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Mouvement libertaire en Bulgarie : Victimes des événements de Yambol

mercredi 10 janvier 2024, par Georges Balkanski (CC by-nc-sa)

Les événements mêmes seront traités à leur place plus loin.

En ce qui concerne les victimes, une trentaine environ, les renseignements précis et détaillés nous font défaut, malheureusement, et il nous est difficile de les recueillir actuellement.

Nicolai Dragnev

Fut le militant le plus en vue parmi les libertaires à Yambol, la forteresse de l’anarchisme à l’époque : le plus âgé, professeur au lycée, citoyen et homme public estimé par toute la population et par les travailleurs en particulier. Officier de réserve, organisateur et orateur du mouvement libertaire, il était connu aussi clans d’autres localités du pays.

Le plus dramatique, dans son cas, fut le fait qu’il n’était pas d’accord avec la majorité de l’organisation pour la tenue à tout prix du meeting qui coûta la vie des camarades fusillés par les militaires. Certains camarades lui reprochèrent un manque de courage. Il répliqua : Je périrai le premier si cela était utile et raisonnable.

En effet, après l’écrasement du meeting, lorsque les répressions enragées commencèrent, Dragnev n’essaya pas de se cacher et de fuir ; il fut parmi les premiers que les militaires détinrent. Il paraît que son grand prestige fit hésiter longtemps les bourreaux ; ainsi il fut l’un des derniers qui furent tués sous prétexte de « tentative de fuite », le 24 avril 1923 (les événements eurent lieu le 26 mars) sur la route de Yambol à Sliven, en compagnie des frères Panayot et Ilia Kratounkov, fusillés de la même façon.

La majeure partie des victimes furent fusillées dans les casernes de Yambol, le lendemain du meeting, le 27 mars. Parmi les premières victimes figuraient Paniu Botchkov, ouvrier cordonnier, militant autodidacte, secrétaire de l’organisation anarchiste locale.

Dimitar Vassilev (1897-1923) de Haskovo, clandestin à cause de son refus d’accomplir le service militaire, était par hasard à Yambol. Arrêté, pendant les perquisitions, il fut fusillé aussi sous prétexte de « tentative de fuite ».

Georges Domoustchiev, frère de Anguel Domoustchiev, tué, par surprise, à Sofia, lorsqu’il collait des affiches le 19 avril 1923.

Todor Darzev

L’un des plus connus, non seulement dans cette région, mais dans toute la Bulgarie, fusillé pendant ces événements, fut Todor Darzev (1880-1923), né à Kazanlik, ouvrier et employé, il était une grande figure révolutionnaire : organisateur, orateur et homme d’un caractère particulièrement ferme, puissant, d’un énorme prestige au sein de la classe ouvrière et exerçant une grande influence dans la propagande et la diffusion des idées libertaires dans la région et principalement dans les districts de Kazanlik et de Stara-Zagora. Sa maison fut l’une des plus visitées par les ouvriers et les lycéens de sa ville natale.

Physiquement grand, d’un regard pénétrant, d’une parole et d’une allure calmes, rayonnant de bonté et d’affection dans ses causeries, Darzev attirait la sympathie de tous ceux qui l’abordaient. Fusillé en compagnie de quelques jeunes militants dans les casernes de Yambol, Darzev prononça une allocution émouvante et en chantant éleva sa forte voix que les crépitements de la mitrailleuse étouffaient.

En plus des autres victimes dont il ne nous est même pas possible de citer ici les noms, il y eut une trentaine de recherchés qui réussirent à s’enfuir et à passer en clandestinité. Ils furent déclarés « brigands », en vertu de la « loi contre le banditisme ». C’est dans la montagne et la forêt que le coup d’État du 9 juin 1923, deux mois plus tard, les surprit, en les obligeant à mener un autre combat. Parmi ceux-ci fut l’orateur du meeting, l’ouvrier peintre en bâtiment : Atanas Stoïtchev.

Blessé au meeting, le 26 mars 1923, au moment où il montait à la tribune et s’adressait à la population et aux soldats massés sur la place publique, il porta toute son existence cette blessure, tout en menant la vie dure d’ouvrier peintre en bâtiment. Très estimé par les ouvriers de Yambol, il leur resta attaché et fidèle sous le régime fasciste et sous la dictature bolchevique, qui ne le laissa pas tranquille non plus, jusqu’à la fin de sa vie, le 17 juillet 1979, à l’âge de 80 ans.

Hommage aux victimes des « événements Yambol » de mars 1923.