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La Révolte et Temps Nouveaux, 1929

In memoriam Tibor Szamuely (1892-1919) [02]

mardi 12 mai 2020, par Achille Dauphin-Meunier (autre)

Au Conseil des ouvriers, à Budapest, le soir du 2 mai 1919, Béla Kun et les principaux commissaires et fonctionnaires syndicaux se lamentaient. Les nouvelles étaient désastreuses : La République soviétique de Bavière s’écroulait et le théoricien anarchiste Landauer était assassiné près de Munich ; les Russes étaient retenus loin des Carpathes tandis que Tchèques et Roumains se trouvaient à 100 kilomètres de Budapest ; les 1re et 5e divisions de l’armée rouge hongroise étaient revenues saoules du nord de la Tisza et avaient dû être désarmées. Kun parlait de se rendre et pleurait à chaudes larmes ; les moins lâches de ses acolytes proposaient de fuir, en bon ordre, en Autriche, à travers la forêt de Bakony. Virtuellement, le régime prolétarien n’existait plus. — Soudain, Szamuely entra. On le mit vite au courant de la situation. Alors, il jeta un coup d’œil circulaire sur les commissaires apeurés, gémissants, et sortant son revolver : Je brûle la cervelle, prononça-t-il, au premier d’entre vous qui parle de se rendre. Vous ne sortirez pas d’ici avant d’avoir, par écrit, pris l’engagement de partir immédiatement sur le front à la tête des milices syndicales. Et s’il vous faut périr que ce soit devant l’ennemi et non ici. Malheur aux pleutres ! Le matin, à l’aube, l’armée rouge s’ébranlait. Quelques jours après, dans un élan fougueux, elle chassait les Tchèques de Szolnok et de Miskolc, les coupait des Roumains, libérait la Haute-Hongrie. Le 16 juin, à Eperjes, on proclamait la République des Conseils slovaques ; la Hongrie révolutionnaire se croyait sauvée.

Pas pour longtemps. Kun se chargea de ruiner l’œuvre de Szamuely : Sur un simple avis de Foch et Clemenceau, il abandonna la Slovaquie aux réactionnaires tchèques, ordonna le repli de l’armée rouge. Le 24 juin, comme des artilleurs conduit par des officiers royalistes se révoltaient à Budapest, il parla à nouveau de se rendre. Avec le concours des ouvriers d’usines, sans effusion de sang, Szamuely fit avorter l’échauffourée. Au Congrès national des Conseils qui s’était ouvert dix jours plus tôt (et où il fut sans cesse en butte aux accusations sournoises de Kun) Szamuely avait présenté les délégués des Conseils d’ouvriers d’Ukraine qui venaient proposer une alliance offensive et défensive. Subrepticement, — et, 10 ans après le drame, on ignore encore les mobiles de ce meurtre — Kun les fit fusiller sans jugement.


In memoriam Tibor Szamuely (1892-1919) [01]   In memoriam Tibor Szamuely (1892-1919) [03]