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L’Ami du Peuple n°10, 10 août 1793 : « Plan de taxation »

lundi 17 juin 2019, par Partage Noir (CC by-nc-sa)

La disette factice de farines et de subsistances est actuellement plus que jamais à l’ordre du jour ; des scélérats ont juré d’opérer la contre-révolution par la famine ; et pour cet effet, il n’est pas de moyens qu’ils ne mettent en usage afin de fatiguer le peuple et inspirer un mécontentement général.

Le peuple, patient et bon, supporte avec constance et courage le poids des calamités publiques ; sait discerner ses persécuteurs (...). Tant qu’on ne remontera pas à la source du mal et qu’on ne rendra que des lois de circonstances, on ne remédiera pas à ces énormes abus ; il faut une loi générale, et je vais en donner le projet ; mais auparavant, émettons quelques principes très simples, qui par leur série naturelle, nous amèneront à cette loi, qui n’en est qu’une conséquence.

Tous les hommes ont un droit égal aux subsistances et à toutes les productions de la terre, qui lui sont d’une indispensable nécessité pour assurer son existence.

Le cultivateur devient coupable toutes les fois qu’il entasse dans ses greniers, pour mettre à son gré les consommateurs à contribution, une quantité de blé plus forte que celle qui lui est nécessaire pour sa consommation annuelle.

Il est ridicule, il est horrible même, d’entendre dans un pays qui produit année commune, du grain assez abondamment pour nourrir ses habitants pendant trois années consécutives, crier à la famine ; et de voir dans certaines parties de la République, les grains portés à quatre ou cinq fois leur valeur.

La disette que nous éprouvons dans ce moment-ci est donc purement factice ; elle est la suite des spéculations des conspirateurs ; elle est l’effet de leurs coupables manœuvres.

Les superbes apparences de la récolte de 1793 nous promettent l’abondance ; et cependant les contre-révolutionnaires n’abandonnent pas pour cela leurs exécrables projets de famine.

Pour faire cesser la lutte du besoin contre l’avarice et l’aristocratie, et prévenir les desseins perfides des accapareurs, la Convention nationale doit porter la loi suivante :

La République française se déclare l’acquéreur de tous les grains qui croissent sur son territoire ; nul dorénavant ne pourra vendre qu’à l’État ces objets de première nécessité.

Cette loi n’est pas si difficile dans l’exécution qu’on se l’imagine peut-être, chaque département, chaque district, chaque municipalité, peut en vertu des décrets du corps législatif, l’exécuter dans son arrondissement. L’on sait ce qu’il faut pour la consommation de telle quantité de citoyens, telle partie de la République qui produit des grains au-delà de ce qu’il faut pour nourrir ses habitants, en fournira à celle qui n’en produit, pas assez ; le surplus en sera conservé dans les greniers d’abondance qu’on établira dans les maisons nationales non vendues.

Le prix d’achat sera fixé par la Convention nationale et l’État les revendra aux particuliers à un prix auquel tout le monde puisse atteindre.

La République ne les fait pas payer aux indigents ; la société doit leur assurer l’existence, et afin de ne pas supporter l’excédent de ces dépenses exorbitantes, elle retranche du luxe des opulents ce qui est nécessaire pour assurer aux malheureux les premiers besoins de la vie ; car un État est près de sa ruine toutes les fois qu’on y voit l’extrême indigence assise à côté de l’extrême opulence.

Je ne donnerai pas plus de latitude à ce projet de loi salutaire. Il n’est pas un homme de bonne foi qui n’en sente la nécessité. Il n’est pas un malheureux qui ne verse des larmes de reconnaissance pour les législateurs qui lui en assureront le bienfait.

C’est aux sections de Paris, c’est aux commissaires des départements que j’en recommande l’examen. C’est à la masse du peuple à se porter a la barre de la Convention nationale, pour en faire la demande. C’est aux législateurs à mériter les bénédictions des Français. Qu’ils sont heureux de posséder les moyens d’assurer le bonheur des Français, et qu’il leur est facile d’acquérir dos droits éternels à la reconnaissance publique.


L’Ami du Peuple n°14, 23 août 1793 : « La violence populaire »   L’Ami du Peuple n°7, 4 août 1793 : « Aux femmes révolutionnaires »