Accueilli par la sympathie habituelle des ouvriers, le camarade Malatesta a visité hier après-midi les Ateliers Mécaniques Italiens et l’établissement Moneta à Musocco. Désorientés, trompés et déçus par les tergiversations, les promesses illusoires et les expédients de basse politique de leurs propres dirigeants, les ouvriers attendaient avec anxiété une parole claire et sincère, une parole qui les rassurât et leur redonnât du courage.
Ceux qui célèbrent l’accord signé à Rome [entre les syndicats et les patrons] comme une grande victoire, vous trompent. La victoire revient effectivement à Giolitti, au gouvernement, à la bourgeoisie qui se sont sauvés de l’abîme où ils allaient.
Jamais la révolution n’a été aussi proche en Italie, et n’avait eu autant de chances de réussite. La bourgeoisie tremblait, le gouvernement était impuissant face à la situation. Le pouvoir et la violence ne furent pas utilisés parce que vous avez su opposer au pouvoir du gouvernement un pouvoir supérieur, parce que par la conquête des usines vous aviez préparé votre défense avec les habitudes apprises pendant la guerre, vous aviez démontré que vous opposeriez la violence à la violence et que cette fois ce n’était pas vous, mais vos ennemis qui étaient en situation d’infériorité.
Parler de victoire alors que l’accord de Rome vous soumet de nouveau à l’exploitation de la bourgeoisie que vous auriez pu balayer, est un mensonge. Si vous livrez les usines, faites-le en étant convaincus que vous avez perdu une grande bataille et en ayant la ferme intention de reprendre et de réaliser fondamentalement la lutte, à la première occasion. Vous expulserez les patrons des usines et vous ne leur permettrez de rentrer que comme ouvriers, comme vos égaux, prêts à travailler pour eux et les autres. Rien n’est perdu si vous ne vous faites pas d’illusion sur le caractère trompeur de la victoire.
Le fameux décret sur le contrôle des usines est une plaisanterie, car il fait naître une nouvelle bande de bureaucrates qui, bien qu’ils viennent de vos rangs, ne défendront pas vos intérêts, mais leur place, parce qu’ils veulent combiner vos intérêts avec ceux de la bourgeoisie, ce qui est vouloir ménager la chèvre et le loup. Ne faites pas confiance aux chefs qui vous prennent pour des idiots et qui reculent la révolution de jour en jour. C’est à vous de faire la révolution, si l’occasion s’en présente, sans attendre d’ordres qui ne viennent jamais, ou qui n’arrivent que pour vous demander d’abandonner votre action. Ayez confiance en vous, en votre avenir et vous vaincrez.
Il est inutile de dire que le discours direct et sincère de notre camarade, suivi attentivement par les ouvriers et les ouvrières, a fait une profonde impression.