Durant la deuxième révolution, l’attitude des anarchistes fut diverse selon les lieux et les personnes.
Certains, estimant que le bolchevisme était l’instrument le plus efficace pour permettre la création d’une société communiste, collaborèrent avec Béla Kun. Les autres, se tinrent dans l’expectative ou entrèrent en lutte avec le nouveau Gouvernement.
Ottó Korvin devint le chef de la police politique. A ce titre, il facilita beaucoup le développement du mouvement anarchiste. Il établit le siège du groupe libertaire hongrois à l’Hôtel Almassy réquisitionné. Il soutint financièrement le journal de Krausz ; fit remettre en liberté Kogan et Bojtor, qui avaient été quelque peu inquiétés. Après la chute de la dictature il fut appréhendé par les troupes blanches. Pour qu’il dévoila la retraite de ses amis on le tortura d’une manière atroce, lui brûlant le sexe avec un fer rouge. Il ne dit rien. On le pendit.
Le professeur Varjas, l’un des maîtres de la psychologie moderne, s’efforça de diriger le communisme hongrois dans un sens toujours plus libertaire. Arrêté par les soldats d’Horthy, il se vit condamné à 13 ans de travaux forcés. Lord Russel, désireux d’engager Varjas comme professeur de philosophie à Cambridge, écrivit alors au ministre de la Justice Magyar pour réclamer sa libération que l’on refusa. En 1920, Varjas fut échangé contre des officiers hongrois prisonniers des Russes. Il reçut une chaire à la Faculté de Moscou.
L’esthéticien Georges Lukács, qui fit pendant la guerre et la république une intense propagande parmi les ouvriers, put s’enfuir. Il est maintenant professeur à Gottingen.
Un économiste de haute valeur Eugène Varga, put de même s’enfuir à Berlin. Il fut attaché en qualité de conseiller technique à l’ambassade soviétique dans cette ville.
Karl Krausz, pendant la Commune, fit reparaître sous le titre de Révolution Sociale (Farsadal mi Torradalom), le journal de Batthyany. Il fut aidé dans sa tâche par Kogan.
Kogan était un avocat roumain, au tempérament expansif, à l’esprit sans cesse en éveil. Il travailla en collaboration avec le parti bolcheviste tant que celui-ci lutta contre le régime social-démocrate. Du jour où Kun prit le pouvoir et institua la dictature du prolétariat, il s’unit aux anarchistes pour fomenter une opposition. Kun le fit arrêter en même temps que Bojtor. Korvin exigea son immédiat élargissement.
Kogan s’attaqua alors aux autorités françaises. Le général Wyx avait été envoyé par Clemenceau en Hongrie, comme Nollet en Allemagne, pour contrôler le désarmement. Tous le craignaient, même et surtout les bolchevistes qui redoutaient avec raison des complications diplomatiques.
Kogan se révolta contre Wyx. Accompagné de 12 anarchistes de ses amis, il pénétra, en plein jour, dans une caserne occupée par un régiment de tirailleurs sénégalais. Il s’empara des fusils et mitrailleuses qui se trouvaient réunis-la, les chargea dans des camions et s’enfuit, sans être inquiété par les noirs, qui devant son audace tranquille, s’imaginaient que Kogan était soutenu par l’armée révolutionnaire et qu’il n’était qu’un délégué.
Après l’entrée des blancs à Budapest, Kogan gagna Vienne où il vécut plusieurs mois d’expédients. Il partit ensuite en Russie, fomenta un soulèvement contre les bolchevistes, fut arrêté et emmené en Sibérie. Une note, parue sous toute réserve dans le Libertaire, annonça à ses amis parisiens qu’il avait été finalement fusillé.