Le jour même de la mort d’Eisner est créé le conseil central de la République qui décrète l’état de siège et la grève générale. Tous les journaux sont suspendus pour dix jours. Ce conseil central est composé de onze membres dont Mühsam pour les anarchistes, Max Levien pour le K.P.D. et des membres de l’U.S.P.D., du S.P.D. et de la Ligue des paysans. La présence de membres du S.P.D. ne doit pas surprendre. La présidence du conseil central est même confiée à l’un d’eux, Ernst Niekisch. Pour certains membres du S.P.D., il s’agit de ne pas abandonner les conseils aux révolutionnaires. Pour d’autres, c’est un engagement sincère mais ils sont peu nombreux à agir honnêtement.
Crise des conseils ?
Le 28 février, Mühsam propose de proclamer la République des conseils devant le congrès. Mais les conseils bavarois sont gagnés par l’influence du S.P.D. La proposition est repoussée par 234 voix contre 70. Même des anarchistes comme Gustav Landauer jugent la République des conseils prématurée. Le congrès des conseils approuve la formation d’un gouvernement présidé par Martin Segitz du S.P.D.
Tentative de compromis
Le 4 mars, le S.P.D. et l’U.S.P.D. arrivent à un accord, le « compromis de Nuremberg ». Dans ce texte en huit points ratifié aussi par la Ligue des paysans, il est décidé que le congrès des conseils remettra ses pouvoirs au Landtag (parlement) qui constituera un nouveau gouvernement. Ainsi, un peu moins de trois mois après le suicide des conseils à Berlin (le 16 décembre), il semble que ceux de Bavière prennent le même chemin.
Le compromis de Nuremberg ne laisse aux conseils qu’un rôle limité, consultatif.
Les conseils d’ouvriers et de soldats ont uniquement statut d’assistants auprès des autorités publiques et administratives
(Extrait de l’article 6).
De plus par rapport au Landtag, les conseils d’ouvriers et de soldats ont droit de pétition et de référendum
(Article 7) [1].
En fait, ce compromis n’est pas très éloigné du programme d’Eisner que le S.P.D. avait vigoureusement combattu. Le point 3 (création d’un département à l’instruction populaire) et le point 5 (dissolution de la troupe au profit d’une armée populaire) servent à sauver les apparences. Le pouvoir des conseils n’existe plus, du moins dans ce projet, rejeté d’ailleurs par la minorité révolutionnaire du congrès des conseils mais signé par celui-ci le 7 mars.
La lutte contre Hoffmann.
Le nouveau gouvernement est constitué le 17 mars 1919 avec à sa tête Johannes Hoffmann, ancien ministre SPD sous Eisner. Mais dès que ce gouvernement veut se réunir, une manifestation l’en empêche. Pourtant Hoffmann semble plus modéré que ces collègues berlinois, à cause peut-être de la faiblesse de son pouvoir. Il ne s’oppose pas à des mesures sociales et nomme le docteur Neurath président d’un « conseil économique central » pour les socialisations. Mais ces socialisations resteront lettre morte devant l’opposition de la bourgeoisie. Hoffmann n’appliquera jamais son projet de « socialisation complète » dont on peut douter de la sincérité car il semble plutôt motivé par la crainte d’être débordé par les révolutionnaires.
Dès la formation du gouvernement Hoffmann, les anarchistes et les communistes ont quitté le conseil central pour se consacrer à l’agitation révolutionnaire. L’impuissance du gouvernement n’est pas la seule cause du mécontentement de la classe ouvrière. A cela s’ajoute le chômage (30 000 sans-emploi à Munich). De plus, la proclamation de la République des conseils de Hongrie le 21 mars 1919 a un impact considérable en Bavière comme l’atteste un télégramme du délégué à Munich du gouvernement central berlinois : Les tendances radicales se sont considérablement développées ici en raison des évènements de Budapest (...) Le gouvernement qui voit bien l’extrême danger de la situation est impuissant faute de troupes sûres et en raison du glissement à gauche des masses
.
Vers la République des conseils.
Les thèses radicales trouvent donc un meilleur écho parmi les ouvriers et les soldats munichois. Mühsam juge qu’il est temps de proclamer une république des conseils, sur le modèle hongrois. Il est membre du conseil central révolutionnaire (à ne pas confondre avec le précédent conseil central qui avait éclaté après le départ des révolutionnaires) qui n’attend qu’une occasion pour renverser Hoffmann. Cette occasion se présente le 4 avril 1919.
Proclamation de la République des conseils.
Ce jour-là une délégation des conseils d’Augsbourg, ville des environs de Munich, réclame la République. En effet ces ouvriers qui sont en pleine grève générale, viennent d’apprendre que le gouvernement a décidé de convoquer le parlement pour le 8 avril. Il s’agit donc de le prendre de vitesse.
L’initiative de la République des conseils appartient avant tout aux ouvriers. Alors que les militants débattent encore de son opportunité, son principe est déjà acquis dans les communes de la banlieue munichoise.
Finalement la garnison de Munich et la plupart des formations politiques (y compris certains sociaux-démocrates !) approuvent la République des conseils. Seuls les communistes s’y opposent et refusent les postes de responsabilités qui leur sont proposés.
Dans la nuit du 6 avril, le conseil central se réunit au palais des Wittelsbach et là, dans l’ancienne chambre à coucher de la reine, on met au point les derniers préparatifs. Des responsables sont désignés, une proclamation doit être placardée dans toute la ville. Lorsqu’il apprend la nouvelle, Hoffmann s’enfuit avec son gouvernement, la presse à billets et... la clé des toilettes du palais (!) pour se réfugier à Bamberg dans le nord de la Bavière.
Munich est aux mains des révolutionnaires.