Napoléon avait entamé la réaction religieuse en signant un concordat avec le pape. Lorsque survient la Restauration royaliste en 1815, la situation empire. On a du mal à imaginer ce que fut la société de cette époque : une France où étaient interdits Le Tartuffe de Molière ou Le Mariage de Figaro de Beaumarchais. L’Eglise organisait des processions contre la Révolution et harcelait ses adversaires. Dans ces conditions une partie de la bourgeoisie, petite et moyenne, se mit à détester l’Eglise comme les rois, d’autant que ces bourgeois étaient exclus du pouvoir politique. D’où un combat mené tout le long du XIXe siècle qui aboutira à la fondation de la Ille République qui sera laïque. Le point extrême de la lutte anticléricale sera atteint en 1905 avec la séparation de l’Eglise et de l’État, la première s’étant entêtée dans un combat d’arrière-garde. Bien entendu il y eut de véritables athées durant ce siècle, y compris parmi les théoriciens révolutionnaires comme Blanqui (auteur du fameux « Ni Dieu ni maître »), ou surtout Proudhon qui réfutait le terme d’athée pour celui d’antithéiste (l’athée est sans Dieu mais pas contre la divinité). Il n’est pas de notre propos de recenser tous les athées, ce serait impossible, faute de place ! Nous voulons seulement montrer une ambiguïté fondamentale qui a dominé la lutte anticléricale au XIXe siècle. La bourgeoisie républicaine a réussi à rallier autour d’elle un front allant du centre parlementaire aux anarchistes. Tous s’unissaient dans le combat prioritaire contre le cléricalisme royaliste puis le boulangisme (partisan d’une dictature populiste).
L’ambiguïté de cet anticléricalisme apparaît d’autant plus que parmi les fondateurs de la République laïque figuraient de nombreux croyants : protestants, juifs et certains déistes parmi les francs-maçons. Le cas, unique en Europe, de la France sans religieux dans les écoles publiques, ni de loi de blasphème (comme en RFA) vient d’un choix tactique des élites autant que d’une évolution culturelle. Comme dans tant d’autres domaines, l’État se chargera de gérer les consciences au lieu de laisser les populations se déterminer. Sans doute la laïcité nous a-t-elle évité bien des persécutions, mais elle reste malgré tout un pis-aller.