Qu’est-ce que la religion ? C’est un ensemble de croyances et de doctrines enseignées au peuple par les prêtres.
D’aucuns pourraient nous répondre que ce ne sont pas les prêtres qui les enseignent, mais Dieu lui-même qui les a révélées. En tout cas, les révélations de Dieu datent de plusieurs siècles, tandis que l’enseignement des prêtres est bien d’aujourd’hui, et il s’agit de savoir si ces derniers disent oui ou non la vérité, s’ils sont dignes de foi et incapables de mentir, ou s’ils n’ont pas intérêt, par hasard, à nous tromper.
Or, la prêtrise est un métier comme un autre, les prêtres vivent en prêchant, en accomplissant certaines parades et cérémonies, de même que le roi vit en opprimant ses sujets, le patron en exploitant ses ouvriers et ainsi de suite.
Pourquoi donc devrions-nous croire aux prêtres ? N’est-il pas possible qu’ils nous trompent ? Ce n’est pas seulement possible, mais certain même. Il y a cent religions, quatre-vingt dix-neuf sont donc fausses, à n’en pas douter. Bien malin celui qui choisit la vraie.
Mais laissons de côté les prêtres et discutons sur l’enseignement religieux.
La religion — toute religion — enseigne deux choses.
D’abord, la religion nous dit comment le monde a été fait, qui l’a créé, le nombre de jours qu’a duré la création, ce qui était avant le monde (le chaos), et comment de ce chaos a jailli la lumière, avant même que Dieu eût créé le soleil, la lune, etc., etc. Mais toutes ces choses sont du domaine scientifique et nullement religieux. La science nous apprend que le monde existe depuis des millions d’années et non seulement depuis six mille ans, ainsi que le veut la Bible. La science nous a prouvé que la terre tourne autour du soleil et non pas le soleil autour de la terre comme le croyait Josué. La science nous explique en quoi consiste et d’où dérive la vie des arbres, des animaux et de l’homme. Elle nous dit aussi comment le corps de l’homme et des autres animaux peut se mouvoir, parler, jouir ou souffrir, et comment la plante peut sentir et croître sans avoir recours à la supposition d’une âme. Selon l’Eglise, celle-ci ne serait pas la même pour l’homme et pour les animaux et n’existerait que pour les blancs seulement, les nègres esclaves n’en ayant pas. C’est du moins ce que l’Eglise a affirmé autrefois en ajoutant aussi que l’âme entrait dans le corps d’un homme sept jours après sa naissance et dans celui d’une femme seulement quarante jours après.
L’Eglise a enseigné toutes ces âneries et la science l’a ridiculisée. La science dit à la religion, aux prêtres : ces questions sont de mon domaine, vous êtes impuissants à les juger. Votre Dieu est un mot qui ne signifie rien et ne s’explique pas, car vous ne savez pas comment il est fait, ni par qui il a été fait, ni s’il est une personne ou une chose, et lorsque vous dites Dieu, vous-même vous ne savez pas ce que vous dites.
Une seconde partie des doctrines de l’Eglise concerne les relations entre les hommes.
L’Eglise dit que les hommes doivent être bons, humains et charitables ; mais s’il en est autrement, il suffit de s’en repentir au moment de la mort, ou, dans le pire cas, ils seront condamnés aux flammes de l’enfer.
Nous voulons que personne n’aille en enfer et afin que les riches n’y aillent pas, nous voulons les soustraire aux tentations provenant des richesses et les empêcher de nous voler chaque jour. Lorsque la société sera bien constituée et que tous les hommes pourront travailler dans le bien-être, sans qu’il y ait ni patrons, ni millionnaires, tous les hommes deviendront bons et iront en paradis si toutefois il y en a un — ce dont nous doutons fort.
L’Eglise imite après tout les gouvernants : beaucoup de promesses pour l’avenir, après notre mort, quant au présent, rien du tout. L’Eglise feint de déplorer les injustices du monde et les abus des riches contre les pauvres, mais elle prêche à ces derniers la résignation, la soumission, l’esclavage. L’Eglise elle-même, d’ailleurs, est toujours riche : la plupart des ecclésiastiques ont une fortune ou vivent une vie qui ne ressemble en rien à celle de l’ouvrier.
L’Eglise est souvent salariée par l’État. Ses titulaires sont nommés avec l’approbation du gouvernement, qui, on le comprendra aisément, choisit des hommes fidèles à ses intérêts.
Les prêtres peuvent être, et plusieurs le sont, propriétaires et capitalistes. Les uns ont des titres de rente, d’autres des maisons et des domaines, d’autres encore des actions de banques ou d’entreprises industrielles.
Pour devenir prêtre, il faut une certaine instruction et de l’argent. Les fils des travailleurs ne deviennent pas prêtres, ou s’ils le deviennent, ils renient leur classe.
Le clergé est l’allié de la bourgeoisie, de la bureaucratie et du gouvernement. Les prêtres font aussi de la propagande électorale ; mais ils se servent surtout de leur ministère pour pénétrer dans les familles, capter la confiance des femmes et obtenir des héritages. Il n’y a pas de plus grave danger que celui de laisser un prêtre s’introduire dans une maison, pour qu’il en connaisse les choses les plus intimes et les plus délicates.
Que sert-il d’aller tous les dimanches, toutes les années et pour toute sa vie à l’église ? C’est une habitude idiote et abrutissante, de même que celle de murmurer des prières, toujours les mêmes apprises par cœur, et s’adaptant à tous les individus et à tous les cas. Pour les enfants surtout, de telles habitudes sont mauvaises et ont une influence pernicieuse sur leur intelligence et sur leur caractère.
Ouvriers, débarrassez-vous de toutes les superstitions, apprenez à penser, n’acceptez ni Dieu ni maître si vous voulez devenir libres.