Il est impossible de tout raconter. Il y aurait mille détails, mille incidents à relater, à rapporter, pour compléter exactement la physionomie de Séverine. Le nombre des gens qu’elle a secourus est incalculable et le public n’en a jamais rien su. Combien de pauvres petits soldats condamnés à mort lui ont dû leur grâce. Séverine n’hésitait pas à tenter toutes les démarches, à se pendre à tous les cordons de sonnettes, quand il s’agissait de la vie d’un pauvre diable. Elle allait même plus loin quand cela était nécessaire. Ici nous songeons à l’évasion de Pawdolewski dont elle fut l’instigatrice.
Jeune encore, Séverine, qui n’a jamais pu dormir la nuit qu’avec sa lampe allumée, tellement elle a l’horreur des ténèbres, descendait dans la mine, après la catastrophe de Saint-Étienne, dans la mine encore en feu, parmi de la bouillie humaine. Elle narrait ce terrible voyage dans le Gaulois, en appelait à la générosité de ses lecteurs et recueillait quarante-huit mille francs pour les victimes.
Puis elle dénonçait l’horreur des courses de taureaux, partait en guerre contre la peine de mort, s’indignait contre la barbarie de certains hommes envers les animaux. Pourtant, dans ses plaidoyers les plus enflammés, on ne trouve jamais une parole de haine. Même avec ses ennemis, si méprisables soient-ils, elle se montre correcte, pitoyable. On tire sur un drapeau, dit-elle, on ne crache pas dessus.
Ce qui retient l’admiration de Séverine, c’est surtout l’homme d’action, le combattant ardent et courageux des justes causes. Elle se passionne pour les femmes russes. Née là-bas, Séverine, au pays des tsars, aurait compté parmi les farouches nihilistes qui luttent par la bombe et par le fer. Mais sa grande admiration, ce fut, durant des années, Louise Michel, cette personnification de la Bonté agissante.
Il faut lire les volumes où elle a réuni ses meilleurs articles. Pas de basses polémiques. Pas de haines. Sa devise est toujours la même : On n’obtient tout que par l’amour.
On y verra quelles campagnes Séverine a entreprises et fait aboutir. On y apprendra à l’aimer.