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IV. Organisation des forces révolutionnaires – Action révolutionnaire

mardi 24 décembre 2024, par Christian Cornélissen (CC by-nc-sa)

Les communistes révolutionnaires entendent sous le nom d’action révo­lutionnaire l’ensemble des moyens par lesquels peuvent être morcelées et dissoutes les formes capitalistes de la propriété, sur lesquelles comme bases repose la structure politique, juridique, morale de la société moderne ; tous les moyens, d’un autre côté, qui peuvent favoriser le développement d’une organisation sociale nouvelle, basée sur la propriété collective des moyens d’existence du genre humain.

La transformation de la société capitaliste actuelle en société commu­niste doit être aidée et accomplie, enfin, par les hommes eux-mêmes, prin­cipalement par la classe ouvrière et suppose la victoire internationale du prolétariat et la chute de la domination de la classe dirigeante ainsi que des gouvernements qui en sont l’expression.

L’action révolutionnaire des prolétaires se produit en conséquence par la lutte de classe. C’est par leur organisation, par leur action que les formes anciennes de la propriété peuvent être attaquées aussi bien qu’elles le sont par le développement de la grande industrie, du grand commerce et de la grande propriété, par la construction et l’amélioration des voies de communications : chemins de fer, lignes de navigation à vapeur, téléphones, télégraphes, etc., et enfin par les syndicats capitalistes (trusts, kartelle) entre des compagnies et des entrepreneurs particuliers, et par le progrès du système des banques et du crédit.

Étant donné le développement des forces productives matérielles dans la société, le système de production et de distribution capitaliste doit forcé­ment évoluer vers un système d’association ; mais il dépendra des produc­teurs directs, c’est-à-dire des ouvriers eux-mêmes, si dans l’avenir cette nouvelle organisation sociale, basée sur l’association des producteurs, aura un caractère de socialisme d’État ou plutôt un caractère communiste libertaire.

C’est de l’organisation, de l’intelligence, de l’énergie et de la conscience que le prolétariat aura de son but qu’il dépendra si les travailleurs orga­nisés eux-mêmes, plutôt que leurs représentants et leurs gouvernements, auront à régler en maîtres la production et la répartition de tous les biens et en général toutes les conditions du travail.

Ainsi la marque caractéristique de l’action révolutionnaire des prolétaires consiste à saper et à détruire à la fin l’influence que les classes dirigeantes et leurs gouvernements exercent sur la production et la répartition des biens et sur les conditions de travail des producteurs, et par suite sur l’ensemble de la vie politique, morale et intellectuelle du peuple, tout en augmentant de l’autre côté la puissance, c’est-à-dire l’organisation du pro­létariat et son influence sur les conditions matérielles et morales de l’exis­tence des hommes.

Dans le cadre de la société capitaliste, l’action révolutionnaire se mani­feste partout et pour autant qu’elle peut affaiblir dans la lutte de classe, d’un côté la situation des classes dirigeantes et fortifier, de l’autre côté, la puissance du prolétariat comme classe. Comme action révolutionnaire, par conséquent, on peut considérer tout ce qui peut favoriser le développe­ment matériel, moral et intellectuel du prolétariat, tous les moyens enfin que la propagande et l’agitation peuvent employer pour appeler de nou­velles recrues autour du drapeau du communisme libertaire.

Cet écrit est déjà entré dans les détails par lesquels l’action révolution­naire doit se manifester, en indiquant la tactique que les communistes révolutionnaires suivront surtout par rapport à la conduite qu’ils tiendront vis-à-vis les ouvriers organisés, les paysans et la petite bourgeoisie.

Dans son ensemble, pour qu’elle puisse opérer la transformation de la société capitaliste dans une société communiste libertaire, l’action révolu­tionnaire doit se baser sur une organisation puissante, animée de senti­ments d’indépendance très développés, non seulement parmi quelques membres d’un groupe communiste, mais aussi dans la classe ouvrière tout entière, c’est-à-dire qu’elle doit se manifester comme un mouvement de masse.

Ce qui importe pour la révolution sociale, une révolution de la grande majorité contre la minorité de la population de nos pays modernes, ce n’est pas de s’emparer tout simplement des fabriques et ateliers, des magasins, des moyens de transport et de comtnunication, pas plus que de s’installer dans les maisons ou de déclarer que le sol appartient en propriété à la commu­nauté. Celui-ci n·est que le premier combat décisif dans la lutte de classe entre le prolétariat et ses oppresseurs. Il ne regarde, par conséquent, que la première phase de la période de transition de l’ancien mode de produc­tion et de consommation à une nouvelle forme plus élevée et plus avancée ; les chocs violents qui pourront accompagner cette transition ne seront autre chose que les premières douleurs de l’enfantement de la nouvelle société en formation.

Ce qui est vraiment important et décisif, c’est que l’œuvre de la produc­tion sera continuée immédiatement par les producteurs eux-mêmes.

Dans une période d’oppression générale, de désordre, de malaise et de mécontentement parmi la masse de la population, il n’est pas sérieux de parler contre l’expropriation violente des propriétaires et des capitalistes, de ces usurpateurs du travail des prolétaires qui ne sont en définitive qu’une minorité.

Toutes les époques révolutionnaires de l’histoire ont été précédées par des périodes de crises : l’appropriation des moyens de production et de consommation par la communauté ne saurait s’accomplir qu’après une période de crise internationale dans toutes les branches industrielles, après qu’on aura dû fermer les fabriques et les ateliers, que les établissements de commerce et de banque auront sauté, d’un côté, tandis que de l’autre le chômage, la faim et la misère n’auront fait que s’accentuer de plus en plus.

Le procès de dissolution de la société capitaliste, lorsqu’il a atteint un certain degré, impose ainsi l’expropriation des propriétaires et des capita­listes à la masse de la population.

Mais dès qu’un mouvement révolutionnaire tourne en faveur du prolé­tariat, et pendant tout le temps voulu par le procès révolutionnaire de la vieille société, procès qui ne peut être qu’international, il faut pourvoir aux besoins de la masse et surtout à son alimentation et son habillement.

Dans cette phase décisive de la révolution les organisations profession­nelles ouvrières auront à prendre immédiatement la direction de l’ensemble de la production et de la distribution des biens, en la retirant aux entrepreneurs particuliers. Leur tâche principale n’est plus alors de réunir des éléments pour combattre la bourgeoisie qui aurait montré d’une manière suffisante de ne pouvoir plus remplir les fonctions de classe dirigeante de la société, mais d’agir à sa place comme associations productives.

De quelle manière la production et la distribution pourront avoir lieu dans la société communiste née de la société capitaliste, dans les différents pays et dans les différentes industries ; d’après quel système, en outre, fonctionnera la répartition des richesses, on ne saurait aujourd’hui l’indi­quer en entrant dans des détails. Tout cela ne saurait dépendre ni des sys­tèmes ni des fantaisies que quelques savants, économistes de n’importe quelle école bourgeoise ou socialiste, ont tracés dans leurs cabinets, mais de l’expérience que les individus et surtout les organisations ouvrières en général auront faite en réglementant le travail, ainsi que des idées de droit qui domineront dans les différents pays parmi la masse de la population vivant dans des conditions économiques nouvelles.

Des considérations philosophiques abstraites sur la nature de l’homme et sur une répartition équitable des richesses, si elles ne se rattachent pas à la réalité, à la structure économique de la société, n’ont aucune valeur, car pour les individus aussi bien que pour la société, la question d’exister prime toutes les autres.

Dans les organisations ouvrières qui existent aujourd’hui parmi les pro­ducteurs, dans les différentes branches, les communistes révolutionnaires insisteront toujours sur le rôle important que ces organisations ont à rem­plir dans la période révolutionnaire imminente.

Les communistes révolutionnaires attachent une grande influence à la lutte contre les employeurs dans la société capitaliste et surtout aux grèves de nos jours, qui habituent de plus en plus les prolétaires à agir en hommes indépendants et les rendent plus aptes à l’action commune.

Pour les ouvriers organisés les grèves peuvent être en même temps des manceuvres de troupes et des combats d’avant-postes dans la guerre sociale.

Même dans le cas où les grèves éclatent en raison de réclamations rela­tivement peu importantes,, soit pour l’amélioration des conditions ou la diminution de la durée du travail, n’ayant qu’un caractère local et transi­toire, soit pour dompter l’orgueil des employeurs, soit pour défendre la dignité de quelque organisation ouvrière qu’on aurait insultée ; dans tous les cas les grèves exercent toujours une grande influence morale et ont une haute valeur pédagogique pour les organisations qui y sont engagées et pour le mouvement ouvrier en général.

Chaque grève, considérée en elle-même, est une action de résistance ; elle montre que, si les ouvriers ne peuvent pas briser encore les chaînes qui les oppriment, ils commencent néanmoins par les secouer et les faire résonner. Qu’elles aboutissent ou qu’elles échouent, les grèves seront toujours utiles, aussi bien dans la pratique que comme enseignement à la classe ouvrière, qui ne peut arriver à son émancipation que par la lutte des classes. D’un autre côté, les améliorations, momentanées ou durables, auront toujours pour effet de favoriser la concentration du capital et la ruine des petits entrepreneurs ; c’est pourquoi les grèves accélèrent la marche de l’évolution économique.

Les grèves, lorsqu’elles embrassent toute une industrie, tout un pays, peuvent contribuer à développer les sentiments d’indépendance ainsi que l’émancipation intellectuelle et morale du prolétariat, bien mieux que des années de discours.

Lorsque les grèves, nées des circonstances et pas provoquées, seront organisées sur une base internationale, elles signifient que la bourgeoisie comme classe dirigeante de la société n’a plus de raison d’être et que l’heure est venue où les producteurs eux-mêmes doivent prendre la direction de la production et de la répartition des biens.

Comme action économique, se réalisant dans la société elle-même, dans les fabriques, les ateliers, l’agriculture, les mines, les grèves sont en oppo­sition avec l’action parlementaire représentée par les partis bourgeois et par les démocrates soi-disant socialistes.

A mesure que la lutte de classe prend un caractère plus grave, à mesure que le chômage des ouvriers, l’appauvrissement et l’assujettissement des prolétaires s’accentuent, augmente aussi et s’accentue la résistance à la tyrannie et l’exploitation des classes dominantes d’un côté, tandis que de l’autre le sentiment de l’impuissance où l’on est d’arriver à écarter par le travail législatif en régime de production capitaliste, la domination de classe, cette action économique deviendra plus vivace, plus intense et plus étendue en reléguant à l’arrière-plan l’œuvre des réformes parlementaires.

La lutte d’émancipation du prolétariat suppose une révolution générale dans le mode de production et d’appropriation ; elle ne peut aboutir que par l’action internationale des travailleurs eux-mêmes, l’action individuelle dans cette lutte ne pouvant avoir de valeur que dans le sens de favoriser l’action organisée du prolétariat.

Si l’action individuelle dans la lutte contre la propriété comme institu­tion sociale, ou contre le gouvernement en général n’est pas inspirée aux yeux de la masse par des intérêts égoïstes, ainsi qu’il arrive ordinairement dans les cas de vols ; mais si elle est conseillée par la haine de la tyrannie et par la sympathie envers les opprimés, alors l’action individuelle peut opérer comme moyen de propagande parmi la masse de la population, soulever l’enthousiasme des hommes les plus courageux et les plus décidés, et s’im­poser à l’admiration générale. Dans ces cas l’action individuelle peut être utile à l’émancipation de la classe ouvrière et ses résultats peuvent être comparés à ceux des héros dont parle l’histoire ancienne, alors que les mou­vements des masses n’avaient pas l’influence que pouvaient avoir les qua­lités personnelles des individus.

Il ne s’agit pas maintenant de décider si l’action individuelle, dans une phase donnée de la révolution, doit se manifester plus qu’à l’heure actuelle, soit dans la lutte contre certains agents du gouvernement comme soutiens de la propriété de leur classe, soit au milieu du mouvement de la masse elle-­même, dans une grève, etc.

Il dépend du développement des conditions sociales, et plus encore de la conduite des classes dirigeantes, que du degré de développement auquel seront arrivés les prolétaires, de décider si la propagande par le fait, sous la forme de violence brutale, sera inévitable et si elle doit avoir une portée générale et formidable.

L’expropriation des classes possédantes, la prise effective de possession du sol, des machines, des fabriques, des ateliers et magasins, des moyens de transport et de communication ainsi que des habitations, est en elle-même déjà un acte de violence. Si la révolution a déjà atteint cette phase de prise de possession, elle sera forcément une révolution violente. Ce serait de la folie si nous, communistes révolutionnaires, nous dissimulions nos convic­tions, nos aspirations à ce sujet.

De quelle manière s’accomplira l’expropriation violente des non-produc­teurs, propriétaires et capitalistes, les circonstances l’indiqueront elles-­mêmes.

Étant donné le degré de développement du militarisme dans les grands États modernes, les améliorations continuelles qu’on a apportées aux armes à feu, fusils et canons, pendant la dernière moitié de ce siècle, ainsi que la plus grande expérience des commandants de troupes et des militaires en général dans les combats de tirailleurs contre un ennemi retranché et disposé en ordre dispersé ; — étant donnés, d’un autre côté, l’armement insuffisant du peuple et la circonstance que si le port même des armes n’est pas encore défendu, les exercices dans les armes se font presque partout exclusivement par l’armée ; étant donnée enfin la construction des nouvelles rues et la structure des quartiers populaires de nos grandes villes et des centres industriels, d’où pouvait partir le premier choc d’un mouvement révolutionnaire violent ; par suite de tout cela le combat dans les rues, sur les barricades, qui était encore un facteur important vers la moitié de notre siècle dans les mouvements révolutionnaires du prolétariat, est devenu aujourd’hui absolument impossible. Ce moyen de lutte est aussi suranné que l’armement même du peuple dans ces mouvements révolutionnaires de la moitié de ce siècle.

Lorsqu’il est absolument inutile de répéter tout cela aux communistes convaincus, qui se rendent un compte exact du changement qui a été accom­pli dans le prolétariat moderne, par rapport à la tactique de combat, il est cependant nécessaire de le répéter aux inconscients qui se trouvent dans la masse, au milieu de laquelle persistent encore les vieilles traditions révolu­tionnaires d’il y a plusieurs dizaines d’années.

Les communistes révolutionnaires ne s’attendent pas de voir que leur propagande ininterrompue parmi les conscrits, les soldats et les réservistes dans l’armée et dans la marine, puisse y développer les éléments révolutionnaires. Il ne leur suffit pas de savoir que la confiance des classes dirigeantes dans ces puissants remparts de leur domination est ébranlée par suite de l’anta­gonisme de classe, de plus en plus accentué.

L’évolution sociale ne peut pas attendre les effets de la propagande au milieu des troupes casernées se trouvant sous une discipline sévère. Ce serait un acte de folie, en même temps qu’un crime, que d’amener la masse des prolétaires mal armés dans un combat de rues contre la force militaire de nos jours, contre des sections de l’armée, qui dans chaque État milita­risé seraient en mesure d’exterminer toute la population du pays. Ce serait toujours une folie et un crime, dans le cas où l’on ne pourrait que compter seulement sur la possibilité d’une révolte parmi les soldats, bien entre­tenus, d’ailleurs, et habitués à une discipline rigoureuse.

On peut comparer l’absurdité de compter sur une sédition dans l’armée à la folie d’attendre qu’à l’aide du bulletin de vote, non seulement on obtiendra dans cette société capitaliste la majorité dans le Parlement, mais aussi que les fonctions et les places de confiance du gouvernement pourront être occupées par des socialistes, dans la croyance naïve qu’en suivant la route parlementaire, les « amis du peuple » pourront enfin arriver à s’em­parer aussi de la direction de l’armée, tandis que les dirigeants d’aujourd’hui se retireraient peu à peu la conscience tranquille et un sourire de bienveil­lance aux lèvres !

La croyance que pacifiquement, au moyen du bulletin de vote, la direction de l’armée puisse jamais passer entre les mains des élus du peuple, doit être reléguée dans la place convenable pour ces chimères, dans la chambre des enfants.

Si les gouvernements s’opposent par les armes contre la volonté du peuple, il faudrait attendre le moment, comme le disent quelques-uns de nos socialistes parlementaires, que les classes dirigeantes commencent la révolution violente elle-même. Les gouvernements seront donc « respon­sables pour l’histoire et la postérité ». Mais encore une fois, ce serait une folie et un crime de laisser choisir par les gouvernements capitalistes le moment favorable pour la révolution, ainsi que la manière de combattre.

Ainsi, si on ne peut compter sur une probable sédition de rarmée, alors, étant donnés d’un côté le militarisme qui domine dans tous les États mo­dernes et la répugnance des classes dirigeantes à renoncer à leurs droits de propriété, et de l’autre côté, l’intérêt aussi bien du peuple en général, que de chaque individu, de s’opposer à la décadence matérielle, morale et intellec­tuelle de la grande masse des hommes, alors, disons-nous, il ne reste dans l’avenir que deux voies dans lesquelles peut s’engager le mouvement ouvrier. Dans le cas où la préparation des matières explosibles, pendant la période où la lutte contre la bourgeoisie doit être terminée, peut être simplifiée de manière qu’on puisse se servir d’une de ces matières, comme d’une arme faite exprès pour les prolétaires, et qu’on puisse la préparer et l’employer sans courir des dangers trop grands et qu’elle garantisse en outre la préci­sion de tir nécessaire, — dans ce cas le nouvel armement du prolétariat pourra jouer un même rôle que dans l’Europe occidentale la poudre à canon a rempli pour l’affranchissement des serfs dans les villes du moyen âge. Les fusils et canons dont nos troupes sont armées, le casernement et l’exercice des soldats, de manière que le militarisme moderne a pu devenir une arme entre les mains des classes dirigeantes, seront donc aussi surannés que les épées et les cuirasses des chevaliers du moyen âge et leurs châteaux entourés de fossés et de murailles.

Cependant, si la simplification dans la préparation et la facilité d’em­ployer les matières explosibles, aujourd’hui en usage, ou qu’on pourra découvrir, n’augmentent pas de la manière qui est supposée dans le cas susdit ; si de même un autre armement fait pour le prolétariat ne soit pas trouvé, alors les masses populaires poussées par la nécessité seront amenées à faire une guerre de guérilla. C’est alors que dans l’histoire des peuples s’ouvrira une période pareille à celle que l’Europe a vue pendant le moyen âge, dans ces jours de« Jacqueries », cette période où dans l’Europe cen­trale les cours vehmiques régnaient. On verra alors se produire dans notre siècle quelque chose de pareil à la lutte que la masse des habitants des colo­nies, peu développés et mal armés, ont engagée de nos jours contre les troupes de nos modernes États commerciaux et colonisateurs, plus ins­truites, plus disciplinées et plus aguerries.

L’histoire nous apprend qu’un peuple opprimé, s’il est numérique­ment plus fort, est cependant plus faible que ses oppresseurs au point de vue de l’armement et de l’expérience de guerre, de sorte que dans la lutte pour son émancipation et pour conserver son indépendance, il sera encore contraint à lui donner un caractère mystérieux et secret, remplaçant ainsi, par l’habileté et la ruse, ce qu’il lui manque par rapport à la puissance de l’armement.

Malédiction à la bourgeoisie, si l’affranchissement du prolétariat ne peut être obtenu qu’à ce prix !

Si la société communiste doit être enfantée dans des conditions si doulou­reuses par la vieille société, que les classes dirigeantes sachent donc à quoi il faut s’attendre.

Alors à la période des grèves, aujourd’hui encore assez calme, succédera une période de guerre civile internationale.

Alors les peuples modernes verront s’ouvrir devant eux une période de luttes ininterrompues, qui ne pourront être réprimées par aucune armée régulière ; une lutte pendant laquelle les organisations ouvrières, à la suite de défaites répétées, poussées par la faim, seront forcées de reprendre le travail, et après une grève stérile, elles commenceront de nouveau à lutter contre leurs maîtres pour prendre elles-mêmes la direction du travail dans les fabriques et les ateliers aussi bien que dans la campagne.

On verra alors dans des milliers de combats isolés dans tous les pays, se réunir ensemble dans une lutte générale engagée sur toute la ligne, les masses populaires organisées sur une base internationale, durcies par les luttes locales et nationales et invincibles dans leur croyance inébranlable d’un meilleur avenir, présenter leur résistance contre leurs oppresseurs, ces classes d’usurpateurs divisés par des antagonismes d’intérêt, et désormais impuissants et sans espoir, depuis que les prolétaires ne se laissent plus entraîner à des combats de rue et sur les barricades.

Même dans une période de lutte, qui pourra s’ouvrir devant nous, les actes de courage et de dévouement personnels, qui se produisent, ne peu­vent être regardés que comme l’expression d’une forme de lutte transitoire, de sorte que l’action individuelle est forcément limitée à la tactique tempo­relle à suivre dans la lutte des classes. Toujours c’est autre chose que le puissant travail à régler, diriger la production et la distribution des biens qui doivent être réservées exclusivement aux ouvriers organisés.

Ce travail-ci c’est la tâche que la classe ouvrière aura à remplir dans une société communiste et que les communistes révolutionnaires ne perdront jamais de vue.

Dans la lutte des classes, les organisations des communistes rév0lution­naires formeront des corps de francs-tireurs qui sont l’âme du mouvement ouvrier international.

Ils ont le devoir de paraître partout où la lutte des classes est engagée avec plus d’acharnement, partout où la force d’initiative impose aux combattants le courage le plus héroïque, le dévouement le plus grand.

Les communistes révolutionnaires seront prêts à un échange d’idées dans les congrès internationaux, avec toutes les organisations ouvrières du monde sans distinction. Ils désirent que la lumière la plus vive se fasse sur la situation du mouvement ouvrier international, ainsi que sur la tactique à suivre dans la lutte d’émancipation du prolétariat.

Mais ils entendent garder entière leur liberté d’action, et ils ne sont pas disposés à se soumettre aux décisions d’un pouvoir centralisé, soit qu’elles nous parviennent de Berlin ou de Londres, de Paris ou de New-York.

De leur côté les communistes révolutionnaires sauront respecter la liberté des autres. Malgré, par exemple, qu’ils soient des antiparlementaires, ils n’entendent pas imposer à ceux qui font partie de leurs groupes l’abstention aux élections des assemblées représentatives, ni entraver en aucune manière leur liberté de pensée et d’action.

Mais ils réclament en même temps le droit d’exprimer en toute liberté leurs opinions. Leur conviction que la lutte pour l’émancipation des tra­vailleurs doit être engagée et soutenue dans la société elle-même, cette con­viction ils n’entendent pas la renier pour servir les intérêts des membres du parlement, qu’ils soient socialistes ou des bourgeois radicaux.

Puissent les ouvriers organisés de tous les pays être persuadés de la vérité développée dans cet écrit, que leur paix et leur liberté ne sont pas à gagner par le travail législatif dans les parlements bourgeois et dans les conseils municipaux, mais par la lutte véritablement révolutionnaire, par la lutte économique, engagée et soutenue dans les fabriques, les ateliers, dans les bureaux et dans les champs.

P. S. — Il m’a été impossible, faute de temps, de faire une correction sérieuse de mon étude et de remanier bon nombre de phrases qui ne sont pas trop françaises. J’en demande bien pardon au lecteur.


III. L’Attitude des communistes révolutionnaires dans la lutte des classes