Il faut reconnaître que l’athéisme est beaucoup trop négatif, purement anticlérical, dans notre société. Dès que l’Eglise sort de ses limites tolérées (?), on la combat pour retourner au statu quo. Etre athée, est-ce seulement s’opposer à la religion pour préserver sa petite autonomie personnelle, ou bien est-ce une capacité d’analyser notre monde ?
La question se pose avec d’autant plus d’urgence que certains schémas rationalistes sont en train de s’effondrer aujourd’hui. Les positivistes bourgeois avec Auguste Comte croyaient au XIXe siècle à un progrès technique et industriel continu qui améliorerait la société. Les marxistes ont fondé un « sens de l’Histoire » devant mener à une ère de bonheur social : le matérialisme historique. Ces deux formes de pensée se sont avérées fausses. Le « progrès » n’a été ni bon, ni mauvais, ni même logique ; il a été tout simplement rectifié. C’est-à-dire que nos sociétés ont toujours fait des corrections pour éviter les catastrophes dues à une évolution subie. C’est le pilotage à vue et non une évolution logique qui régit nos sociétés contemporaines. De toute façon, définir une Raison absolue qui régirait nos sociétés ne prend pas en compte l’élément humain. Celui-ci est relatif et ne se met pas en équation. Positivistes et marxistes n’ont fait qu’ériger une religion de la Raison et leur projet actuel n’est en aucun cas une condamnation de l’athéisme. Le scientisme n’est pas non plus une solution. Les problèmes éthiques qui se posent de nos jours montrent que la science ne peut les résoudre, à moins de fonder une société totalitaire (sélection génétique, manipulations diverses…).
Au moment où les vices d’un rationalisme vulgaire sont démontrés, on doit admettre que la seule forme d’athéisme possible est celle expliquée par Bakounine dans son ouvrage Dieu et l’État. Pour Bakounine, l’athéisme est une idée positive, constructive. En posant un absolu : Dieu, la religion abaisse l’homme et le dégrade. En méprisant l’homme et ses « faiblesses » terrestres, elle aggrave notre sort ou du moins empêche de l’améliorer. L’athée, lui, doit se situer dans une perspective inverse. Connaissant les origines animales de l’homme, il aspire à une amélioration continue de l’Humanité. Ce progrès est relatif, car humain, en tenant compte de nos faiblesses, mais surtout de nos possibilités. Si ce principe est admis, quel serait le moteur des sociétés humaines ? C’est la LIBERTÉ, non pas une liberté égoïste, qui serait possédée au détriment des autres, mais une liberté responsable, sociale. Les temps forts qui ont permis à l’homme de s’améliorer sont les révolutions, moments courts, mais d’une grande intensité. Elles apportent un capital d’idées exploitées ensuite. Les révolutions sont la marque du progrès et elles le seront davantage après la condamnation des terreurs et des dictatures « révolutionnaires ». Le véritable athée est donc un révolutionnaire, ou du moins un révolté. On peut objecter : n’est-ce pas utopique de vouloir tout le temps améliorer l’homme, de le rendre responsable envers les autres et lui-même ? Il est facile de répondre en citant Bakounine : C’est en cherchant l’impossible que l’homme a toujours réalisé et reconnu le possible et ceux qui se sont sagement limités à ce qui leur paraissait le possible n’ont jamais avancé d’un seul pas
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