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Todor Baklarov (1899-1969)

mercredi 24 janvier 2024, par Georges Balkanski (CC by-nc-sa)

Un cas particulier, unique par ses dimensions, dans le mouvement libertaire bulgare. Si de terroriste, au début, Georges Cheïtanov, finit son évolution spirituelle par sous-estimer, sinon par réfuter catégoriquement le terrorisme en tant que moyen de rapprochement vers la transformation radicale de la société, en le remplaçant par une vaste activité sociale des masses populaires (et non par seulement ouvrières), l’unique voie aboutissant à l’entière libération sociale, ce fut le résultat des profondes réflexions dans la recherche de l’efficacité. Todor Baklarov, mieux connu sous le pseudonyme de Seliakov et plus tard sous le nom de Mikhaltchev, le nom de son père, termina la même évolution, en devenant pacifiste extrême, sans renoncer à l’anarchisme comme philosophie et idéal social, pour des raisons strictement morales [*].

Cette évolution extraordinaire de Todor Baklarov lui acquit la place d’un grand combattant international pour la paix, avec le rôle qu’il joua, en tant qu’organisateur d’un important mouvement pour la réalisation de ce but, devenu le sens et l’idéal de sa vie.

Todor Baklarov

En même temps, par sa vie personnelle, par l’accumulation d’une vaste culture et par l’acquisition d’une haute perfection morale, Baklarov présente un exemple particulièrement instructif et convainquant pour les possibilités de la ferme volonté humaine.

Né le 21 avril 1899 au petit village asiatique de Eski-Foché, prés de Smyrne (Turquie), où son père, Mikhaïl Baklarov, s’était réfugié, venant de Gorno-Dérékeuy (actuellement Momtchilovti) dans les Rhodopes (Bulgarie) et travaillait comme petit artisan-tailleur.

Todor fit ses études primaires jusqu’à l’âge de 12 ans dans une école grecque et apprit le grec moderne. Et, par la fréquentation des enfants turcs, apprit aussi la langue turque parlée.

En 1911, les parents de Todor retournèrent en Bulgarie, mais, au lieu d’aller à leur village d’origine, intégré déjà à la Turquie, ils s’installèrent à Gabarévo, district de Kazanlik.

Todor s’inscrivit, en 1915, à l’Ecole Normale de Kazanlik et c’est là qu’il adhéra à l’anarchisme.

Pendant la Première Guerre mondiale, il fut appelé à la caserne pour faire son service militaire. Après l’armistice, il fut libéré pour continuer ses études. La guerre, avec ses horreurs, l’avait profondément impressionné et dégoûté. Lorsqu’il fut de nouveau appelé, en 1920, pour terminer son service militaire, il s’y refusa et passa à la clandestinité en rejoignant les anarchistes terroristes.

Après quatre années de vie illégale, il tomba entre les mains de la police et fut incarcéré pendant quatorze mois. Mais, aidé par ses camarades de clandestinité, il réussit à s’évader et prit de nouveau les chemins de la vie illégale.

Il lit beaucoup et participa activement à la propagande anarchiste écrite. Ses articles étaient très appréciés certains furent même réédités plus tard en brochures (sur le syndicalisme, par exemple).

Lors d’une poursuite par la police, il sauta du train et, en tombant, perdit un œil.

Son évolution vers le pacifisme débuta en 1924. La même année, il se réfugia en France où il travailla dans le bâtiment jusqu’en 1927. Après avoir appris le français, il voulut apprendre aussi l’anglais. Pour cette raison, il réémigra en Angleterre et s’installa dans les environs de Londres, dans une colonie de pacifistes où il s’occupa de jardinage.

Avide d’apprendre plusieurs langues, Baklarov réémigra de nouveau en Allemagne avant l’instauration du nazisme. C’est là qu’il passa de longues années, avant, pendant et après la guerre, gagnant sa vie comme photographe et donnant des leçons d’anglais et de français.

Pendant toute cette période, il maintint des relations régulières avec les milieux pacifistes clans le monde entier, voyagea beaucoup, toujours en bicyclette et visita presque tous les pays européens. Il fit ainsi connaissance de divers peuples et de leurs langues. Il ne manqua pas également de correspondre avec ses amis de Bulgarie et collabora de temps en temps aux journaux bulgares par ses notes de voyage.

Pendant son long séjour en Allemagne, Baklarov trouva le temps d’étudier la philosophie et finit par la préparation et le soutien à l’université d’une thèse de doctorat, en anglais, sur la philosophie de Godwin. A la même époque, il écrivit et publia plusieurs ouvrages en allemand et en anglais et devint mondialement célèbre.

Il fonda à Hambourg une section allemande de l’internationale pacifiste qui se développa et grandit énormément pendant la période d’après-guerre. Rentré en Bulgarie, après plus de quarante ans d’exil, il se fit construire une maison dans le village de Gabarevo qui, selon son testament, fut transformée en jardin d’enfants après sa mort, le 29 avril 1968.


[*L’auteur dispose d’une complète biographie inédite de ce militant pacifiste, où cette évolution spirituelle est largement décrite et justifiée par lui-même. Et bien que nous ne soyons pas entièrement d’accord avec ses conclusions, nous reconnaissons que les raisonnements réfutant la violence révolutionnaire présentent un grand intérêt. Espérons que les moyens financiers et le temps indispensables pour la préparation et la publication de cette biographie ne nous manqueront pas prochainement (elle comprend 127 pages dactylographiées, avec quelques annexes).