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La vie d’Anselmo Lorenzo en Bande dessinée [04]
vendredi 7 avril 2023
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Lorenzo, sous cette tempête oratoire, se tait. Mais une fois passée, très doucement, avec son obstination proverbiale, il dit à Marx les mêmes mots que Lafargue, quatre mois plus tard, devait entendre sur la bouche de Pi y Margall : Vous échouerez. Les masses ouvrières sont fatiguées des luttes politiques. Elles ne veulent aucun parti. Pas même le mien. Et, en effet, il fallut attendre 1888, c’est-à-dire 17 ans, pour arriver à créer en Espagne le Parti Socialiste et l’UGT, établissant ainsi la scission au sein de la classe ouvrière espagnole.
Lorenzo revient en Espagne, peiné par l’inutilité de sa démarche et prévoyant la lutte fratricide qui va se déclencher. Marx, en effet, poursuit la ligne qu’il s’est tracée. Il croit avoir raison. Trois mois après, arrive à Madrid Paul Lafargue, gendre de Marx, avec pour mission de visiter les membres du Conseil Fédéral et de chercher, parmi eux, l’homme qui sera le dépositaire des projets du déjà fameux politicien allemand.
Karl Marx lui donne un nom et une adresse : le nom et l’adresse de Lorenzo. Il lui dit en plus : Il est jeune, ambitieux et intelligent. Lafargue rend visite à Lorenzo. Quand celui-ci connaît le motif de sa visite, non seulement il refuse d’être le réalisateur de plans qu’il n’approuve pas, mais il les critique durement. Lafargue admire l’intégrité morale et idéologique de Lorenzo ; ils restent en très bons termes sans pour cela abandonner le projet de son beau-père. Et il trouve ce qu’il cherche.
Lorenzo, faisant honneur à sa rectitude et à sa noblesse, introduit Lafargue dans les milieux ouvriers, lui faisant connaître tous ceux qui plus tard furent ses adversaires politiques et les fondateurs du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol et de l’Union Générale des Travailleurs : Mora. Mesa, Pauly et Iglesias. Ce dernier, jeune typographe à la barbe blonde et au pâle visage de Christ, sera l’homme que Marx et Lafargue cherchaient depuis longtemps.
Lafargue arrive à Madrid désorienté, avec pour toute relation Lorenzo et quelques fédéraux qu’il a connu au cours de son voyage accidenté à travers l’Espagne. Il était entré dans le pays par les montagnes de Huesca, fuyant la répression de la Commune. Sans Lorenzo, la mission accomplie par Lafargue, de décembre 1871 à juillet 1872 — date à laquelle il quitte la Péninsule — n’aurait pas été aussi profitable pour Marx.
Mais entre les deux hommes une amitié profonde est née. Peut-être cette passion silencieuse et refoulée que Lorenzo voue à Laura Marx, épouse de Lafargue, contribue-t-elle à la développer. Le fait est que Lafargue et Lorenzo travaillent ensemble et rédigent la Motion sur la propriété qui sera présentée au Congrès de Saragosse en 1872. Laura Marx aura toujours été une auxiliaire précieuse pour son père et pour son mari.
Cette BD est issue de Espoir , le journal de la CNT-AIT de Toulouse de 1962. Elle a fait l’objet d’une réédition en brochure publiée en 2006 par Perspective libertaire CNT-AIT, et une nouvelle édition enrichie est prévue prochainement.