Il nous faut indiquer, en passant, que quoiqu’on ait prétendu, le Père Peinard, devenu l’Éminence grise de la CGT n’a jamais varié dans ses opinions et dans sa manière de concevoir la lutte. Nous l’avons montré jeune homme et employé, fondant l’un des premiers syndicats. Disons maintenant qu’en pleine terreur anarchiste, il préconisait, comme aujourd’hui, l’entrée des révolutionnaires dans les syndicats.
Voici ce qu’il écrivait dans le Père Peinard en 1894 :
Un endroit, où il y a de la riche besogne, pour les camaros à la redresse, c’est à la Chambre syndicale de leur corporation. Là on ne peut leur chercher pouille : les Syndicales sont encore permises ; elles ne sont pas, – à l’instar des groupes anarchos – considérées comme étant des associations de malfaiteurs.
Qu’un copain essaie, qu’il adhère à sa Syndicale, qu’il ne brusque pas le mouvement, qu’au lieu de vouloir ingurgiter tout de go ses idées aux camarades, il y aille en douceur et prenne pour tactique, chaque fois qu’un ambitieux viendra bavasser élections municipales, législatives ou autres saloperies, de dire en quatre mots :La Syndicale a pour but de faire la guerre aux patrons et non de s’occuper de politique.S’il est assez finaud pour ne pas prêter le flanc aux mensonges des aspirants bouffe-galette qui ne manqueront pas d’en baver pis que pendre sur son compte, il se verra vivement écouté.
On le voit, le Pouget de 1894 tenait, sous une forme un peu différente, il est vrai, et moins précise que celle qu’il a adoptée aujourd’hui, le même langage.
Il disait encore :
S’il y a un groupement où les anarchos doivent se fourrer, c’est évidemment la chambre syndicale... Les grosses légumes feraient une sale trompette si les anarchistes, qu’ils se figurent avoir muselés, profitaient de la circonstance pour s’infiltrer en peinards dans les syndicats et y répandaient leurs idées sans bruyance, ni flaflas.
Ajoutons que Pouget est un des premiers qui aient parlé de sabotage ; il a employé ce mot dans le Père Peinard de 1895. Il l’a repris ensuite et en a donné l’explication dans un rapport présenté au congrès de Toulouse en 1897.
Donc, Émile Pouget a toujours été partisan de la pénétration des syndicats. Ce qu’il disait en 94, il l’a redit depuis dans tous les journaux où il a écrit, dans la Sociale, dans le journal du Peuple. Et si les révolutionnaires ont enfin compris quels bénéfices ils pouvaient tirer des groupements corporatifs, si le syndicalisme a pris tant d’extension depuis quelques années, on le devra beaucoup à Pouget.