Du point de vue de celui qui pense être capable de discerner la route du progrès humain, si tant est qu’il doit y avoir un progrès ; du point de vue de celui qui discerne un tel chemin sur la carte de son esprit et s’efforce de l’indiquer aux autres, de le leur montrer comme il le voit ; du point de vue de celui qui, en faisant cela, a choisi des expressions claires et simples à ses yeux afin de communiquer ses pensées aux autres —, pour un tel individu, il apparaît regrettable et confus pour l’esprit que l’expression « action directe » ait soudain acquis, aux yeux de la majorité de l’opinion publique, un sens limité, qui n’est pas du tout inclus dans ces deux mots, et que ceux qui pensent comme lui ne lui ont certainement jamais donné.
Cependant, il arrive souvent que le progrès joue des tours à ceux qui se croient capables de lui fixer des bornes et des limites. Fréquemment des noms, des phrases, des devises, des mots d’ordre ont été retournés, détournés, inversés, déformés à la suite d’événements incontrôlables par ceux qui utilisaient ces expressions correctement ; et ceux qui persistaient à défendre leur interprétation, et insistaient pour qu’on les écoute, ont finalement découvert que la période où se développaient l’incompréhension et les préjugés annonçait seulement une nouvelle étape de recherche et de compréhension plus approfondie.
J’ai tendance à penser que c’est ce qui se passera avec le malentendu actuel concernant l’action directe. A travers la mécompréhension, ou la déformation délibérée, de certains journalistes de Los Angeles, à l’époque où les frères McNamara [1] plaidèrent coupables, ce malentendu a soudain acquis, dans l’esprit de l’opinion, le sens d’« attaques violentes contre la vie et la propriété » des personnes. De la part des journalistes, cela relevait soit d’une ignorance crasse, soit d’une malhonnêteté totale. Mais cela a poussé pas mal de gens à se demander ce qu’est vraiment l’action directe.