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La Révolte et Temps Nouveaux, 1929

In memoriam Tibor Szamuely (1892-1919) [03]

mercredi 13 mai 2020, par Achille Dauphin-Meunier (autre)

Alors commença l’agonie. Tandis que, selon la pittoresque expression de M. Auerbach, Kun contrefaisait Robespierre, Szamuely dut faire face sur tous les fronts : repousser les envahisseurs, mâter les réactionnaires, approvisionner les armées, veiller à la marche des usines, développer l’instruction publique, satisfaire aux réclamations multiples des syndicats agricoles. Simultanément, il fut commissaire-adjoint à la guerre, commissaire à l’Instruction publique, commandant de la flottille de monitors, chargé de missions auprès des paysans. Il était le moteur de la résistance. Mais il était isolé,abandonné, trahi des siens. Kun contrecarrait ses plans, paralysait la défense par son inexplicable faiblesse devant l’Entente ; Boehm, généralissime des milices rouges, se disait malade et sollicitait une mission à l’étranger ; Stromfeld, chef de l’État-major, démissionnait ; des commissaires, comme Agoston, se rendaient en cachette sur la frontière à Kiralyhida, pour négocier leur reddition aux Alliés. Tous profitèrent d’une absence de Szamuely pour capituler. Il était en tournée d’inspection dans le comitat d’Oedenhurg quand, le 31 juillet, au Conseil des Ouvriers, Kun annonça qu’il abandonnait la partie. Le lendemain, Kun se réfugiait en Autriche, au château de Karlstein, sur la Thaha.

Szamuely, le 2 août, apprit brusquement la reddition de ses « amis » et l’avance des Alliés sur Budapest. Il se rendit aussitôt chez le président du Conseil d’ouvriers et paysans de Savanyukut pour obtenir confirmation de ces nouvelles. Sur les instances de cet homme, il se dirigea vers l’Autriche sous la conduite d’un marchand de bestiaux, Barna. Celui-ci l’abandonna en route et prévint de la marche de Szamuely le chef d’un détachement de terroristes blancs qui rôdaient dans les environs, Zoltan Sumgi. On se lança à sa poursuite. Pourtant, Szamuely eut le temps de pénétrer en Autriche et d’atteindre Lichtenworth, faubourg de Wiener-Neustadt. C’est là que ses ennemis le rejoignirent. Avec la complicité du chef de police-frontière autrichien, ils lui brisèrent le crâne et lui défoncèrent la poitrine avec la crosse de leurs carabines. Les policiers autrichiens déposèrent le cadavre à l’hôpital de Wiener-Neustadt et, pour se disculper, affirmèrent dans une version officielle que Szamuely, arrêté, s’était tiré une balle de revolver dans la poitrine. De nuit, on transporta le corps au poste-frontière hongrois. Les paysans magyards, suggestionnés par la légende du « tortionnaire », déterrèrent le corps enseveli dans le cimetière de leur village et en coupèrent les membres qu’ils dispersèrent à travers champs...

La Commune hongroise avait vécu.


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