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Shusui Kotoku (1871-1911)

dimanche 22 septembre 2024, par Frank Mintz , Martin Zemliak (CC by-nc-sa)

Kotoku dont le prénom était Dendziro, mais qui prit par la suite celui de Shusui, naquit dans le village de Nakamura, dans la province de Kotu, et fut élevé par sa mère très let­trée, car son père mourut très jeune.

Kotoku fréquenta les milieux de l’opposition libérale bourgeoise de sa province et dès l’ âge de dix-sept ans, en 1887-1888, il connut la répression. Il devint journaliste dans la presse socialiste et était farouchement antimilitariste. Il traduisit avec Sakan le Ma­nifeste de Karl Marx en japonais en 1903. La même année, il publia Essence du socialis­me, qui eut sept éditions entre 1903 et 1905, et lança la publication Heymin simbun (journal du peuple). Cette publication était opposée aux préparatifs militaires et durant la guerre russo-japonaise, elle entra en contact avec les socialistes russes dont elle publia les positions anti-bellicistes. On trouve également des traductions de Tolstoï et Kropotkine, et également de nombreux articles sur la condition féminine de Kanno Suga, la femme de Kotoku. En 1905, les autorités japonaises interdirent la publication et Kotoku passa six mois en prison.

C’est en prison que s’effectue un changement radical : Je suis entré marxiste et j’en suis sorti anarchiste, à fond. Cependant, propager l’anarchisme au Japon signifie être condamné à mort ou passer toute son existence en prison. En conséquence, le mouvement de­vra être organisé secrètement ; son développement et son succès demanderont beaucoup de temps et de résistance. Il traduit de nombreuses œuvres de Kropotkine : La conquête du pain, L’État et son rôle historique, La loi et l’autorité. Il décide de partir aux États-Unis où il a des contacts avec les I.W.W. Là-Bas il poursuit les contacts qu’il a­vait avec Freedom, la publication anarchiste de Londres, qu’animait Kropotkine.

Mais de nombreuses grèves éclatent dans les arsenaux militaires d’Osaka, Kure, Koysikava en 1906. Kotoku revient au Japon, accueilli par le parti socialiste. Il se déclare alors publiquement libertaire dans l’article « Mon point de vue a changé » (5/11/1907) : Réali­ser la révolution sociale véritablement par l’introduction du droit de vote généralisé et l’action parlementaire est absolument impossible. Le socialisme ne peut être atteint que par l’action directe des travailleurs organisés.

Il publie le fameux chapitre de Paroles d’un révolté de Kropotkine « Aux jeunes gens » (13/4/1907) et est en contact avec des anarcho-syndicalistes comme Oisi, Gudo.

Photo des 12 martyrs japonais (de gauche à droite et de haut en bas) : Heishiro Naruishi (ou Nabuishi) ; Rikisaku Hurukawa (Furukawa) ; Denjiro Kotoku ; Kenshi Okumiya ; Seinosuke Ooishi ; Tadao Niimura ; Gudo Uchiyama ; Unpei Morichika ; Uichiro Niimi ; Uichita Matuso (Uitta Matsuo) ; Takichi Miyashita ; Sugo Kanno. Source : Cartoliste

Mais le gouvernement japonais, sans doute en imitant la tactique de l’état espagnol en 1909 contre Francisco Ferrer, associe tous les intellectuels révolutionnaires – en grande partie libertaires – à un acte individuel terroriste du mécanicien Miyasita. Comme Miyasi­ta voulait tuer l’empereur et se déclarait anarchiste à la suite de ses lectures, lui et onze publicistes, dont Oisi, Gudo, Kotoku et Kanno Suga furent condamnés à mort, et douze furent condamnés à perpétuité. Le dernier en vie Sakamoto Syma fut libéré en 1945.

Kotoku écrivit en prison une lettre à ses avocats, en fait, un essai intitulé Sur la révolution depuis la prison. Il abordait trois parties :

 l’anarchie ne peut être assimilée à l’assassinat, et il citait notamment la figure de savant et de sage de Kropotkine ; l’ anarchie et la révolution : A vrai dire, la révolution surgit d’elle-même, parce qu’elle ne peut être provoquée par certaines personnes, par des partis ou des groupes. La révolu­tion jaillit ainsi, comme la formation d’un banc de sable à cause du mouvement constant des eaux ;

 la dernière partie décrivait le mouvement révolutionnaire et l’action des a­narchistes pour amener l’action directe des travailleurs eux-mêmes.

Kanno Suga

Kanno Suga et Kotoku chantèrent des vers avant leur exécution. Kanno s’écria : Vive la révolution anarchiste ! et ses compagnons reprirent Vive la révolution ! Miyasita cria Vive l’anarchie ! .

L’État japonais reprit sa tactique contre le propagandiste anarchiste Osugi qui continua l’œuvre de Kotoku. Il fut exécuté en 1923.

(D’après Galina Dmitrievna Ivanova Kotoku revolutsoner i literator - Moscou -1959 - et pour une citation de 1905, Victor Garcia).