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Louis Lecoin - Le franc-tireur [01]

mercredi 27 janvier 2021, par Sylvain Garel (Copyright)

Durant la guerre ce qui reste du mouvement libertaire éclate. Certains, par anticommunisme, rejoignent la Collaboration, d’autres la Résistance. Les quelques insoumis et déserteurs se cachent ou se retrouvent en prison. Seules des ballades champêtres réunissent quelques militants. Il faut attendre 1943 pour que de premiers contacts s’établissent ; une réunion se tient à Toulouse en juillet, suivie d’une seconde en janvier 1944 qui permet la mise au point des principes d’une nouvelle organisation. Un premier congrès en octobre 1945 et une conférence nationale en décembre donnent naissance à la Fédération Anarchiste (FA). Elle regroupe des anciens « rescapés » des années troubles de la seconde guerre mondiale et des nouveaux venus à l’anarchisme.

Lecoin demeure en prison jusqu’en 1941. Affaibli physiquement et moralement il n’a pas de relations avec le petit noyau de militants actifs. La plupart d’entre eux, d’une autre génération que lui, critiquent les moyens employés pour ses diverses campagnes de l’entre-deux guerres et sa « passivité » durant l’Occupation. Quelques-uns avaient été, je ne dirais pas écartés, mais oubliés d’être conviés à la reconstruction du mouvement libertaire, et parmi eux Le Meillour, Lecoin, Loréal, etc. Quelques années plus tard, à ma librairie du Château des Brouillards, beaucoup d’entre eux, qu’ils aient appartenu au mouvement syndical ou à l’Union anarchiste, viendront me voir. En ai-je entendu de ces histoires douloureuses d’hommes qui avaient fait le mauvais choix, qui n’avaient été qu’imprudents ou s’étaient contentés de rester passifs dans une période où tout le monde avait peur A Paris comme en province ce sont les militants de l’Union anarchiste qui avaient le moins tenu le coup... [1]

Voilà qui explique l’absence de Louis Lecoin aux assemblées constitutives de la FA en 1945.

A cette époque il rédige sa première autobiographie : De prison en prison [2], dont la première édition sort en décembre 1946. La publication du livre amène Le Libertaire, organe de la FA, à reparler de Lecoin, pour la première fois depuis la fin de la guerre. Un article fait l’éloge de son action mais rappelle les critiques formulées à l’égard de ses méthodes [3].

Lecoin, à la retraite, s’ennuie. Il sent le besoin de s’engager à nouveau, et comme trop de divergences le séparent de la FA, il décide d’agir seul, en franc-tireur. Il réunit quelques amis et publie une revue mensuelle intitulée Défense de l’homme. Elle se donne pour but de défendre l’individu partout où sa liberté est menacée. Le premier numéro paraît en octobre 1948, Lecoin y affirme un anarchisme teinté d’humanisme. Le Libertaire critique sévèrement l’initiative :

[...]Trop de vieux thèmes usés. Pas assez de ferveur. Cela provient peut-être du nombre important de copains désabusés qui ont écrit ce numéro.

La revue Défense de l’Homme semble avoir trop sacrifié au désir de publier les écrits des amis. Si Lecoin s’engage sur cette pente il n’a pas fini...  [4].

L’article commentant le second numéro est plus modéré et la rédaction du Libertaire répond à certains lecteurs ayant trouvé la critique précédente un peu trop vive [5]. Malgré son éloignement, Lecoin semble avoir conservé l’estime d’une partie du mouvement. Par la suite la revue est tout simplement ignorée par l’organe de la FA.


[1Maurice Joyeux, La Rue n°28, 1er trimestre 1980.

[2Louis Lecoin, De prison en prison, Paris 1946.

[3Le Libertaire, 10 janvier 1947.

[4 Le Libertaire, 26 novembre 1948.

[5Le Libertaire, 27 décembre 1948.