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La vie d’Anselmo Lorenzo en Bande dessinée [09]

mercredi 12 avril 2023

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Il continue : « Personne ne discutait. Les délégués se séparaient, en se serrant convulsivement les mains et en disant : Salut ! Lundi, la générale ! ». Semaine d’ivresse, de sainte colère, car la colère des masses est justifiée par cent siècles de misère, d’oppression, de souffrance. On a calomnié les foules barcelonaises de 1909, comme plus tard ont été calomniés les révolutionnaires des Asturies en 1934 et le peuple espagnol tout entier en 1936-39. On brûla des couvents, il est vrai, mais les nonnes furent respectées et les moines courtoisement invités à abandonner leurs demeures.
Bientôt arrive le terrible réveil. Une autre lettre de Lorenzo à Tarrida en donne la mesure. Il lui dit : Je fais appel à ta sagesse et à ta bonté ; j’écris comme un homme angoissé le ferait à son frère bon et aimant, à un homme sage et énergique, en lui demandant de l’aide. Ce qui se passa à Barcelone pendant la semaine révolutionnaire fut admirable ; le peuple s’est montré noble et humain ; ce qui arrive maintenant, je ne peux le qualifier. On ne sait rien ; tout est mystère ; tout peut devenir sanglant. Les prisons sont pleines. Montjuich — encore Montjuich — aussi. Travaille pour les victimes. Prend la plume des Inquisiteurs de Montjuich !

La police l’arrête. Ferrer, en apprenant son arrestation, décide de s’en aller à Masnou, au Mas Germinal, dans l’espoir qu’il n’y sera pas molesté. Mais la dénonciation infâme d’un lerrouxiste — partisans de Lerroux — donne à la police suffisamment d’indications pour qu’il soit arrêté. Les déportations commencent. On fusille aussi. Lorenzo, vieux, malade de dyspnée, est déporté à Alcaniz d’abord, à Teruel ensuite, avec Soledad Villafranca, compagne de Ferrer, qui avait quitté amicalement Léopoldine Bonnard.
Le procès contre Ferrer, qui fut le procès contre l’Ecole Moderne, est un coup mortel pour Lorenzo. Il est encore à Teruel lorsque Ferrer est fusillé. Ferrer, en faisant de Lorenzo Portet son héritier et son exécuteur testamentaire, au lieu d’Anselmo, ce qui aurait été sans doute un bien meilleur choix, l’a certainement fort peiné. En fait, Portet abandonne aux mains de Lorenzo toute la direction de l’École Moderne, dont l’importance et l’activité ont été très réduites par la mort de Ferrer, qui en était l’âme et le moteur.

Malgré tout, l’assassinat de Ferrer est la plus grande erreur politique de Maura. Le monde entier se soulève contre le gouvernement espagnol, exalte la figure de Ferrer et en fait un martyr de la liberté de l’enseignement. D’autre part, en Espagne même, les consciences les plus éclairées sont émues et attirées par les idées pédagogiques et sociales qu’on a prétendu condamner, en éliminant Ferrer. Tout cela fait plus, en faveur de l’anarchisme et des idées libertaires que 50 ans de lutte et d’organisation de masses.
La famille de Lorenzo rejoint le patriarche dans son exil. Sa fille Flora est constamment à ses côtés. Paca, comme sa fille, ne l’abandonne pas un seul instant. La compagne de Lorenzo est le symbole de cette valeur morale, de cet héroïsme silencieux de tant de compagnes de militants que personne ne connaît, mais qui ont rendu possible, par leur profond dévouement, la vie et la bataille quotidienne des combattants pour le progrès de l’humanité. On ne peut pas dissocier la figure de Paca de celle de Lorenzo : les deux se complètent.

A suivre

 

Cette BD est issue de Espoir, le journal de la CNT-AIT de Toulouse de 1962. Elle a fait l’objet d’une réédition en brochure publiée en 2006 par perspective libertaire CNT-AIT, et une nouvelle édition enrichie est prévue prochainement.

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