Avec Vallès, pour lequel elle a conservé une sorte de culte et qui fut un de ces rares privilégiés qui n’inspirent pas de sentiments moyens et provoquent l’exécration ou l’amour, Séverine fréquenta une foule de littérateurs et d’hommes politiques. Petite bourgeoise sentimentale et généreuse, elle se sentit de plus en plus entraînée vers le peuple révolutionnaire. Vallès, qui, à son retour d’exil, avait loué un petit appartement et acheté un mobilier tout neuf, ce qui faisait dire à sa jeune élève : On aurait cru voir l’appartement d’un grand garçon meublé par sa maman
, recevait surtout de vieux compagnons de lutte, des communards. Séverine y connut Félix Pyat, entre autres. Elle nous l’a montré, plus tard, comme le dernier survivant du dandysme révolutionnaire, dont Eugène Sue fut la suprême expression.
En attendant, elle buvait (c’est son mot) les paroles de son maître. Pendant que nous y sommes, peut-être sera-t-il utile de couper les ailes à une légende. On a parlé de relations intimes entre Vallès et Séverine. Il n’y eut jamais de rapports qu’entre maître et disciple. Pas autre chose. Ce qui chagrine aujourd’hui Séverine, ce sont les bruits mensongers que, intentionnellement, on continue à colporter.
En 1883, Vallès fit reparaître le Cri du Peuple. Séverine y collabora de façon très irrégulière. Il y avait, parmi les rédacteurs, Jules Guesde, alors révolutionnaire violent et antiparlementaire, Massard, qui depuis..., Duc-Quercy, etc. Dans Pages rouges, on trouvera le récit d’un incident qui se produisit quelques jours avant la mort de Jules Vallès : l’affaire Ballerich. Cela nous mène jusqu’en 1885. Vallès vient de mourir et plus de 100 000 pauvres l’accompagnent au Père-Lachaise. Séverine continue le Cri du Peuple. Elle bataille comme son maître, pour le socialisme, mais elle ne tarde pas à rompre avec les guesdistes, à propos de l’anarchiste Duval, condamné à mort, que ces derniers avaient violemment attaqué. Cela lui donne l’occasion d’exprimer ses sentiments en une formule qui, par la suite, restera constamment la sienne : Avec les pauvres toujours, malgré leurs erreurs, malgré leurs fautes, malgré leurs crimes !