Les anarchistes sont célèbres pour leurs désaccords, et en l’absence de chefs et de fonctionnaires, de hiérarchies et d’orthodoxies, de punitions et de récompenses, de politiques et de programmes, il est normal que des gens dont le principe de base est le refus d’autorité tendent perpétuellement à, diverger d’opinion. Néanmoins, il y a plusieurs types bien établis d’anarchismes parmi lesquels la plupart des anarchistes ont choisi celui qui exprime le mieux leurs vues personnelles.
L’anarchisme philosophique
A l’origine, l’anarchisme était ce qu’on appelle maintenant l’anarchisme philosophique. C’est l’idée qu’une société sans gouvernement est belle, mais pas vraiment désirable, ou plutôt désirable, mais pas vraiment possible, du moins pas encore. Une telle attitude domine dans tous les écrits anarchistes d’avant 1840, et cela a empêché les mouvements populaires anarchiques de devenir une menace plus sérieuse pour les gouvernements. C’est une attitude que l’on trouve encore chez ceux qui se disent anarchistes mais restent à l’écart de tout mouvement organisé, et aussi chez quelques personnes au sein du mouvement anarchiste. Très souvent, cela semble être une attitude inconsciente de croire que l’anarchisme, comme le Royaume de Dieu, est en vous. Cela se révèle tôt ou tard par des phrases comme : « Bien sûr, je suis anarchiste, mais... »
Les anarchistes militants ont tendance à dédaigner les anarchistes philosophiques, et c’est compréhensible, bien que regrettable. Tant que l’anarchisme reste un mouvement minoritaire, un sentiment d’ensemble favorable aux idées anarchistes, même vague, crée un climat qui fait que l’on écoute la propagande et que le mouvement peut se développer. D’un autre côté, l’adhésion à l’anarchisme philosophique peut aller à l’encontre d’une appréciation de l’anarchisme véritable ; mais c’est au moins préférable à l’indifférence totale. Comme les anarchistes philosophiques, il y a beaucoup de gens proches de nous qui refusent l’étiquette d’anarchistes, et d’autres qui refusent toute étiquette. Eux tous ont un rôle à jouer, ne serait-ce que pour fournir une audience favorable et pour travailler à la liberté dans leur vie privée.
Individualisme, égoïsme, courant libertaire
Le premier type d’anarchisme qui fut plus que simplement philosophique fut l’individualisme. C’est l’idée que la société n’est pas un organisme mais une collection d’individualités autonomes, qui n’ont aucune obligation envers la société mais seulement les unes envers les autres. Cette optique existait bien avant qu’il y ait quoi que ce soit comme l’anarchisme, et elle a continué d’exister indépendamment de lui. Mais l’individualisme tend toujours à supposer que les individus qui forment la société doivent être libres et égaux, et qu’ils peuvent le devenir seulement par un effort personnel et non par l’action d’institutions extérieures ; et tout développement de cette attitude tend évidemment à faire passer l’individualisme pur vers l’anarchisme vrai.
La première personne à élaborer une théorie clairement anarchiste fut un individualiste : William Godwin, dans An Enquiry concerning Political Justice (Recherche sur la justice politique), 1793. En réaction contre les partisans et les adversaires de la Révolution française, il postula une société sans gouvernement et avec le minimum d’organisation possible, dans laquelle les individus souverains devraient se garder de toute forme d’association permanente ; malgré de nombreuses variantes, c’est encore la base de l’anarchisme individualiste. C’est l’anarchisme des intellectuels, des artistes et des non-conformistes, des gens qui travaillent seuls et préfèrent rester à l’écart. Depuis l’époque de Godwin, il en a séduit plusieurs, en Angleterre et en Amérique du Nord, par exemple des personnalités comme Shelley et Wilde, Emerson et Thoreau, Augustus John et Herbert Read. Ils peuvent se donner une autre étiquette, mais on sent toujours l’individualisme chez eux.
Cela nous égare peut-être un peu de limiter l’individualisme à une sorte d’anarchisme ; l’individualisme a eu une influence profonde sur tout le mouvement anarchiste, et si on observe les anarchistes on voit que c’est encore une partie essentielle de leur idéologie, ou du moins de leur motivation. Les individualistes sont, pourrait-on dire, les anarchistes de base, qui souhaitent simplement détruire l’autorité et ne voient pas la nécessité de mettre quoi que ce soit à la place. C’est un point de vue valable jusqu’à un certain point, mais il ne va pas assez loin pour affronter les problèmes réels de la société, qui a sûrement plus besoin d’action sociale que personnelle. Seuls, nous pouvons nous sauver nous-mêmes, mais nous ne pouvons rien pour les autres.
Une forme plus extrême de l’individualisme est l’égoïsme, surtout sous la forme exprimée par Max Stirner dans Der Einzige und sein Eigentum (L’Unique et sa propriété), 1845. Comme Marx ou Freud, il est difficile d’interpréter Stirner sans irriter ses disciples, mais on peut quand même dire que son égoïsme diffère de l’individualisme en général, parce qu’il rejette des abstractions telles que la moralité, la justice, l’obligation, la raison, le devoir, au profit d’une reconnaissance intuitive de l’existence unique de chaque individu. Il refuse évidemment l’État, mais il refuse également la société et tend vers le nihilisme (l’idée que rien n’a d’importance) et le solipsisme (l’idée que seul soi-même existe). Ceci est de toute évidence anarchiste, mais de façon plutôt improductive puisque toute forme d’organisation visant au-delà d’une éphémère « union d’égoïstes » est considérée comme la source d’une nouvelle oppression. C’est l’anarchisme des poètes et des vagabonds, de ceux qui veulent une solution absolue et refusent tout compromis. C’est l’anarchie ici et maintenant, sinon dans le monde, du moins dans notre propre vie.
Une tendance plus modérée qui dérive de l’individualisme est le courant libertaire. Dans son sens le plus simple, cela signifie que la liberté est une bonne chose ; dans un sens plus strict, c’est l’idée que la liberté est le but politique le plus important. Ainsi le « libertarisme » n’est pas tant un type spécifique d’anarchisme qu’une forme tempérée de celui-ci, un premier pas. On emploie parfois ce dernier comme synonyme ou euphémisme pour l’anarchisme en général, lorsqu’il y a quelque raison d’éviter un mot trop lourd d’émotivité ; mais plus souvent il signifie la reconnaissance d’idées anarchistes dans un domaine particulier, sans que cela implique l’acceptation complète de l’anarchisme. Les individualistes sont libertaires par définition, mais les socialistes libertaires ou les communistes libertaires sont ceux qui apportent au socialisme ou au communisme la reconnaissance de la valeur essentielle de l’individu.
Mutualisme et fédéralisme
Le type d’anarchisme qui apparaît quand des individualistes mettent leurs idées en pratique est le mutuellisme. C’est l’idée nue, au lieu de s’en remettre à l’État, la société devrait être organisée par des individus qui concluraient entre eux des accords volontaires sur une base d’égalité et de réciprocité, Le mutuellisme est un aspect de toute association qui est plus qu’instinctive et moins qu’officielle, et il n’est pas nécessairement anarchiste ; mais il a été historiquement important pour le développement de l’anarchisme, et presque toutes les propositions anarchistes visant à la réorganisation de la société ont été essentiellement mutuellistes.
Le premier qui se nomma délibérément anarchiste était mutuelliste : Pierre-Joseph Proudhon, dans Qu’est-ce que la propriété, 1840. En réaction contre les socialistes utopiques et révolutionnaires du XIXe siècle, il postula une société composée de groupes coopératifs d’individus libres, échangeant les produits indispensables à la vie sur la base de la valeur du travail, et permettant le crédit gratuit grâce à une Banque du peuple. C’est l’anarchisme des artisans, des petits propriétaires et petits commerçants, de ceux qui exercent des professions libérales et des spécialistes, des gens qui tiennent à leur indépendance. Malgré ses contradicteurs, Proudhon eut de nombreux disciples, surtout parmi les ouvriers qualifiés et les petits bourgeois, et son influence fut considérable en France pendant la deuxième moitié du XIXe siècle ; le mutuellisme eut aussi un attrait particulier en Amérique du Nord. Il fut repris plus tard par des gens qui voulaient instaurer une réforme monétaire ou des communautés autonomes mesures qui promettent des résultats rapides mais qui ne changent pas la structure fondamentale de la société. C’est un point de vue valable jusqu’à un certain point, mais il ne va pas assez loin pour traiter des problèmes de l’industrie et du capital, du système de classes qui les domine ni — par-dessus tout — de l’État.
Le mutuellisme est bien sûr le principe du mouvement coopératif, mais les sociétés coopératives suivent des règles plutôt démocratiques qu’anarchistes. Une société organisée selon le principe de l’anarchisme mutuelliste serait une société dans laquelle les activités communales seraient aux mains de sociétés coopératives sans directeurs permanents ni administrateurs élus. Le mutuellisme économique peut ainsi être considéré comme un coopératisme moins la bureaucratie, ou un capitalisme moins le profit.
Sur le plan géographique plutôt qu’économique, le mutuellisme devient le fédéralisme. C’est l’idée que la société, dans un sens plus large que la communauté locale, devrait être coordonnée par un réseau de conseils couvrant de plus grandes zones. Le trait essentiel de l’anarchisme fédéraliste est que les membres de tels conseils seraient délégués sans aucune autorité exécutive, immédiatement révocables, et que les conseils n’auraient aucun pouvoir central mais seulement un simple secrétariat. Proudhon, premier théoricien du mutuellisme, fut aussi le premier théoricien du fédéralisme — dans Du principe fédératif..., 1863 — et ses disciples furent appelés fédéralistes aussi bien que mutuellistes, surtout ceux qui participèrent activement au mouvement ouvrier ; ainsi de ceux qui, au début de la Première Internationale et lors de la Commune de Paris, devancèrent les idées du mouvement anarchiste moderne, la plupart se disaient fédéralistes.
Le fédéralisme n’est pas tant un type d’anarchisme qu’une partie inévitable de l’anarchisme. Virtuellement, tous les anarchistes sont fédéralistes, mais aucun ne se définit comme uniquement fédéraliste. Après tout, le fédéralisme est un principe commun qui n’est d’aucune façon exclusivement anarchiste. Il ne comporte rien d’utopique. Les systèmes internationaux de coordination des chemins de fer, de la navigation, des liaisons aériennes, des services postaux, du télégraphe et du téléphone, la recherche scientifique, les campagnes contre la faim ou contre les sinistres, et beaucoup d’autres activités à l’échelle mondiale sont essentiellement de structure fédéraliste. Les anarchistes ajoutent simplement que de tels systèmes marcheraient tout aussi bien à l’intérieur d’un pays qu’entre différents pays. D’ailleurs, c’est déjà vrai de l’énorme quantité de sociétés, d’associations et d’organisations volontaires de toutes sortes qui tiennent en main la partie des activités sociales qui ne sont pas rentables sur le plan financier ou politique.
Collectivisme, communisme, syndicalisme
Le type d’anarchisme qui va plus loin que l’individualisme ou le mutuellisme et qui comporte une menace directe pour le système de classes et pour l’État est ce que l’on appelait autrefois le collectivisme. C’est l’idée que la société ne pourra être reconstruite que lorsque la classe ouvrière aura pris le contrôle de l’économie par une révolution sociale, aura détruit l’appareil de l’État et réorganisé la production sur la base de la propriété collective contrôlée par les associations de travailleurs. Les instruments de travail seront propriété collective, mais les produits du travail seront distribués selon la formule : « De chacun selon ses moyens à chacun selon son travail. »
Les premiers anarchistes modernes — les bakounistes de la Première Internationale — étaient collectivistes. En réaction contre les mutuellistes et les fédéralistes réformistes ainsi que contre les blanquistes et les marxistes autoritaires, ils revendiquèrent une forme simple d’anarchisme révolutionnaire, l’anarchisme de la lutte de classe et du prolétariat, de l’insurrection en masse des pauvres contre les riches, et le passage immédiat à une société libre et sans classes, sans aucune période transitoire de dictature. C’est l’anarchisme des ouvriers et des paysans qui ont une conscience de classe, des militants du mouvement ouvrier, des socialistes qui veulent la liberté autant que l’égalité.
Ce collectivisme anarchiste ou révolutionnaire ne doit pas être confondu avec le collectivisme autoritaire et réformiste, mieux connu, des sociaux-démocrates — collectivisme fondé sur la propriété collective de l’économie mais aussi sur le contrôle de la production par l’État. En partie à cause du danger de confusion, et en partie parce que c’est ici que les anarchistes et les socialistes se rapprochent le plus, on appellera plus volontiers ce type d’anarchisme socialisme libertaire ; celui-ci comprend non seulement des anarchistes qui sont socialistes mais aussi des socialistes qui penchent vers l’anarchisme sans y adhérer tout à fait.
Le type d’anarchisme qui apparaît dans un collectivisme plus élaboré est le communisme. C’est l’idée qu’il n’est pas suffisant que les moyens de production soient la propriété de tous, mais que les produits du travail doivent aussi être mis en commun et distribués selon la formule : « De chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins. » L’argument communiste est le suivant : tout homme a droit à la pleine valeur de son travail, mais il est impossible de calculer la valeur du travail d’un seul homme, car le travail de chacun est englobé dans le travail de tous, et des travaux différents ont des valeurs différentes. Il vaut donc mieux que l’économie tout entière soit aux mains de la société dans son ensemble, et que le système des salaires et des prix soit aboli.
Les personnalités marquantes du mouvement anarchiste de la fin du XIXe siècle et du début du XXe — comme Kropotkine, Malatesta, Reclus, Grave, Faure, Goldman, Berkman, Rocker, etc. — étaient communistes. Partant du collectivisme, et en réaction contre Marx, ils postulèrent une forme d’anarchisme révolutionnaire plus élaboré — un anarchisme contenant une critique des plus minutieuses de la société actuelle et des propositions pour la société future. C’est l’anarchisme de ceux qui acceptent la lutte de classe mais ont une vision du monde plus large. Si le collectivisme est un anarchisme révolutionnaire axé sur le problème du travail et fondé sur la collectivité des travailleurs, alors le communisme est un anarchisme révolutionnaire axé sur le problème de la vie et fondé sur la commune populaire.
Depuis les années 1870, le principe du communisme est admis par la plupart des organisations anarchistes révolutionnaires. La principale exception a été le mouvement espagnol, qui conserva le principe du collectivisme à cause d’une forte influence bakouninienne ; mais, en fait, ses buts étaient à peine différents de ceux des autres mouvements, et pratiquement le « comunismo libertario » instauré pendant la révolution espagnole de 1936 fut l’exemple le plus marquant de communisme anarchiste dans l’histoire.
Ce communisme anarchiste ou libertaire ne doit évidemment pas être confondu avec le communisme beaucoup mieux connu des marxistes — communisme fondé sur la propriété collective de l’économie et sur le contrôle de l’État sur la production et la distribution, et fondé aussi sur la dictature du Parti. L’origine historique du mouvement anarchiste moderne dans la controverse avec les marxistes pendant la Première et la Deuxième Internationale se reflète dans l’obsession qu’ont les anarchistes du communisme autoritaire, qui s’est renforcée depuis les révolutions russe et espagnole. Le résultat fut que beaucoup d’anarchistes semblent s’être appelés communistes non pas tant par conviction profonde que par désir de lancer un défi aux marxistes sur leur propre terrain et de les discréditer aux yeux de l’opinion publique. On peut soupçonner les anarchistes d’être rarement vraiment communistes, en partie parce qu’ils sont toujours trop individualistes, et aussi parce qu’ils refusent de faire des plans précis pour un avenir qui doit rester libre de s’organiser.
Le type d’anarchisme qui apparaît quand le collectivisme ou le communisme se concentrent exclusivement sur le problème du travail est le syndicalisme. C’est l’idée que la société devrait être basée sur les syndicats considérés comme l’expression de la classe ouvrière, réorganisés de façon à couvrir à la fois les activités et le territoire, et transformés de façon à être entre les mains de la base, de sorte que l’économie entière soit dirigée selon le principe du contrôle ouvrier.
La plupart des collectivistes anarchistes et de nombreux communistes au XIXe siècle étaient implicitement syndicalistes ; c’est particulièrement vrai des anarchistes de la Première Internationale. Mais l’anarcho-syndicalisme ne fut pas explicitement développé avant l’essor du mouvement syndical français à la fin du siècle. Lorsque ce dernier se scinda en sections révolutionnaires et sections réformistes dans les années 1890, les syndicalistes révolutionnaires eurent la majorité et de nombreux anarchistes se joignirent à eux. Quelques-uns, tels Fernand Pelloutier et Emile Pouget, devinrent influents, et le mouvement syndicaliste français, quoique jamais complètement anarchiste, fut une force importante pour l’anarchisme jusqu’à la première guerre mondiale et à la révolution russe. Les organisations anarcho-syndicalistes furent aussi fortes dans les mouvements ouvriers d’Italie et de Russie tout de suite après la première guerre mondiale, et surtout en Espagne jusqu’à la fin de la guerre civile en 1939.
C’est l’anarchisme des éléments les plus militants et les plus conscients dans un mouvement ouvrier puissant. Mais le syndicalisme n’est pas nécessairement anarchiste ni même révolutionnaire ; dans la pratique, les anarcho-syndicalistes ont eu tendance à devenir autoritaires, ou réformistes, ou les deux à la fois, et il s’est révélé difficile de maintenir un équilibre entre les principes libertaires et les pressions de la lutte quotidienne pour obtenir un salaire et des conditions de travail meilleures. Ceci n’est pas tant un argument contre les anarcho-syndicalistes que le signe du danger qui les menace constamment. L’argument véritable contre l’anarcho-syndicalisme et le syndicalisme en général, c’est qu’il accentue à l’excès l’importance du travail et le rôle de la classe ouvrière. Le système de classes est un problème politique crucial, mais la lutte des classes n’est pas la seule activité politique pour les anarchistes. Le syndicalisme est acceptable lorsqu’on le considère comme un aspect de l’anarchisme, non lorsqu’il en dissimule tous les autres aspects. C’est un point de vue valable jusqu’à un certain point, mais il ne va pas assez loin pour traiter des problèmes de la vie en dehors du travail.
Des différences minimes
Reconnaissons que les différences entre les types d’anarchisme se sont estompées ces dernières années. A l’exception des sectaires, la plupart des anarchistes ont tendance à considérer les vieilles distinctions comme plus apparentes que réelles — comme des différences artificielles d’accentuation, même de vocabulaire, plutôt que comme de sérieuses différences de principe. Il vaudrait mieux en fait les considérer non pas comme des anarchismes différents, mais comme des aspects différents de l’anarchisme, et cela en fonction de l’orientation de nos intérêts personnels.
Ainsi, dans notre vie privée nous sommes individualistes, ayant nos propres occupations et choisissant nos compagnons et amis pour des raisons personnelles ; dans notre vie sociale nous sommes mutuellistes concluant librement des accords entre nous, donnant ce que nous avons et recevant ce dont nous manquons par des échanges égalitaires ; dans notre travail nous serions pratiquement collectivistes, nous joignant à nos collègues pour produire les biens communs — et dans l’organisation du travail nous serions syndicalistes, nous joignant à nos collègues pour décider comment le travail doit être fait ; dans notre vie politique nous serions plutôt communistes, nous alliant à nos voisins pour décider comment la communauté doit être organisée. C’est bien sûr un schéma, mais il exprime assez bien ce que les anarchistes pensent aujourd’hui.