Le hasard d’une rencontre, en dehors des aspirations qui se faisaient jour chez le jeune Pouget, décida de l’orientation de sa vie entière. Dès ses premières années à Paris, il fut mis en relation avec un vieux militant, le père Digeon. Émile Digeon était l’un de ces communards de Narbonne qui fut acquitté et que Pouget, enfant, avait vu jugé. Ce vieux démocrate eut une influence décisive sur le jeune militant qui, bientôt, le dépassa.
Il n’y avait, à ce moment, qu’un faible mouvement révolutionnaire. Après l’horrible saignée de la Commune et les déportations, le monde ouvrier vécut quelques années dans la stupeur et le silence. Mais, à partir de l’amnistie de 1881, au retour des gens de la Commune, le mouvement prit un essor soudain. La pensée d’une revanche possible et nécessaire était dans tous les cerveaux. On prépara la Révolution. On y crut fermement. Les premiers anarchistes, disciples de Bakounine et dissidents de l’internationale, commencèrent leur propagande, ils n’étaient alors qu’une poignée, ce qu’on a appelé le demi-quarteron. Ils se réunissaient, dans les débuts, chez le père Rousseau, au 131 de la rue Saint-Martin. Pouget fut l’un des premiers adhérents de ce groupement qui venait de naître. Déjà , depuis 1879, il avait contribué à la création des premiers syndicats et fondé le syndicat des employés. On peut voir par là que l’anarchiste Pouget n’a jamais varié, dans sa conception de la lutte économique, et que, dès son apparition dans la bataille, il a su voir et proclamer l’utilité du syndicat.