Un cri de haine et de dégoût autant que de désespoir et de révolte vient de jaillir de la poitrine d’une jeune femme pour votre délivrance.
Entendez bien, mes frères musulmans, c’est une femme, une Française, une anarchiste, qui, exaspérée par l’abominable régime d’exception qui vous opprime et vous empêche d’être des hommes comme les autres, tira un coup de revolver sur un policier qui se trouvait à la Bourse du travail d’Alger.
C’est pour votre cause, peuple musulman, qu’une anarchiste souffre en ce moment dans la prison de cette ville. Elle n’a fait cependant que manifester son indignation à votre place, à vous qui êtes des hommes !
En correctionnelle ou à la cour d’Assises où son geste doit l’amener, c’est toutes les atrocités que vous subissez, depuis un siècle qu’on vous « civilise », qui seront évoquées.
Mais vous, peuple algérien, peuple esclave, allez-vous rester indifférents à cette cause qui est la vôtre ? Laisserez-vous cette femme, votre sœur, sans défense au milieu de l’organisme draconien qui s’apprête à la broyer, quand elle-même sacrifie sa liberté pour défendre votre liberté ?
Cela serait un crime des plus lâches.
Soyez donc prêts à répondre à l’appel des organisations ouvrières françaises et algériennes, soyez prêts à vous battre s’il le faut contre tous ceux qui voudront vous empêcher de demander justice et libération pour une sœur qui doit être pour vous sacrée.
Pendant la guerre, le gouvernement de la Troisième République vous a montré comment il fallait mourir pour les beaux yeux des financiers et des banquiers de la métropole. Aujourd’hui, à votre tour, sachez lui montrer que vous êtes prêts à lutter de toutes vos forces pour votre propre cause et, en arrachant la libération de Marguerite Aspes, c’est la libération de toute une race honteusement opprimée que vous obtiendrez. Pour elle comme pour vous, debout, peuple algérien, debout !