En apparence, l’athéisme ne peut progresser parce qu’il est incapable de rythmer certains moments forts de la vie comme le fait la religion, mais c’est une toute autre sociabilité qui peut être recherchée : dans la vie associative, dans les luttes sociales, dans les solidarités et pourquoi pas… dans la fête ? Évidemment ce discours « militant » peut paraître ringard et soixante-huitard. Mais qu’y-a-t-il d’autre ? Le mysticisme ou un « pseudo-matérialisme » qui le rejoint. Il n’y a pas d’hésitation possible !
Concrètement, nous ne pouvons nous opposer à l’offensive cléricale qu’en nous comptant comme athées. L’Eglise se base sur le nombre de baptisés pour évoquer une majorité de croyants en France. Sait-on que l’on peut supprimer son baptême en faisant une demande très simple à son évêché d’origine (voir en fin de brochure) ? D’ailleurs, au moment où nos sociétés se préoccupent timidement des droits de l’enfant, où l’on parle de « charte », de « déclaration universelle » et autres grands projets, ne serait-il pas possible d’engager une campagne contre l’inscription d’office des jeunes à une religion (sans y suppléer l’État) ? Les sociétés occidentales ont connu ce progrès de ne plus supporter les agressions physiques faites aux enfants (excision, inceste…), mais elles maintiennent les agressions mentales comme l’endoctrinement religieux. Le projet de Charte de l’enfance adopté à Genève en 1990 est un modèle d’hypocrisie : Les États parties à la présente Convention respectent le droit de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion
(art. 7 bis 1.). Comment un bébé peut-il à sa naissance refuser le baptême ? Curieux droit dont on n’a pas l’exercice ! Même chose lorsque l’enfant forme son esprit, il se voit alors imposer un endoctrinement religieux. Proudhon avait ironisé sur ce genre d’éducation : (...) dès lors que cette religion pose le principe du droit en dehors du sujet humain, il est fatal que l’éducation soit aussi hors l’humanité, et se résolve en un système de dépravation. Ainsi l’âme n’étant pas cultivée comme un germe vivant qui possède sa loi en soi et ne demande qu’à se développer librement, mais traitée comme une nature uniforme, obscure et mauvaise, qui attend sa façon, son mouvement et sa qualité d’une action étrangère, l’homme devient, par l’éducation que lui donne l’Eglise, hypocrite, puisque sa conscience n’est pas en lui, étranger à lui-même puisque sa fin est hors de lui (...)
(De la justice dans la Révolution et dans l’Eglise).
La tartufferie de la Charte de l’enfance va encore plus loin, le même article cité plus haut ajoute : Les États parties respectent les droits et les devoirs des parents (…) de guider l’enfant dans l’exercice de son droit d’une manière compatible avec le développement de ses capacités.
Le sens du texte est clair : l’enfant est la propriété privée des parents, qui peuvent lui faire avaler n’importe quelle absurdité au lieu de l’aider à former son esprit critique. L’article 16 bis de la Charte va encore plus loin en affirmant un « droit » collectif pour les communautés ethniques, religieuses ou linguistiques. Ainsi un enfant ne peut être privé du droit (sic) d’avoir, en commun avec les autres membres du groupe, sa propre vie culturelle, de professer et de pratiquer sa propre religion (...)
(art. 16 bis). Cet article part d’un bon principe : il s’agit d’empêcher un État centralisateur de niveler des minorités. Mais au nom de quel totalitarisme admet-on que l’enfant appartienne dès la naissance à une communauté qu’il n’a pas choisie ? C’est là une aliénation créée par notre société. Un État laïque ne reconnaît que des individus « libres », mais devant les lois qu’il impose. Une communauté religieuse est pire car elle ne reconnaît pas d’individualité. Celui qui « blasphème » doit être puni car il se sépare du troupeau. Une réponse libertaire serait de défendre l’individu contre l’État et contre les communautés intermédiaires.
Mais, en attendant cette campagne, il faudrait déjà que les athées ne se soudent pas seulement par le rejet commun de la religion, mais aussi en connaissant leurs idées. Une pensée positive sur ce thème le rendrait bien plus subversif !
Ce travail est important pour contester la représentativité de l’Eglise et montrer que notre civilisation ne s’est pas développée avec elle mais contre celle-ci. Être athée aujourd’hui, ce n’est pas passer notre temps à démontrer l’inexistence d’un dieu quelconque, mais c’est : opposer l’éducation libertaire à l’éducation cléricale ; le syndicalisme de lutte au syndicalisme de service [1] ; la liberté d’expression aux lois de blasphème ou aux autodafés. L’athéisme constructif est donc, plus que jamais, d’actualité.