antonio Maura, parvenu à en prendre conscience, prévint les classes aisées de l’alternative qui se présentait : ou bien l’État en tant qu’institution commençait la révo­lution d’en haut, ou bien la révolu­tion se produirait d’en bas, mais dans des conditions telles qu’elle détruirait l’État monarchique et avec lui les classes ou castes bureaucratiques qui en tiraient leurs positions de privilège. Mais les remarques de cet homme poli­tique n’eurent aucun écho, au sein de son propre milieu.

De plus, il n’était pas non plus homme capable de mettre en marche un plan de réformes conçu par l’État, bien qu’il ait dirigé la politi­que pendant longtemps, de 1900 jusqu’à une époque avancée du 20e siècle. La révolution restait donc en suspens, depuis la proclamation de la 1re République en 1875. La proclamation de la 2e République en 1931 se présenta comme une grande occasion pour les gouver­nants républicains. Comptant sur l’appui de l’immense majorité de la classe ouvrière et paysanne, ils tentèrent de mener à terme une profonde réforme qui affecte toutes les composantes et tous les strates du pays afin de le rendre habitable. Mais ils échouèrent dans leur tentative, car les gouvernants républicains, malgré leur idées libérales, manquaient de la moëlle et du nerf nécessaires pour affronter l’oligarchie agraire-finan­cière et la caste militaire-religieuse. Devant l’échec politique de la démocratie bourgeoise il devenait assez évident que les travailleurs et les paysans, premières victimes de cet état de chose, devaient cher­cher leurs propres moyens pour non seulement améliorer leurs con­ditions de vie mais aussi pour s’affirmer comme êtres humains. En raison de ce qui vient d’être exposé la République accéléra le processus révolutionnaire sous incubation jusqu’à ce qu’il éclose, en réponse au coup d’État fasciste du 17 juillet 1936.

Mais nous considérons nécessaire avant d’entrer dans la période révolutionnaire qui débuta le 19 juillet 1936, ne serait-ce que sommaire­ment, de préciser les problèmes vitaux pour lesquels la révolution allait tenter de chercher des solu­tions inédites.

Au niveau économique, la société espagnole de 1936 comptait avec une structure agricole peu évoluée, étant donné qu’elle se trouvait (dans les zones à dominante lati­fundiste) pratiquement dans les mêmes conditions qu’à l’époque de leur formation, au bas Moyen­ Age. On peut même affirmer que, sur le plan de la technique de l’exploitation agricole, elle avait régressé, dans quelques cas, à l’époque romaine.

1936, Encore le Moyen Age

On pouvait parler, sans exagérer, de la survivance à cette époque dans de vastes zones de l’Andalou­sie et de la Manche agricoles, de rapports pré-féodaux entre le sei­gneur et le serf assigné à la terre, sans possibilité de se libérer.

En opposition à ce latifundiste, il y avait l’Espagne minifundiste dans laquelle les petits propriétai­res vivaient encore plus mal que les ouvriers agricoles salariés, étant donné que leur rapport à la terre était un rapport d’esclavage permanent, toujours à la merci du temps, du climat et des prê­teurs usuriers. Le résultat de sta­tistiques élaborées pendant la période républicaine (1932) nous offre une idée générale de cette situation, en ce qui concerne la dis­tribution de la propriété terrienne dans 27 des 46 provinces qu’avait l’Espagne. Le total des hectares cultivables, dans ces provinces était de 19 672 950, divisés de la façon suivante : 47,39 % étaient répartis entre 1 395 048 propriétai­res qui possédaient de 1 à 50 hec­tares ; 29,37 % appartenaient à 43 119 propriétaires qui possédaient des fermes de 50 à 500 hectares et 25/24 % revenaient à 6 790 proprié­taires qui possédaient dans l’ensemble plus de 4M d’hectares. Ainsi la répartition de la propriété de la terre se résumait à cela : 3,46 % des propriétaires dispo­saient de 52,51 % de la terre. Et à cela, on peut ajouter que 400 000 hectares étaient partagés entre 14 grands d’Espagne, qui alliaient à leur pouvoir rural, un pouvoir poli­tique qui s’étendait aux centres de décision de l’État.

Des conditions de vie inhumaines

Les conditions de vie du salarié agricole frisaient l’infrahumain. Dans bon nombre de cas, des familles entières vivaient dans des grottes, comme des troglodytes (on peut encore apprécier quelques cas isolés de ce mode de vie dans les provinces de Jaen et d’Almeria). L’alimentation générale consistait en une sorte de pâte faite de farine de maïs cuite sans graisse et colo­rée de poivre rouge. Cette nourri­ture appelée « migas » s’accompa­gnait des fruits de la saison, figues ou raisin qu’on volait la nuit dans les champs. A Jaen, où l’on trouve de l’huile en abondance, les ouvriers agricoles ramassaient les olives tombées des arbres et se fabriquaient leur huile, qui était avec le pain qu’on trempait dedans leur principal aliment.

Les services sanitaires n’existaient pas et l’on n’appliquait que la médecine familiale, transmise de père en fils.
L’analphabétisme était une plaie généralisée qui atteignait, dans toute l’Espagne, en 1930, le chiffre considérable de 50 % des 24 mil­lions d’habitants.

Dans ces zones agricoles, il y a trois personnages plus craints que le diable lui-même : le cacique ou administrateur de la propriété, la « Guardia Civil » et le curé.

Ils imposaient la loi, même pendant la période républicaine. N’importe quel étudiant désireux d’étudier de plus près ce mode de vie arriverait très vite à la conclu­sion que la quasi-totalité de la population agricole salariée (2 mil­lions et demi) était obligée de vivre dans des conditions indignes d’un être humain.

Les journées de travail (quand on avait la chance d’en avoir) pou­vaient aller jusqu’à 12 heures et leur être payées, en 1930, deux pesetas. Pendant la première période républicaine (1931-1933) le salaire monta à 5 pesetas, mais il baissa pendant la seconde période (1933-1935) de 9 à 3 pesetas la jour­née.

Pour les travailleurs de l’industrie et des mines, la situation n’était pas meilleure, bien que les salaires soient plus élevés. Ce qui les dif­férenciait réellement, c’était la vie urbaine où ils pouvaient profiter des modestes progrès de la société bourgeoise.

Mais en ce qui concernait l’essen­tiel, c’est-à-dire obtenir des amélio­rations dans la vie des ouvriers, il fallait s’engager dans des luttes importantes et dans des grèves prolongées.

L’industrialisation en Espagne s’était faite de façon très inégale. On pouvait parler de l’industrie catalane, de l’industrie métallurgi­que et minière du Nord, mais là se terminait l’industrialisation.

En Catalogne, existait une indus­trie textile avec quelques grandes usines, mais en général dominait la petite industrie artisanale qui était très étendue.

Parallèlement à l’industrie textile on trouvait l’industrie métallurgi­que, avec quelques grands centres industriels, mais qui avait le même défaut que la première, là encore la petite industrie artisanale primait. La situation dans le Nord de l’Espagne (Pays Basque et Astu­ries) était symbolisée par la pro­duction de minerai de charbon et d’aciers, avec des centres sidérur­giques à Bilbao, avec des hauts-fourneaux et les usines d’armement.

Mais à côté de ces importants cen­tres de production, s’étendait éga­lement une petite industrie de production domestique.

Cette situation de retard dans l’industrialisation du pays était due à la désastreuse gestion politique de la monarchie, plus attentive aux plaisirs de la Cour qu’à veiller aux intérêts de ceux qu’elle considérait comme ses sujets. L’État monarchique n’avait jamais pris comme point de mire l’amélioration du pays, mais plutôt son intérêt per­sonnel à le spolier au point de l’épuiser. Les principales richesses, celles du sous-sol, avaient été mal vendues à des entreprises étrangè­res, ce qui hypothéquait toute initia­tive venant du capitalisme qui com­mençait à peine à se développer dans l’ensemble de l’Espagne.

Le réseau ferré n’avait pas non plus été construit de façon ration­nelle, mais suivant l’intérêt de l’oli­garchie, ce qui faisait que la moi­tié de l’Espagne restait isolée, sans moyens de communication, chose qui augmentait considérablement le prix du transport des marchan­dises.

En résumé, l’économie espagnole était prisonnière du capitalisme international. Cette situation don­nait une image fausse de l’Espa­gne, on la considérait pauvre, alors qu’elle était et qu’elle est assez riche en ressources naturelles.

L’État monarchique, comme nous l’avons dit auparavant, était plus préoccupé par ses fastes que par la prospérité du pays et freinait, par son attitude, toute tentative de développement des forces produc­tives, en réduisant les classes dominantes protégées par l’État à mener une vie sur le modèle de celle de la Cour.

Cette situation anachronique devait fatalement se refléter dans la réalité du pays au moment de l’instauration de la République.

L’État au service de la bourgeoisie

A Barcelone, par exemple, les chefs de la bourgeoisie n’avaient pas d’autre ambition que de pren­dre part aux monopoles d’État et aspiraient à faire partie de l’oligar­chie qui exploitait économique­ment l’Espagne.

Le trio politico-financier Gari, Cambo, Ventosa possédait l’ap­provisionnement en eau et en gaz de Barcelone, les compagnies d’électricité de Murcia et de Malaga, les compagnies de gaz de Valencia, Santander, San Sébas­tian, San Fernando, Cadiz, etc. Cette bourgeoisie Catalane mélan­gée avec l’ancienne noblesse féo­dale imposa au pays des droits de douanes exorbitants et entreprit une guerre commerciale insensée contre le France. La conséquence d’une telle politique économique était que l’Espagne avait à cette époque-là un retard désastreux par rapport à d’autres pays européens. Sur 4 000 mines de plomb, on en exploitait 300, on ne tirait parti que du quart de la capacité potentielle des chutes d’eau, de la houille (qu’on pouvait exploiter de 5 000 à 6 000 tonnes) on en extrayait seu­lement de 6 à 9 millions de tonnes par an.

Mais ces richesses ne restaient même pas à l’intérieur du pays pour l’élaboration de la matière pre­mière. Sur les 2 700 000 tonnes de minerai de fer que l’on extrayait, un million était acheté par l’Angleterre et la même quantité par d’autres pays étrangers.

Dans l’ensemble, la production minière atteignait des chiffres de l’ordre de un milliard de pesetas et la production industrielle appro­chait les 7 milliards sur lesquels 2 milliards correspondaient à l’industrie textile. La production agraire s’élevait à 9 milliards.

Le contraste entre ces chiffres met bien en relief le fait que le pays était essentiellement agricole.

Mais les champs étaient aussi abandonnés. On manquait d’une industrie de conserverie qui aurait donné du travail à des milliers de personnes.

Toute personne intéressée par cette étude arriverait à la conclusion que, pour subvenir aux besoins du pays et augmenter la production, il fallait changer com­plètement le rôle de l’État et du régime social, trouver la manière de changer la physionomie du pays.

Il était nécessaire d’augmenter le niveau de production et non pas pour l’exploiter, comme on le fai­sait, mais pour former une indus­trie dont le marché et la circulation de marchandises se porteraient sur l’Espagne elle-même, afin de sortir de la misère ses zones centrales. Le récepteur de la richesse était la Banque d’Espagne et l’oligarchie. Joaquin Maurin, après avoir étudié le fonctionnement de cette institu­tion, écrivait que son orientation était telle que les gains du pays finissaient toujours par arriver dans les poches de ceux qui détenaient le pouvoir central.

Les grandes entreprises, les ban­ques, les transports et la grande industrie utilisaient l’État comme un instrument au service de leurs spoliations. L’État était prisonnier des grandes entreprises, et la nation prisonnière de l’État. Une économie atrophiée et un État hyper-atrophié étaient les facteurs qui déterminaient la situation du pays. Les finances publiques absorbaient le tiers du revenu national pour leur budget, 60 % de ce budget, c’est-à-dire les 2 neuviè­mes du revenu national étaient uti­lisés pour maintenir l’appareil de répression de l’État.

Le contrôle sur la population était important, principalement la répression idéologique, dont se chargeait l’Eglise catholique, qui monopolisait le contrôle de l’ensei­gnement, à l’aide de 130 000 prêtres —fonctionnaires de l’État— avec un salaire qui oscillait entre 1 500 et 40 000 pesetas par an selon le grade. La repression policière était aux mains d’une armée composée de 125 000 soldats, aux ordres de 25 000 officiers et de 800 généraux. Il y avait aussi la Guar­dia Civil et les gardes d’assaut, assistés par un Corps de Police Civil qui étendait son domaine au moyen de polices parallèles, de tueurs à gages et par un réseau d’indicateurs qui enveloppaient la société comme une pieuvre.

Une société faite d’une telle étoffe pouvait-elle se régénérer par un autre moyen que celui d’une révolution très radicale ? Une révo­lution de ce type, étant donné la colonisation que le capitalisme international exerçait sur l’écono­mie espagnole, avait peu de chan­ces de se faire si elle ne se sentait pas appuyée par les forces prolé­tariennes mondiales. C’était l’inconnue sur laquelle comptait l’inéluctable et indispensable révo­lution qui se préparait en Espagne. La division de la classe ouvrière et de la classe paysanne était un des autres problèmes importants pour empêcher le triomphe de la révolution.

CNT/ UGT

Deux organisations détenaient l’hégémonie de la direction du mouvement ouvrier. La Confédéra­tion Nationale du Travail (CNT) d’orientation anarcho-syndicaliste et l’Union Générale des Travailleurs (UGT) contrôlée, de fait par le Parti Socialiste Espagnol, de nette ten­dance social-démocrate. Ces 2 organisations contrôlaient ensem­ble le tiers de la classe ouvrière (CNT : 1 300 000 et UGT : 1 200 00 adhérents).

La première était une force déter­minante pour ne pas dire unique, à Barcelone et en Catalogne, la seconde était majoritaire à Madrid c’est-à-dire à l’endroit où se trou­vait le centre administratif et étati­que du pays.

Etant donné ce caractère de divi­sion et la situation différente des influences, il est clair que seule l’entente des deux centrales ouvriè­res par le biais d’une Alliance Ouvrière Révolutionnaire pouvait garantir la bonne marche de la Révolution.

La CNT, consciente du processus révolutionnaire entamé en 1931, poussa l’UGT à la formation d’une Alliance Révolutionnaire en mai 1936, juste au moment où la pos­sibilité d’une révolution atteignait son point maximal.

Mais les chefs socialistes de cette organisation ne répondirent pas à cet appel. Ce refus qui en une autre occasion aurait paralysé la CNT ne l’arrêta pas dans sa progression révolutionnaire. Le climat social inspirait confiance. Depuis le mois de février 1936 s’était étendu en Andalousie, Estrémadure et dans la Manche un mouvement paysan de grande envergure, avec des occupations de terres. Au cours de ces actions, paysans anarchistes et socialistes, ceux-ci désobéis­sant aux ordres de leurs leaders, agissaient ensemble. Cette colla­boration spontanée de la classe ouvrière inspira confiance à la CNT qui espérait qu’au moment voulu, la masse ouvrière socialiste se libé­rerait de la tutelle de ses chefs et agirait conjointement aux anarchis­tes, critère qui se confirma large­ment quand on en vint aux faits révolutionnaires du 19 juillet 1936. Pourtant, il y avait 2 conceptions différentes de la révolution, l’une étatique, l’autre anti-étatique. Com­ment se marieraient ces deux concepts ?

Seraient-ils dépassés tous les deux, au moment d’agir, et apparaîtrait-il une synthèse qui ren­drait possible une façon générale de s’entendre ? Il fallait espérer que cet « accord » surgirait de façon spontanée devant le fait révolution­naire, étant donné que la faiblesse des partis politiques représentait un énorme avantage pour la révo­lution prolétarienne. Le Parti Socia­liste était plutôt un parti « de cadres » constitué par une classe petite bourgeoise libérale et se nourrissait en majorité des mem­bres du corps enseignant et des intellectuels.

Sa valeur numérique ne dépassait pas les 50 000 adhérents.

Le Parti Communiste n’était pas non plus une force déterminante, il venait à peine de sortir d’une crise de croissance, et pouvait se consi­dérer comme une force néophyte, sous la direction dogmatique des conseillers soviétiques (staliniens) qui agissaient en Espagne.

Le danger communiste

Son poids était si faible qu’il n’allait pas au delà des 20 000 adhérents, pourtant il représentait un danger qui résidait dans ses conseillers et ses infiltrations au sein du Parti Socialiste.

Depuis 1935, ses conseillers œuvraient déjà en minant le terrain de la partie radicale du PS, et en ayant gagné les sympathies de Largo Caballero, secrétaire de l’UGT. C’était ça le péril stalinien sa possibilité de manœuvrer jésui­tisme et machiavélisme, et à cette possibilité il fallait ajouter le pres­tige dont jouissait encore la Révo­lution Soviétique, non seulement en Espagne, mais aussi dans d’autres parties du monde. C’était une révolution de 16 ans, dont on connaissait à peine, en général, la déviation bureaucratique. Nous parlons des connaissances de la grande masse ouvrière, non pas celles des groupes avancés, ceux­-ci ayant bien dénoncé à son heure les exactions marxistes-léninistes de la Révolution Russe, non seule­ment du temps de Staline, mais aussi à ses débuts de la part de Lénine et de Trostky.

Plus particulièrement, les anarchis­tes avaient dû supporter dans leur chair les effets de la répression bolchevique dans toute l’Union Soviétique, spécialement en Ukraine et à Kronstadt dans les années 20.

Dès lors, l’anarchisme avait dénoncé la bureaucratisation de la révolution russe.

Pourtant le mythe de la révolution soviétique survivait dans les mas­ses ouvrières et c’était un motif d’inquiétude, en particulier en Espagne, à l’époque à laquelle nous faisons référence. Et avec ce phénomène nous notons quelque chose qui surpasse le poids numé­rique dont nous parlions au début. Pour être plus concret, le talon d’Achille de la révolution qui cou­vait en Espagne se situait dans a - la division de la classe ouvrière, b - la différence d’orientation qui existait dans les 2 pôles d’attrac­tions, Barcelone et Madrid, c - le fait que l’économie espagnole soit colonisée par le capitalisme inter­national, d - l’état général du pro­létariat en Europe (Allemagne nazie, Italie fascise, Russie stali­nienne).

Dans une telle situation, on ne pouvait compter que sur le prolétariat français, au sein duquel mal­heureusement le mouvement anar­chiste était très faible, face à la tendance social-démocrate et au stalinisme du PCF.

Quant aux travailleurs anglais, on peut seulement dire qu’ils avaient un esprit nettement insulaire et tra­vailliste, e - enfin l’ambiguïté qui existait chez les « cadres diri­geants » de la CNT elle-même (il faut prendre en compte que la réu­nification de la CNT, au cours du congrès de mai 1936, avait signifié un certain virage à droite, par rap­port aux positions radicales que la FAI [Fédération Anarchiste Ibéri­que] avait soutenu jusqu’alors). Les personnalités militantes qui s’étaient incorporées à la CNT —fraction de droite séparée d’elle depuis 1933 comme Juan Peiro ou Juan Lopez, pour ne citer que ceux-­ci— apportaient un grand poids argumental, à l’heure de prendre des décisions. Ces personnalités excluaient les maximalismes et se prononçaient pour une sorte de « possibilisme libertaire » interven­tionniste au niveau des institutions de l’État, confiant la Révolution à un évolutionnisme au sein d’un cadre sociologique de syndica­lisme industriel. Nous nous som­mes arrêtés sur ces points précis car nous croyons que si on ne les a pas à l’esprit, on peut tomber dans des jugements faciles par rapport aux problèmes qui se créè­rent en Espagne, au moment de l’action révolutionnaire.

Tout ce long préambule nous a semblé nécessaire pour mieux comprendre la complexité de la Révolution Espagnole à l’heure d’en tirer les leçons, à 50 ans de distance.

Il faut analyser les faits historiques le plus froidement possible, car nous comprenons que sans cette froideur d’analyse, il est très diffi­cile de comprendre des phénomè­nes de l’envergure de la Révolution Espagnole.

Voir en ligne : Espagne : histoire : 1936-1939 - Sur le site placard.ficedl.info


Durruti : Le peuple en armes   La Révolution entre l’Aragon et Madrid