Le XVIIIe siècle voit resurgir l’athéisme au grand jour. Mais l’irréligion croissante de la noblesse devient surtout une apologie de la débauche. L’athéisme tourne à une incrédulité égoïste. Les « libertins » prennent leur sens péjoratif, cette fois justifié. En parallèle il y a aussi un courant philosophique. Un auteur comme Fontenelle (1657-1757) reprend à son compte le scepticisme des « esprits forts », assurant ainsi la transition. Surtout, le mouvement dit des Encyclopédistes allait remettre en cause les fondements de la religion. Tous les philosophes n’étaient pas athées, loin de là : Voltaire, d’Alembert et Rousseau professaient des opinions déistes, mais la plupart d’entre eux, comme Diderot ou d’Holbach sont des athées notoires. Il y a une différence avec les athées du siècle précédent. Pour ces derniers, l’athéisme est surtout une morale. Les philosophes des Lumières sont, eux, matérialistes. Dépourvus de certitudes métaphysiques, ces hommes constatent la diversité et la complexité du monde. Pour comprendre, il faut classer, décrire, étudier. C’est le fameux projet, entre autres, de l’Encyclopédie censée résumer le savoir du temps. Mais cette méthode est générale. Le philosophe Michel Foucault disait que les hommes des Lumières avaient le projet d’une science générale de l’ordre
. Une fois ce projet achevé, on pourra tenter d’expliquer le monde et définir la place de l’Homme, voire celle de Dieu. Si certains philosophes du XVIIIe siècle ne croient pas en Dieu, c’est parce que son existence ne peut être prouvée par le raisonnement. Leur athéisme est un mode de vie, mais c’est surtout un matérialisme scientifique. Celui-ci peut devenir élitiste. En repoussant l’idée chrétienne de charité qui est une maigre compensation des injustices, ils pensent que l’homme est un loup pour l’homme
ou qu’il peut au moins s’enrichir au détriment de l’autre. Les auteurs de ce genre annoncent le libéralisme moderne. Cette réflexion philosophique ne concerne qu’une minorité de lettrés, mais l’athéisme commence à déborder de ce milieu.
Toute une littérature clandestine circule sous le manteau. Le document le plus célèbre est le Testament du curé Jean Meslier (1664-1729), devenu athée et communiste et qui le révéla de façon posthume. Ce texte eut une influence considérable. Voltaire le fit circuler en le censurant pour lui donner une tournure déiste. D’Holbach, auteur d’un Système de la Nature qui fut brûlé publiquement en 1770, copia allègrement Meslier comme beaucoup de ses collègues, mais le manuscrit circula aussi parmi le public cultivé. Peu avant la Révolution française, il y a une multiplication de pamphlets anonymes, satiriques ou pornographiques contre le roi, les nobles et surtout contre la religion. Selon un historien, Robert Darnton, les brochures antireligieuses étaient parmi les plus prisées. De cette propagande, une partie finissait par atteindre le petit peuple même illettré, surtout à Paris. Conséquence de ce travail de sape, la Révolution vit se dérouler des scènes anticléricales.