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III. - Histoire du chant de l’Internationale - Querelle de boutique

vendredi 23 juin 2023, par Hem Day (CC by-nc-sa)

Dans le Grand Dictionnaire Socialiste du Compère Morel qui fut édité après la première Guerre mon­diale, nous trouvons au mot « l’Internationale » ces quelques lignes : Chant officiel des socialistes dont le texte est d’Eugène Pottier et la musique d’Adolphe de Greyter, composé en 1871, l’Internationale fut éditée en 1894.

Nous étions à quelques années de cette paix mal­propre qu’a été celle du Traité de Versailles. De ci de là, quelques socialistes avaient été membres des gouvernements démocratiques, certains même occu­paient ou avaient occupé le ministère de la Défense Nationale.

La chose est pour le moins troublante et il est autorisé de faire un rapprochement.

D’autre part, l’on ne doit pas ignorer que l’édition de 1894 fut poursuivie et l’éditeur condamné pour provocation à la désertion, à la désobéissance et au meurtre dans l’armée.

Adéodat Compère-Morel en 1914.

Compère Morel ne devait cependant pas craindre semblable mesure. Placé dans un « Dictionnaire », le texte entièrement reproduit ne pouvait être pour­suivi. Il n’y a donc eu de sa part que pusillanimité de ce qui est impardonnable, pour quelqu’un qui prétend fixer dans un dictionnaire l’histoire et les faits du mouvement politico-économique national et international du socialisme. C’est un véritable abus de confiance, une contre vérité qui mettent en doute la science, la sincérité et les connaissances de celui qui prend semblable responsabilité, le parti pris de Compère Morel est d’ailleurs proverbial et maints articles et études du Grand Dictionnaire Socia­liste sont très contestables tant au point de vue historique que véridique.

Mais ce qui ne manque pas de saveur, ce sont les réflexions que publiait le journal Le Peuple, de Bruxelles, organe du Parti Socialiste Belge, dans son numéro du 1er mai 1948.

Relevant du « Chant » que le Drapeau Rouge, organe central du Parti Communiste de Belgique avait publié le 30 avril, la veille du 1er mai 1948, dans l’intention que l’Internationale jaillirait des milliers de poitrines enthousiastes qui défileraient derrière les fiers et rouges étendards ouvriers qui claqueront dans le vent, l’échotier du Journal Le Peuple écrivait : Pour le 1er mai, les sta­liniens épurent l’Internationale, et d’ironiser au sujet de cette Internationale épurée : O démocratie, ô « résistants ».

Pudiquement ajoutera ce journaliste : Le Drapeau Rouge censuré :

S’ils s’obstinent ces cannibales
A faire de nous des héros
Ils sauront bientôt que nos balles
Sont pour nos propres généraux.

Pour l’échotier du Peuple cette suppression serait le fait que les communistes staliniens ne dési­rent plus s’attaquer aux généraux, et autres maré­chaux puisque cela devient embarrassant pour un parti qui utilise la soldatesque pour imposer aux ouvriers de l’Europe un régime qui n’est ni moins brutal ni moins criminel que le régime hitlérien.

On cacherait aux ouvriers les dures paroles du cinquième couplet de l’Internationale et il ajoutait : Et demain on leur demanderait de ne plus le chan­ter du tout.

L’échotier du Peuple termine son papier :

Comme en URSS précisément où la vieille Internationale a été supprimée par décret et rem­placée par un hymne national odieux de chauvi­nisme.

Mais que les staliniens belges se soient prêtés à ce truquage, voilà qui montre jusqu’où va leur ser­vilité à l’égard de leurs maîtres, les dictateurs du Kremlin. Voilà qui prouve aussi combien nous avons raison de dire que nous n’avons rien de commun avec eux.

Il se peut que notre journaliste ait l’excuse de l’ignorance de la « jeunesse », ce qui l’autorise avec une naïveté déconcertante à s’en prendre à ses con­frères communistes staliniens.

Mais force nous est de lui conseiller avant de se lancer dans une polémique, de consulter le Grand Dictionnaire Socialiste du fameux Compère Morel. Avant d’écrire, trempez sept fois votre plume dans l’encrier, cela évitera bien des bévues, car il y a belle lurette que les socialistes, eux, ont supprimé le dit couplet.

Mais puisqu’on cache aux ouvriers certaines « du­res paroles » de l’Internationale, puisque pour les prolétaires, les partis socialistes et communistes dé­forment la vérité et n’hésitent point à faire une entorse à un texte selon les besoins de l’heure. Ana­lysons donc le contenu de cette Internationale afin de lui restituer, aux yeux des travailleurs, sa véri­table signification qui fut celle qu’Eugène Pottier lui imprima en la composant, la situant dans l’at­mosphère.

Voici ce qu’écrivait Fernand Després dans un ar­ticle publié dans le journal L’Humanité du 7 mai 1923 sous le titre « Eugène Pottier et l’Internatlonale » :

Dans Paris en ruines montait la pestilence des cadavres. La soldatesque cherchait de nouvelles victimes.

Les communaux qui avaient pu échapper au massacre étaient obligés de se cacher pour fuir, à la première occasion, la ville infestée de délateurs et de sicaires.

Eugène Pottier, traqué comme tant d’autres vaincus d’un grand conflit social, écrivit dans cette heure douloureuse son immortelle Internationale.

Une rue de Paris en mai 1871 (Luce Maximilien)

Voir en ligne : Bibliographie de Hem Day sur Anarlivres.org


II. - Le parolier de l’Internationale : Eugène Pottier   IV. - Voici le texte en entier de l’Internatio­nale avec commentaires