La participation des libertaires bulgares au mouvement révolutionnaire macédonien induisit une nouvelle conception dans la stratégie de ce mouvement. Considérant que c’étaient tous les capitaux étrangers investis en Turquie qui soutenaient pour leurs propres intérêts l’Empire Turc chancelant, les libertaires estimaient que l’objet principal de la terreur révolutionnaire devrait être notamment ces capitaux afin de saper leur sécurité dans le pays et affaiblir ainsi le pouvoir de l’occupant.
C’est dans ce but que furent préparés les attentats à Istanbul et à Salonique contre la banque ottomane et d’autres entreprises à base de capitaux étrangers.
Les terroristes de Salonique, jeunes libertaires macédoniens devenus célèbres, constituant un groupe compact, un bloc humain, ne sauraient être présentés séparément, individuellement, sans diminuer leur ensemble, d’autant plus que, par leur propre choix et leur décision commune de se sacrifier, ils n’ont pas laissé beaucoup de renseignements sur leur vie personnelle, ni de portraits individuels. Tous, une quinzaine environ, croyaient que quelques actes terroristes spectaculaires suffiraient pour attirer l’attention du monde sur le sort pénible de la population macédonienne opprimée par les Turcs.
Organisés par Merdjanov et instruits également par Mandjoukov, ils décidèrent d’appliquer résolument la nouvelle stratégie et tactique que le principal leader du mouvement macédonien, Gorsé Deltchev, accepta lui aussi.
Le premier objectif des attentats devait être la banque ottomane d’Istanbul. De la préparation de cet acte se chargèrent Mandjoukov et Merdjanov. La réalisation du plan des attentats de Salonique élaboré en commun revenait au groupe macédonien de cette ville. Les conjurés qui creusèrent le tunnel sous la banque ottomane et préparaient longtemps leur acte avaient décidé librement et volontairement de périr avec leur œuvre, à laquelle, devenant eux-mêmes leurs propres victimes, ils estimaient donner un poids plus important, plus spectaculaire et en même temps moral...
Une littérature volumineuse est consacrée à ces attentats. Les Yougoslaves leur dédièrent même un film assez objectif. C’est pour cette raison que nous nous abstenons ici des détails que les lecteurs intéressés trouveraient facilement. (Ils peuvent consulter, entre autres, notre ouvrage déjà indiqué : Libération nationale et révolution sociale.)
Nous ne ferons à cet endroit que la brève présentation de quelques-uns des conjurés de Salonique, connus sous l’appellation commune de « Guimidjii ».
Jordan Popjordanoc (« Ortzeto ») (1881-1903)
Figure centrale, membre le plus conséquent du groupe. Né en 1881 à Vélès, comme la plupart des conjurés, il fit ses études primaires dans sa ville natale et les secondaires au lycée bulgare de Salonique. « Ortzeto » (diminutif de Jordan) participa, d’abord, pour se familiariser avec les travaux, au creusement du tunnel sous la banque ottomane d’Istanbul et. ensuite, à celui de Salonique.
Il se rendit à Genève pour recevoir une somme importante destinée au financement des travaux de préparation et de réalisation des attentats. Afin d’assurer le remboursement de cette somme, il prit une assurance à vie. C’est lui-même qui fit sauter la banque en avril 1903. Mais, avant de mettre à feu les explosifs, il accourut chez le directeur de la banque habitant le même immeuble et le prévint de se sauver.
Après avoir accompli sa tâche, il retourna à sa maison, ouvrit le feu pour provoquer l’armée au combat, jeta toutes ses bombes et, lorsqu’il ne lui resta plus de munitions, il sortit au balcon, s’exposant aux balles qui criblèrent son corps.
Cette bravoure impressionna tous ses adversaires et l’officier commandant le détachement militaire ordonna aux soldats de rendre hommage à son suprême et surhumain sacrifice !
Konstantin Ivanov Kirkov (1882-1905)
Le plus proche ami d’« Ortzeto », le plus jeune, le plus intelligent et particulièrement beau garçon. Il avait participé aussi aux travaux du tunnel sous la banque ottomane d’Istanbul et à celui de Salonique. Il périt le premier, après une tentative échouée de faire sauter la gare ouest-européenne, propriété étrangère.
Dimiter Ivanov Metchev (1870-1903)
L’un des plus âgés des « bateliers », ancien mineur, qui avait travaillé auparavant à la mine de charbon de Pernik (en Bulgarie). Anarchiste bien formé et ancien combattant de l’organisation révolutionnaire macédonienne. Il joua un rôle de premier ordre par ses connaissances techniques. Il périt également dans les combats.
Vladimir Pingov (1863-1903)
Ilia Tritchkov (1884-1903)
Marko Bochnakov, mort en déportation en 1908, Gotsé Ichanev, collaborateur des terroristes, Dimiter Kotchanov, Georges Boganov, Milan Arsov, mort de tuberculose en déportation, en l908, etc., etc. Un seul est resté vivant et revenu de la déportation en Afrique, Pavel Chatev, mort après avoir connu les prisons de Tito.