On connaît plus ou moins, dans le grand public, les théories syndicalistes. Les uns les ignorent absolument. Les autres les connaissent imparfaitement et professent pour elles la plus violente horreur. Nous avons déjà esquissé, à propos de militants tels qu’Yvetot et Pouget, les grandes lignes de cette conception du monde des travailleurs. Nous n’y reviendrons pas. Les Hommes du jour sont un organe de combat et non de doctrine. Nous nous contenterons simplement de donner ici la biographie du citoyen Griffuelhes.
On sait que longtemps Griffuelhes a été la cheville ouvrière de la Confédération Générale du Travail. C’est lui qui menait tout, veillait à tout, s’occupait de tout. D’un tempérament sinon autoritaire, du moins assez entier, il s’imposa rapidement à ses camarades. Certes, s’il n’avait fait paraître que le désir du commandement, il est probable que ses collaborateurs auraient regimbé. Mais, par son activité, sa parfaite connaissance des problèmes ouvriers, sa compétence en matière économique et sociale, son dévouement et son désintéressement, il prit peu à peu un ascendant contre lequel il devint inutile de lutter.
Qu’il y ait des hommes indispensables, c’est ce que nous nous refusons d’admettre. Mais il y a des hommes d’une telle utilité et dont les services indispensables peuvent être si difficilement oubliés que leur disparition laisse un vide profond parmi ceux dont ils se séparent. Griffuelhes compte parmi ces rares hommes. Puisse la CGT le retenir, ou si elle ne sait y parvenir, ne pas regretter trop amèrement le militant qui, pendant des années, la dirigea habilement dans les voies de la Révolution sociale, parmi les écueils réformistes, les abîmes gouvernementaux et les traquenards policiers.