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Séverine (1855-1929) [04]

samedi 27 mars 2021, par Victor Méric - Flax (CC by-nc-sa)

Séverine est venue au monde à Paris, au n° 24 de la rue du Helder, d’un père chef de bureau des permis de chasse à la préfecture de police. Ses parents, du côté paternel, étaient d’origine lorraine ; du côté maternel, parisiens.

Son enfance fut heureuse. Elle s’écoula entièrement dans la capitale. Séverine se souvient que les fenêtres de l’appartement occupé par sa famille donnaient sur la maison de couture Laferrière qui habillait les dames de la cour. Cela la divertissait de voir passer les élégantes. Elle restait volontiers, durant des heures, à son balcon. Mais bientôt elle dut renoncer à ces petites joies. On la plaça dans une pension. Ses études se poursuivirent brillamment. Elle avait commencé à s’instruire chez ses parents, lesquels étaient des rigoristes, à cheval sur les principes. Seule sa grand’mère maternelle, qu’elle appelait sa bonne maman, se montrait d’une douceur dont Séverine a gardé le souvenir ému et attendri.

A cette époque, la jeune fille qu’était Séverine lisait, lisait. On lui avait mis entre les mains le Musée des Familles, le Journal des Enfants, et des tragédies de Racine : Esther, Athalie. Elle apprenait aussi l’histoire de Rome dans Montesquieu, avec les Causes de la Grandeur et de la Décadence des Romains. Mais ces lectures ne l’ont pas beaucoup impressionnée. Plus tard, le romantisme, avec Hugo, devait la marquer plus fortement.

Au bois de Boulogne, où elle passait, d’ordinaire, ses vacances, Séverine lisait à haute voix les Misérables. Les aventures de Cosette, de Jean Valjean, le forçat honnête homme ; la mort de Gavroche ; l’héroïsme spécial de Javert, influençaient fortement son jeune esprit. Elle apprenait ainsi les Châtiments. Plus tard, elle devait se ressentir de ces premières lectures. Le tour d’imagination romantique qu’elle a gagné au contact de Hugo ne l’a jamais quittée. Romantique elle est demeurée, et elle apparaît dans tous les actes de sa vie comme dans tous ses écrits.

A noter aussi une des plus fortes impressions de son enfance. Elle avait alors 11 ans. Ses parents l’amenèrent à une représentation de Roméo et Juliette. Le spectacle la troubla profondément. Rentrée chez elle, cette gamine traçait sur son journal les lignes suivantes : Quelle est celle d’entre nous qui n’accepterait le sort de Juliette, à la condition d’être aimée comme elle ? La Séverine de plus tard, la Séverine passionnée et romantique se montre, dans ces quelques lignes jetées sur le papier par une enfant, déjà sensible et réfléchie.


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